*Layla*
« Foudroie moi je m'en bats je ne combats plus je passe le temps »
Jrefaiscquejvois - Columbine
Une table se libère sur la terrasse, je me précipite vers elle pour la desservir et la nettoyer car il y a beaucoup de monde dans les rues aujourd'hui. Une famille arrive au même moment au niveau de la rue où se trouve la terrasse et le père demande s'ils peuvent s'y asseoir. Je rentre rapidement et leur amène les cartes et de quoi dresser leur table. Je m'élance rapidement vers l'entrée lorsqu'un jeune homme veut rentrer en même temps que moi à l'intérieur du restaurant. Je me stoppe net en évitant de justesse de lui foncer dedans. Nous nous excusons mutuellement et il me demande s'ils peuvent boire un verre avec son ami. Je les installe alors au bar pour éviter d'utiliser une table et ils me demandent deux bières à pression. Je fais couler les bières dans les verres, je les leur donne en souriant puis pars prendre la commande sur la terrasse. Lorsque je reviens derrière le bar, le garçon me regarde et me sourit. Je dois avouer, après coup, que tout au long de la soirée j'ai senti à plusieurs reprises son regard sur moi. Peut-être m'observait-il parce que c'était moi qui le regardais sans m'en rendre compte. J'en doute.
Je dirais qu'il a entre vingt et vingt-cinq ans et qu'il fait un peu plus d'un mètre soixante-dix. Ses cheveux sont châtains et sont plus courts sur les côtés. Ayant les cheveux plutôt longs au milieu, ils tombent souvent sur son visage et il est obligé de les repousser à plusieurs reprises en arrière. Et ses yeux.. On pourrait s'y perdre. Ses yeux sont bleus foncés vers l'extrémité de l'iris et l'intérieur est un mélange de turquoise et de bleu clair. J'arrive à y voir la noirceur et la beauté de son âme. Il a de nombreux tatouages sur ses bras mais ils restent cependant plutôt minimalistes. Il porte une montre noire sur le poignet gauche et un bracelet fin et noir du côté droite. Il a une bague en argent sur l'index gauche et une chaîne également argentée. Il porte une boucle d'oreille ronde et noire d'environ un centimètre style un peu gothique à une oreille et une toute petite créole argentée à l'autre oreille.
Il a passé la soirée à rigoler avec son ami. Pour être totalement correcte, c'est plutôt son ami qui rigolait bruyamment, lui il s'est contenté de sourire et de rigoler discrètement. A première vue, il a l'air plutôt introverti mais assez agréable tout de même.
Un homme qui doit avoir entre cinquante et soixante ans rentre dans le restaurant et commande une bière. Je commence à la lui préparer lorsqu'il commence à devenir lourd.
« - Eh, tu es bien mignonne, tu me mettras ton numéro sur l'addition pour qu'on puisse se revoir pour faire plus ample connaissance »
Je baisse la tête et me force à sourire, gênée.
« - Allez, fais pas ta timide, on les connaît toutes les filles comme toi dès qu'elles prennent un peu confiance »
J'en perds mes mots, ne sachant pas comment réagir. Cette voix dans ma tête refait irruption dans ma tête et me remet les souvenirs que je voudrais oublier dans mon esprit. Tu ne mérites pas mieux.
« - T'as pas autre chose à faire que draguer les serveuses qui pourraient être tes filles »
Je manque de m'étouffer et tourne la tête vers lui. Lui. Sa voix rauque me donne des frissons.
Le cinquantenaire se lève et se rapproche de lui mais ma patronne, du haut de son mètre soixante s'interpose et demande au monsieur de partir, n'acceptant pas ce genre de comportement dans son établissement. Elle sait être autoritaire quand il le faut et il part en lâchant quelques injures. Une fois qu'il est dehors, je regarde celui qui m'a défendue; il me regarde déjà.
« - Est-ce que ça va? Me demande-t-il presque en chuchotant »
Encore un peu secouée par ce qui vient de se passer et de ce qui aurait pu se passer, je ne réponds rien. Je n'arrive pas aligner deux mots.
Quelques instants plus tard je reprends mes esprits et lui tends la bière.
« - Tenez, cadeau de la maison »
Peu avant minuit, ils me demandent s'ils peuvent réserver une table pour le lendemain pour quatre car ils ont bien aimé l'endroit. Je note leur réservation et leur donne l'addition. Ils paient et partent.
A l'intérieur de moi je ressens quelque chose. Comme si je me réjouissais qu'il revienne, comme si je voulais au fond de moi apprendre à le connaître. Je n'ai pas ressenti quelque chose à l'intérieur de moi depuis très longtemps. Il faut dire que je suis devenue plutôt insensible, sans émotions. J'étais en quelque sorte un mur. Mais là, j'éprouve un sentiment. C'est une des premières fois depuis mon retour en Suisse que je ressens un peu de bonheur. Pourtant, c'est un sentiment vraiment minuscule. J'ai d'un coup l'angoisse que tout redevienne comme avant. Je ne peux pas ressentir ça pour quelque chose d'aussi petit. Je reprends mes esprits, respire profondément et me calme. Je me suis juste un peu égarée. La petite fissure de mon mur autour de mon coeur s'est recollée.
Je finis de ranger le dernier verre. J'enlève mon tablier et pars aux toilettes. Je réajuste mon chignon, me mets un coup d'eau sur les joues, ayant transpiré avec cette soirée chaude d'été.
Je prends mes affaires, ferme le restaurant et m'en vais dans la noirceur de la nuit qui a déjà bien démarré.
Je monte le dernier bout de la rue et je prends l'ascenseur afin de rejoindre le pont. Je commence à traverser le pont puis m'arrête pour m'agripper sur la barrière. Je regarde en bas. Peut-être qu'un jour aurais-je le courage de mettre un terme à ce fiasco.
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THEREIN LAY THE HOPE
RomanceLâcher prise, tout abandonner, tout envoyer balader. Sans intérêt, sans envie, sans goût. Vivre sa vie parce qu'il fallait la vivre. Jusqu'à rencontrer la personne qui te redonnera goût à la vie, qui fera oublier les démons de ton passé et qui te pr...