C4 - Une chasse divertissante (2/3)

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L'excitation grandit dans le ventre de Xénon lorsqu'il talonna son okyda. En peu de temps, il rejoignit le village, qu'il traversa sans ralentir, bousculant les retardataires dans les rues s'ils ne s'écartaient pas assez vite sur son passage. Trouver la place principale ne posa pas de problème, tant le bourg était minuscule. Sitôt parvenu à destination, il mit au pas sa monture et brisa le cercle des habitants sous le contrôle des gardes. Au centre, deux clones entouraient une jeune fille d'une vingtaine d'années, au regard sombre fixé sur lui.

Si tu avais des couteaux à la place des yeux, je serais mort.

La rage de l'Auroréenne s'écoula en lui à l'instar d'un alcool fort. Au contraire des villageois. La pâleur de leur peau bleue ressortait encore plus sous le reflet coloré des cheveux. Descendu de son okyda, Xénon s'exprima d'un ton faussement chaleureux.

— Bonjour, je suis heureux de faire votre connaissance.

Aucune réponse ne lui parvint, mais il n'en espérait pas.

— Par ton acte irrespectueux, tu m'as ôté une magnifique proie, Auroréenne. Pour une telle faute, la sentence chez mes hommes est la mort...

Un garde activa aussitôt la flamme rouge de son électase, tandis qu'une vague de murmures horrifiés parcourait les villageois. Le chef suprême laissa ses propos marquer les esprits. Il se régalait à jouer avec leur frayeur, à imposer son pouvoir.

— ... à petit feu, ajouta-t-il enfin.

Un rictus s'afficha sur le visage du clone quand il désengagea le rayon mortel et appuya la pointe de la lame contre l'épaule de la prisonnière. Celle-ci n'avait pas bronché ni baissé ses prunelles meurtrières.

— Toutefois, aujourd'hui, je serai magnanime et donnerai juste un avertissement, conclut-il avec un geste théâtral.

L'arme s'évanouit. Lorsque les Auroréens apeurés le remercièrent, il chassa leurs paroles d'un signe condescendant de la main.

— Néanmoins, pour compenser ma perte, je m'autorise à me servir dans vos produits.

Xénon arpenta la place. Il s'arrêtait ici ou là, caressait des objets, s'enthousiasmait pour d'autres. Il en saisit certains, les étudia sous toutes ses coutures, les sourcils froncés, puis les reposa avec un soupir de déception. Devant un étal, il contempla un bouquet d'ibisclas, emblème d'Ostia, aux larges pétales prune. Il huma ensuite le parfum suave d'une branche de plumeris, agrémentée de petites boules laineuses et filaments orangés, avant de reprendre sa route en secouant la tête. Plus loin, une échoppe de boissons l'attira. Il vida d'un trait un gobelet de criolato, à la saveur douce-amère entre le chocolat et le café. Recracha avec une grimace de dégoût.

Durant sa quête improvisée, il sentait le regard effrayé des villageois sur ses épaules.

Et s'en abreuvait à chaque pas.

Le chef suprême termina sa promenade au milieu de plusieurs jeunes filles. Sitôt qu'il effleurait des doigts les longues mèches blanches, les reflets s'accentuaient et les Auroréennes se détournaient. Cette attitude lui vola un bref rictus ironique. Revenu au centre, il confia :

— Vous avez peu de choses à proposer, aucune digne de mon rang, sauf...

Le visage impénétrable, il se rapprocha de la captive, laquelle planta ses yeux bleu-gris dans les siens. Il retint un sourire.

Oui, manifeste ta colère ! Je n'ai rencontré qu'une femme sur cette planète avec une telle force de caractère, la princesse Flore. Tu lui ressembles beaucoup.

Il effectua une légère révérence avant de poursuivre :

— Toi ! Tu vivras au palais royal en tant que première concubine. Sois-en honorée.

Une vague de soulagement se répandit parmi les Auroréens. Cependant, Xénon lut une question muette dans les regards. Personne n'osait l'émettre à voix haute.

Vous n'avez aucune idée à quoi correspond une concubine. Vous l'apprendrez bien assez tôt.

Pendant qu'il remontait sur son okyda, les gardes attachèrent la prisonnière. À sa grande surprise, elle ne se débattait pas. Il en fut déçu. Elle protégeait les villageois, sans aucun doute.

— J'ai failli oublier ! As-tu une sœur, une cousine ou une amie proche ?

Comme l'Auroréenne serrait les lèvres, il fit un geste à un de ses clones. Celui-ci la piqua au bras avec la pointe de son électase. Elle grimaça sous la douleur, mais continua à se taire, indifférente à la tache de sang qui s'étalait sur sa tunique. Quand le garde s'apprêta à la blesser à nouveau, une voix juvénile supplia :

— Ne faites pas de mal à ma sœur !

Une enfant d'environ six ans se fraya un chemin au milieu des habitants jusqu'à lui, malgré les protestations de la captive pour l'en dissuader. Le chef suprême observa l'échange entre elles avec intérêt.

Très semblables dans leur courage. C'est parfait.

Avec un sourire avenant, il se pencha par-dessus l'encolure de sa monture et susurra :

— J'ai vu un puits dans une rue. Tu serais mignonne de m'apporter de l'eau.

Alors qu'elle s'élançait, le visage radieux, dans le passage créé par les gardes, Xénon extirpa une flèche du carquois attaché à son okyda. Il tira sur sa proie sans viser. Le trait se ficha dans l'épaule du petit corps. Elle s'affaissa lentement sur ses genoux avant de glisser au sol.

Sous le choc, les villageois demeurèrent pétrifiés un instant, puis des hurlements explosèrent. La prisonnière tenta de se libérer. Les clones la bloquèrent avec fermeté et menacèrent les habitants de leurs armes. Ils leur interdisaient de secourir l'enfant.

Le regard dur, le chef suprême martela :

— Je tiens toujours mes promesses, voici l'avertissement. N'ayez aucune inquiétude, elle n'est que blessée. La prochaine fois, si l'un d'entre vous ose résister à un Astrydien, il ou elle sera exécuté immédiatement ! J'espère avoir été clair.

Les gardes s'écartèrent sur son ordre, et plusieurs habitants se précipitèrent sur la petite fille inanimée. Xénon quitta le village, enchanté de cette aventure fortuite. Quant à sa prisonnière, perchée sur un okyda réquisitionné au bourg, elle l'ignorait, les yeux collés au chemin.

Aurora T2 : Les Cendres de l'ExilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant