Chapitre 5

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Elles profitèrent d'une éclaircie pour partir. Puis une fois qu'elles se rejoignirent à la gare, le temps fut radieux. C'était certainement trop tôt, trop rapide, mais elles avaient toutes les deux ce même sentiment d'avoir suffisamment attendu.

Dulcie marchait en sautillant légèrement. Elle portait une robe courte, rouge grenadine et froncée, qui lui donnait, au milieu du gris des quais et de l'acier des rails, un air de fleur d'hibiscus. Néanmoins, elle ne se rendait pas compte comme elle survoltait Bonnie. Celle-ci la suivit dans un wagon et elles s'installèrent l'une à côté de l'autre, juste avant que le train ne démarre.

Le blanc parfait des nuages dans le bleu immaculé du ciel, les cours d'eau étincelants qui réfléchissaient les rayons du soleil, et bientôt les champs de fleurs qui s'étendaient jusqu'à l'horizon, prêtaient une allure de dessin animé au paysage qui cheminait sous leurs yeux.

La lumière arrivait peu à peu par la vitre et fit transparaitre la brassière claire de Dulcie. Bonnie coulissa alors une main dans son entrecuisse chaire. Elle souhaitait pouvoir être encore plus proche d'elle. Pénétrer cette intimité si accessible. La sentir comme la veille. La faire vibrer de l'intérieur. Goûter à nouveau la saveur de sa peau. Elle commença à lui masser le haut de la jambe, le regard plus lubrique que jamais.

― C'est marrant, dit-elle, j'ai comme un petit creux d'un coup.

― Attends ! murmura Dulcie en désignant les cinq ou six autres passagers. Pas ici.

― Viens...

Elles s'orientèrent vers les toilettes, un sourire au coin de la bouche, puis entrèrent et verrouillèrent l'entrée. Dans la cabine, les secousses du véhicule les firent vaciller sur la cuvette et Dulcie trébucha sur Bonnie. C'en était trop pour cette dernière, qui sentit la moiteur du postérieur de sa belle à travers le pantalon de sa salopette.

La modeste étudiante ne pensait pas qu'un string puisse lui faire autant d'effet. Pourtant, en une seconde, elle ne se réfrénait plus. Dulcie se mit à remuer du bassin au même rythme que ses phalanges. La fougue monta comme un fouet battait des blancs en neige. Puis l'ouragan frappa, et transcenda la vitesse de l'engin dans lequel elles se trouvaient.

Dulcie lui attrapa instantanément le poignet avant de s'agripper aux bords du lavabo. Elle voulait rompre le silence de leur discrétion. Elle voulait hurler au monde comme c'était bon. Alors, pour se contenir, elle s'empressa d'occuper sa bouche à sucer la nuque de Bonnie. Haletante, elle prit une grande inspiration par le nez et finit par se mordre la lèvre. Seulement elle ne put réprimer tout le reste.

Le flot des vagues qui se brisaient.

L'excitation d'un sprint.

La propulsion d'une étoile filante.

Le parfum de l'apesanteur.

La beauté de la vie.

La fraîcheur d'une renaissance.

Bonnie cessa de respirer. Le point culminant était palpable, et se fut un plaisir incroyable que de l'avoir là, juste entre ses doigts. L'atmosphère tourna dans tous les sens. Dulcie crut se faire entraîner par les vents qui claquaient en elle. Quand soudain, quelqu'un frappa à la porte.

― Pardon, mais vous en avez encore pour longtemps ?

― Je suis désolée, déclara Bonnie sans s'arrêter de combler Dulcie. Mon amie ne se sent pas très bien, je crois qu'on va en avoir pour un moment !

Elles ne purent se retenir de glousser. Cette excuse était si fausse ; d'autant qu'elles atteignirent rapidement l'apogée. Et brusquement, l'écho d'un klaxon retentit. Un autre convoi passa juste à côté et fit trembler les cloisons de leur rame. Elles saisirent leur chance de jouir aussi bruyamment qu'espéré, et leurs exclamations fendirent l'air pour se confondre avec le vacarme ambiant.

Le Revers du Velours [LIVRE 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant