Chapitre 18 (TW: meurtre et sang)

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            Elles étaient redescendues le plus possible dans le sud, et n'avaient, ni l'une ni l'autre, pu fermer l'œil de la nuit. Le petit hôtel dans lequel elles s'étaient réfugiées n'était qu'une modeste auberge, vide de clients, juste en face de la gare ferroviaire. La réceptionniste, qui faisait également office de directrice et de femme de ménage, avait paru presque surprise en les voyant débarquer aux aurores.

Le temps d'une sieste de quelques heures, Bonnie sortit lourdement de son sommeil. Durant un instant, elle se crut allongée au bord de la mer, proche d'une cascade. Seulement, le chuintement de l'eau résonnait depuis la salle de bain. Enfin, l'un d'eux. Elle hésita, avant de comprendre que le second chuchotis provenait du vieux téléviseur, dans l'angle de la pièce.

Les paupières à moitié closes, elle tenta de regarder l'écran mais ne distingua que le bandeau d'information de la chaine, sans réussir à en lire quoi que ce soit. Le murmure continua de la bercer ; oscillant entre songes vaporeux et nettes certitudes.

Elle flottait toujours de bonheur. Après ce qu'il s'était produit la veille, elle et Dulcie avait humer au plus près le parfum frais et camphré de l'espoir. Cette fleur gracieuse, qu'elle avait si peu réussi à trouver seule. Elle avait senti l'apaisement se diffuser en elle, comme le froid délicat d'une brûlure juste au-dessus du palpitant.

Le bruit de la pluie cessa et, confuse, elle rouvrit faiblement les yeux. Le jour était resplendissant. Elle ne reconnut pas tout de suite les lieux. Puis le froissement d'une serviette de toilette la ramena à la réalité. En se redressant sur le lit, une image s'afficha vaguement dans le flou de sa vision. Elle se frotta la figure, et perdit aussitôt sa légèreté.

Une photo de Mr. Laurent était retransmise à la télé. Le cœur de Bonnie rata un battement. Elle se jeta sur la télécommande et augmenta le son en vitesse :

« C'est un scandale à présent, qui fait trembler la magistrature : celui du meurtre d'un chef d'entreprise soupçonné de proxénétisme. Ce matin, le mari de la procureure de la République, Diego Laurent, a été retrouvé mort au siège de son entreprise. À la suite d'un incendie à priori volontaire, les pompiers ont découvert son corps calciné et ligoté à sa chaise de bureau.

La police est actuellement en train d'interroger ses proches et collègues ; dont son épouse, qui nie toute implication et affirme n'être au courant de rien. Brûlé vif dans la nuit d'hier soir, des preuves d'un réseau de prostitution dont il était le gérant ont cependant résisté aux flammes et mettent la police sur la piste d'un possible règlement de compte.

L'enquête suit son cours, mais d'après les vidéos de caméra surveillance, tout porte à croire qu'il s'agirait d'une des femmes qu'il exploitait à travers cette organisation criminelle... »

Bouche bée, Bonnie resta immobile devant l'annonce de la journaliste. Elle se rejoua la scène une bonne centaine de fois, sans parvenir à comprendre comment cela avait pu arriver.

Ses talons aiguilles vernis auraient tapé contre le carrelage sombre du bâtiment. Ils auraient monté les marches en céramique noire dans un claquement qui résonnait dans tout l'escalier. La démarche assurée, elle aurait fini par atteindre la faille de sa cible.

L'idée était claire. Alors elle aurait attaqué. La flambée aurait ondulé sous leurs yeux, puis dans un mouvement de recul, elle la lui aurait balancée dessus.

Il aurait hurlé de douleur mais elle ne s'en serait pas préoccupée. Elle s'en serait allée, dos tourné au feu de sa vengeance. Dans le tremblement flou de la torche humaine, sa silhouette se serait éloignée, enfin vengée, et désormais meurtrière.

Soudain Dulcie surgit de la douche. En voyant le teint pâle et l'expression médusée de Bonnie, elle lui demanda ce qu'il se passait. Sans réponse. Ce fut en découvrant la nouvelle au journal qu'elle se figea, son regard sidéré dans celui de sa partenaire.

Le Revers du Velours [LIVRE 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant