NEUF

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*Layla*

« La nuit j'essaye de rêver, mais j'y arrive pas »

J'attends un miracle - Swift Guad

Je suis assise sur un banc sur le quai de la gare, une bouteille à la main. Je regarde les railles et les trains passer toutes les vingt minutes. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis plantée là. Les douleurs que je ressens sur mon corps à chaque fois que je porte la bouteille à ma bouche, à chaque fois que je respire sont insoutenables. Mon regard est vide. Il ne laisse pas entrevoir la souffrance que je ressens à l'intérieur de moi.

« - Layla? »

Je sursaute.

« - Ça fait plusieurs jours que je ne t'ai pas vue

- J'ai pris des vacances

- Tu as quelque chose de prévu là tout de suite?

- Devenir ivre et me laisser mourir ça compte? Rétorque-je en le regardant dans le coin de l'œil

- Je pourrais t'achever si tu veux, me dit-il en attendant une réaction de ma part »

Non. Tu n'as toujours pas compris Noah. Je veux que tu me laisses tranquille. Je m'apprête à décliner lorsque je les vois arriver à ma droite. Ils ne m'ont pas vue mais je suis prise de sueur froide. Je me lève rapidement et prends la main de Noah avant de me dépêcher jusqu'à l'autre sortie du quai.

« - Je ne t'ai jamais vue aussi enthousiaste

- Oui oui, continue de marcher »

Il ne dit plus un mot jusqu'à qu'on aille atteint le toit.

« - Je t'ai écrit une lettre »

Je l'interroge du regard.

« - Tu ne veux jamais m'écouter plus que trente secondes alors je me suis dit que si je t'écrivais, peut-être que ça pourrait être different après »

Il me la tend et je la prends. Original.

Je monte sur le rebord du toit et m'amuse à marcher dessus. Un pied de travers et je chuterais de plusieurs mètres. Il a bien vu que j'avais bu mais ne fait aucun commentaire. J'aime sa façon de ne jamais me faire de reproches dues à mon irresponsabilité. Et au lieu de ça, il me rejoint.

« - Si tu tombes, je tomberai avec toi, dit-il doucement »

Je regarde droit devant moi et je sais qu'il fait de même. Une goutte de pluie tombe sur mon visage et je regarde instinctivement dans le ciel. Les gouttes se font plus nombreuses et je me mets à sourire. Nous restons jusqu'à la fin de l'averse sur ce toit glissant. J'aurais voulu tomber accidentellement et finir au milieu de la route. J'aurais voulu avoir comme dernière image celle-ci.

« - Je ne peux pas rentrer chez moi Noah, j'ai.. j'ai quelques problèmes

- Ma maman sera ravie de t'avoir pour le repas »

Je souris et il descend du rebord pour rejoindre l'intérieur du bâtiment. Il ne prend même pas la peine d'essayer de comprendre et j'aime ça.

On enlève nos chaussures quand on arrive dans l'appartement et il se dirige dans la cuisine et échange quelques mots avec sa maman.

« - Layla je suis ravie de te voir! Fais comme chez toi, tu es la bienvenue ici »

Je lui souris en hochant la tête, reconnaissante. Je suis consciente qu'ils n'ont pas beaucoup de moyens et ils m'accueillent les bras grands ouverts.

Il me montre la salle de bain et me laisse de quoi me doucher parce que nous sommes trempés à cause de l'averse. Je me lave les cheveux et le corps avant de m'asseoir dans la douche quelques instants. Lorsque j'y sors, je prends les habits que Noah m'a prêtés et les porte, à savoir un grand caleçon ainsi qu'un pull blanc avec des longues chaussettes.

Je vais dans sa chambre et le retrouve à torse nu. Je m'excuse, gênée alors qu'il se tourne pour me faire face. Ses cheveux mouillés lui retombent sur le visage et ses yeux ressortent dans cette pièce terne. Comme si son âme était la pointe d'espoir à ma vie. C'est la première fois que je vois son corps ainsi. Il n'est pas le plus musclé mais ça se voit que son corps est entretenu. Et puis je les vois, ces cicatrices sur ses bras et ses épaules. Il a brûlé. Je n'essaie de ne pas trop y faire attention et je remonte mon regard jusqu'à son visage.

Il me regarde et sourit. Sans dire un mot, il prend ses affaires sur le lit et part à son tour dans la salle de bain. Je reste plantée là une vingtaine secondes avant de reprendre mes esprits et d'aller aider sa maman dans la cuisine. Elle accepte que je mette les couverts et nous nous installons. Noah ne met pas plus de cinq minutes pour nous rejoindre. Ses cheveux sont toujours mouillés et plusieurs gouttelettes tombent sur son t-shirt. Tiana nous sert à manger et tout le repas se fait dans la bonne humeur malgré le fait que je n'ai pas beaucoup participé à la discussion. Une fois que nous avons tous terminé nos plats, nous nettoyons tous ensemble la vaisselle et après nous avoir dit bonne nuit, Tiana disparaît dans sa chambre.

« - Je te laisse mon lit, je me mettrais sur le canapé

- Non, tu as déjà fait beaucoup. Je serais très bien ici

- Non j'insiste

- Moi aussi, je te rappelle que je fais la moitié de ta taille, ça ne me pose aucun problème »

Il finit par capituler, me voyant déjà couchée sur le canapé. Il disparaît dans sa chambre avant de me ramener une couverture. Je le remercie et il me souhaite bonne nuit.

J'ai attendu cinq minutes avant de me relever pour monter sur le toit. Je me connais, je ne vais pas réussir à dormir de si tôt alors pourquoi essayer. La pluie a arrêté de tomber laissant place à un ciel sans nuage. On pourrait voir les étoiles si nous n'étions pas dans une ville éclairée. En revanche, la pleine lune se voit à merveille. Je reste quelques minutes à observer le lac avant de sortir la lettre de mon pull. Peut-être m'éclaira-t-elle à propos de mes questionnements. J'ouvre l'enveloppe.

« - Panne de sommeil? »

Je sursaute et cache la lettre aussitôt.

« - J'avais juste un peu besoin d'air »

Il ne me répond pas mais s'assoit à côté à moi en allumant sa cigarette. On reste là, sans un mot, à observer les reflets des lumières dans le lac. Après une dizaine de minutes, il la jette et se lève.

« - Rentrons, tu vas attraper froid sinon »

Je l'écoute et le suis. Une fois de retour dans l'appartement, il me redit bonne nuit et disparaît dans sa chambre après m'avoir proposé une nouvelle fois son lit. Je me couche sur le canapé et observe le plafond noir.

Une larme coule le long de mon visage.

THEREIN LAY THE HOPEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant