Quand la campagne rencontre la beauferie

6 - Escapade poirée bretonne

Afin de pouvoir réaliser le smoothie avant que le lait durement collecté ne tourne, Jacques devait agir promptement. Un concours de circonstances heureux fit qu'il devait se rendre le lendemain dans ses terres bretonnes (l'excursion agrono-parisienne avait eu lieu un vendredi soir). Sitôt le DS de maths raté, Jacques se mit au volant de sa Piquette Dacia Mobile et s'engagea toutes voiles dehors vers Pleucadeuc.
Après quelques heures de route et plusieurs pauses pipi (Jacques ayant pris l'habitude de visiter fréquemment les toilettes avec son bien-aimé), Jacques arriva finalement à bon port.

Avant de procéder à l'exécution de son affaire poirée (car oui, ce n'est pas en Bretagne que Jacques comptait trouver la papaye nécessaire à la confection de la boisson lactée), le jeune breton décida de présenter ses hommages à sa mère-grand en homme bien élevé (ou juste hypocrite).
La vieille dame l'accueillit en ces mots :

-"Alors mon p'tit Jacquouilles, tu as enfin "chopé" une petite donzelle ?"
-"Euh, je crois que tu veux dire "pécho" et non mémé, on en a déjà parlé, je ne suis pas..."
-"Oh mais c'est des bêtises ça !" le coupa la vieille dame aigrie comme un citron. "Eh mais je ne t'ai pas raconté ! Tu connais le petit Vincent, le neveu du vieux René ?"
-"Si tu le dis ?"
-"Il paraît qu'il a galoche le gros Louis l'aut' jour ! Tu te rends compte ? Et en plus c'était pas la première fois ! Manquerait plus qu'il galoche l'arabe de l'épicerie..."
-"Ohlala oui honteux, terrible." dit Jacques, visiblement aussi paniqué que gêné. "C'est pas tout mais tu sais pas où est l'échelle de pépé ?"
-"Qu'est-ce tu veux faire avec ? Te mettre à la hauteur du gros Louis pour le galoche ?" rigola grassement sa mémé. "C'est pas faute de t'avoir donné de la soupe, mais t'as pas poussé d'beaucoup mon p'tit gars..."
-"Hahahahaha oui c'est très drôle mémé, mais tu peux répondre à ma question s'il te plaît ?"
-"Oh boh va chercher dans la remise au fond du jardin, et essaie d'y trouver ton sens de l'humour pendant qu't'y es ! J'sais pas quelle mouche t'as piqué mais elle a pas fait l'école du rire dis donc." rala la vieille dame dans sa barbe.

Jacques acquiesça rapidement et s'éclipsa aussi vite que le soleil d'une journée bretonne.
Il se dirigea promptement vers la remise et ni une ni deux, trouva l'heureuse échelle qui allait lui permettre de monter cueillir les poires tant désirées.
Il fit tomber quelques bricoles en extirpant l'échelle, puis il sortit finalement de l'abri humide.

Tel un preux chevalier, Jacques grimpa sur l'échelle et s'attela à la récolte du fruit juteux. Néanmoins, il n'avait pas remarqué que des bêtes au pelage grisé et à la queue rosâtre avaient trouvé l'échelle du pépé à leur goût.

"CRAC !"

Le bruit sourd retentit à travers tout le patelin.
L'échelle ? Cassé en deux. L'homme ? Potentiellement brisé en deux aussi.

Alarmée, la vieille dame sortit de la vieille bicoque bretonne.

-"Eh oh ça va pas ce boucan ?! Y a Questions pour un Champion qui va commencer !" vociféra-t-elle.

La canne en l'air, la vieille dame marqua un temps d'arrêt.

-"Non mais c'est pas vrai, qu'est-ce qu'il a encore brandouillé c't'abruti ?? Eh ! Michel ! Appelle le médecin, j'crois qu'l'petiot s'est brisé un genou ou je sais pas quoi !"

Après l'arrivée du médecin, Jacques fut emmené à l'hôpital le plus proche (qui se situait malgré tout à 60km de la bourgade). Le résultat fut sans appel : Jacques avait réussi l'exploit inespéré de se faire une torsion testiculaire. Selon la gente médicale, une mauvaise chute avait pu provoquer une contraction malencontreuse (si rétraction possible) ayant conduit à la situation cocasse bien que malheureuse de Jacques.

Alors que Jacques errait telle une âme en peine dans les couloirs du sordide hôpital, il retomba pif-à-pif (voir chapitre précédent) avec Florian. Mais que faisait donc le poitevin à taille raisonnable dans cet hôpital breton ?!

-"Oh, doux Jésus, Jacques, tu vas bien." souffla Florian, visiblement soulagé.
-"Euh oui, merci pour moi, mais tu fais quoi ici au juste ?!" répondit Jacques, frappé par l'étonnement.
-"Je suis venu voir le pape, évidemment."

Jacques se tut. Était-ce là une tentative de blague ?

-"Je suis venu te voir toi, gros benêt !" rigola le poitevin.
-"Haha. Je vois que tu as retrouvé ta bonne humeur, et que ma chute n'a donc servi vraiment à rien.
-"Parce que te faire mal a une utilité si je suis de mauvaise humeur... ?"
-"Oui, si ça arrive alors que je cherche à cueillir des poires pour te faire un smoothie poire-papaye !" lâcha le breton, quelque peu irrité.
-"Attends quoi ? Tu es venu en Bretagne pour trouver des poires pour me faire un smoothie ??"
-"OUI ! Mais c'est rien à côté de mon intrusion par effraction (c'est-à-dire glissage de mon corps entre les barreaux de la grille) à APT pour traire des vaches !"
-"Mais t'es un grand malade en fait..."

Florian le regardait intensément.

-"Tu sais... ton côté un peu décalé me fait beaucoup d'effet..." murmura-t-il tout en glissant délicatement sa main dans celle de Jacques.

Jacques ne souffla mot, mais ses joues prirent la couleur d'un champ de tomates belges. Il se mit à regarder Florian également, avec une intensité semblable si ce n'est plus forte.

-"Et si on allait chercher le troisième ingrédient maintenant ?" proposa le poitevin.
-"Ça me va, mais je pense que mes testicules ont encore besoin d'un peu de repos avant ça..."

Dans le prochain épisode : maintenant que les testicules de Jacques sont remises de leur aventure, ce dernier et son dulciné se mettent en quête du troisième et ultime ingrédient : la papaye...