Chapitre 7

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C'est seulement quarante minutes plus tard que Newton s'échoue dans son siège, relâchant son stylo à encre qui part tacher sa feuille.

- Enfin fini...

- Désolé de ne pas avoir été d'une très grande aide... ajoute-je honteusement.

- Tu plaisantes ? Tu étais mon soutien émotionnel.

J'esquisse un sourire, bientôt volé par une ombre d'inquiétude. Je me relève soudainement de ma chaise, me promène à grands pas dans ma chambre, puis m'assois lourdement sur mon lit. Newton, les sourcils froncés, m'a suivi du regard tout du long. Je le vois dans ses yeux, qu'il m'interroge avec gravité. Il doit avoir compris ma soudaine agitation.

- Newt... murmure-je. Pourquoi l'as-tu fait ?

Ses lèvres s'entrouvrent, rien n'en sort. Peut-être espère-t-il que je cible un tout autre sujet ?

- Pourquoi m'as-tu embrassé ? insiste-je.

Il se tait quelques secondes, passant sa main dans ses cheveux.

- J'espérais que tu n'aborderais pas ce qu'il s'est passé... 

Il me rejoint lentement, ses gestes sont voluptueux, aériens. Il me fixe de ses yeux noirs, appuyant la sincérité de ses mots d'un souffle pétulant.

- Tommy... Je sais que tu n'es pas pareil... pas pareil que moi. Je l'ai compris dès le départ, je l'ai toujours su. Je... Je ne sais pas pourquoi je me suis permis de t'embrasser... C'était une sorte de besoin... une action naturelle, sans réflection... Je le voulais, je le voulais si fort en moi... que je l'ai fait sans m'en rendre vraiment compte. Excuse-moi, je ne mérite pas un ami si patient, bienveillant et compréhensif que toi. Excuse-moi, Tommy.

Je suis bouche bée. Pense-t-il que je suis...? Et ma haine envers Austin ? Mon obsession pour lui ? Ou même l'épisode du parc, au lycée ? N'a-t-il donc rien vu, rien remarqué ? N'ai-je donc pas été suffisamment clair ?

- N... Newt...

Son regard s'incline, il interprète mon bégaiement différemment de la réalité.

- Je suis désolé de te mettre dans un tel embarras... Merde, pourrais-tu même me pardonner ? pardonner mon idiotie ? ou même mon irrespect ?

Je l'observe encore, les syllabes nouées à la langue, la bouche perdue. Je me sens incapable de réagir, incapable de répondre à son anxiété. Je suis blanchi par l'incompréhension, par la timidité.

- Newt... souffle-je enfin.

Tout comme durant notre trajet, je glisse ma main sur sa joue, approche mon visage du sien et l'embrasse doucement. Je le sens se détendre sous mon touché, il meut mollement ses lèvres, s'abandonne simplement à ma tendresse. Je me retire lentement, la respiration coupée par mon élan de courage.

- Je... Je ne suis pas...

Les mots ne me viennent pas, j'ai cette horrible impression, celle qui m'assure que je ne suis pas apte à formuler une bonne déclaration.

- Je ne suis pas hétérosexuel... termine-je enfin. J'avais ces doutes... et puis... je t'ai vu... enfin... je ne suis pas comme ce que tu penses...

- Tu... Tu es aussi...? balbutie-t-il, les joues rouges.

- Je ne sais pas vraiment ce que je suis... admets-je. En revanche, je sais ce que tu me fais... tu me plais beaucoup, Newt.

Un sourire se trace sur ses lèvres, il se jette sur moi pour m'allonger, m'escaladant à califourchon. Son souffle est près du mien.

- Tu me plais aussi, Tommy. Beaucoup.

La porte du sous-sol s'ouvre, Julia descend rapidement les escaliers et m'interpelle :

- Tom, ton chargeur ? J'aimerais appeler L...

Sa demande s'évanouit en nous apercevant, je la vois ouvrir de grands yeux.

- D... Désolée, les gars, je... je prendrai ton chargeur plus tard...

Elle se presse de remonter, j'entends la porte claquer derrière elle. À mes côtés, Newton prend des couleurs.

- A-t-elle... A-t-elle a vraiment cru que l'on... ?

Je rougis à mon tour, je le sens se crisper au-dessus de moi.

- Vu comment tu es assis sur moi... bredouille-je. Ça peut porter à confusion...

Newton ne dit rien, pris d'embarras. Il se redresse, scrute notre position, fouille les expressions de mes yeux.

- Cela te dérange-t-il ?

Le futé, voilà qu'il attend de moi une révélation encore plus intime que mes sentiments, une révélation impudique, désirante, désirable.

- Veux-tu me gêner ? ris-je nerveusement.

Un sourire flatté creuse ses pommettes roses.

- L'apprécies-tu à ce point ? retourne-t-il.

- Est-ce une mauvaise chose ? dis-je à mon tour.

- Non. Non, pas pour moi.

Il se penche à nouveau, plaque tendrement nos lèvres. Mes mains remontent sur ses hanches, je pousse un soupir d'aise. Ma langue effleure son piercing, je l'entends esquisser un gloussement. Ses mains s'infiltrent sous mon sweat, je relève vers lui un regard déjà vaincu.

- Cela risque de me déranger... préviens-je, rougissant de honte.

- Moi aussi... admet-il en bredouillant.

Il se retire de mon bassin, se laisse tomber à mes côtés. Une minute s'écoule durant laquelle nous ne partageons que notre respiration, je souris sans même prononcer une parole, je le fais à cause du bonheur.

- Winston organise une soirée. informe-t-il enfin. Aimerais-tu m'accompagner ?

- Tu raffoles de ma compagnie, pas vrai ? taquine-je en me tournant face à lui.

- Disons que j'aimerais beaucoup, beaucoup t'y voir... rougit-il encore.

- Alors c'est avec plaisir.

Son sourire s'élargit, il encadre mon visage pour m'embrasser une dernière fois. Son téléphone vibre dans sa poche, fait éclater notre petite bulle.

- Mon père aimerait que je rentre... déclare-t-il. Je suppose que l'on se verra demain ?

- Évidemment.

Après l'avoir amené à la porte d'entrée, j'ai pensé ne jamais avoir vécu meilleure soirée.

Love at first sight - NewtmasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant