C24 - Attentat (1/3)

62 17 19
                                    

Allongé sur le dos, Idsou admirait les trois lunes, la blanche, la verte et la rousse. Elles affichaient une bonne moitié de leur rondeur dans le ciel étoilé et baissaient vers l'horizon.

Depuis qu'il avait débarqué sur Dalghar, quatre jours auparavant, il profitait de ses nuits pour visiter ce monde si différent de la planète aux milles îlots ; peu embarrassé par les températures nettement plus fraîches que celles sur Kaliorn. Même en cette période automnale.

Idsou chiffonna l'agréable tapis herbeux de ses doigts, s'imprégna des senteurs mystérieuses de la forêt autour de lui, goûta l'air doux sur sa langue. Chez lui, sa main s'enfoncerait dans le sable chaud. Il respirerait l'iode si piquant et savourerait le souffle tiède de la brise sur sa peau hâlée.

Un long soupir de satisfaction s'échappa de ses lèvres. Le changement n'empêchait pas à son esprit, comme s'il attendait ces instants privilégiés de communion avec la nature, d'ouvrir les vannes à la sérénité.

Au point d'en avoir oublié sa sécurité !

Il serra les dents, ces mots se référaient à sa rencontre avec la princesse d'Aurora quand il soignait l'aigle tombé de son nid. Elle n'aurait jamais dû avoir lieu. Eogaun en avait convenu, même si protéger son identité sur Dalghar se justifiait moins. En revanche, sur Kaliorn, la moindre erreur ne se tolérait pas. Brian l'avait découvert à ses dépens, ce qui ne l'avait pas arrêté dans ses recherches à son sujet.

Un redoutable adversaire !

Le souvenir de leur duel lui revint en mémoire, et il hocha la tête. Se battre contre le jeune homme l'avait enchanté. Sans son don d'invisibilité, le prince l'aurait vaincu.

Les cris aigus d'un oiseau interrompirent ses pensées. Pas n'importe lequel : celui du juvénile qu'il avait secouru avec Flore. Depuis, l'aiglon le rejoignait à chacune de ses escapades dans les bois. Un compagnon ainsi qu'un excellent gardien. Son ami ailé avait perçu son désir de solitude, sur lequel il veillait, et l'avertissait si un intrus risquait de déranger sa retraite.

Qui se promène dehors aussi tard ?

D'un bond souple, les sens en alerte, Idsou se mit debout et suivit la piste du juvénile. Elle se tut une cinquantaine de mètres plus loin. Il grimpa dans un large conifère, dont les aiguilles ne le trahiraient pas. Alors qu'il demeurait appuyé au tronc rugueux, ses oreilles déployées écoutèrent avec intérêt les feuilles d'automne craqueler. Bruit léger que des pieds limitaient au mieux, que personne n'entendrait.

Sauf lui.

Les pas cessèrent un peu avant l'orée de la forêt. Idsou plissa le front. À travers les branches, ses yeux de félins accrochèrent la silhouette élégante en forme de quart de lune du palais.

Puis les appartements du roi au rez-de-chaussée.

Les parents de Kris avaient été assassinés, les Dalghariens ne le cachaient pas et s'en désolaient. Serait-il tombé sur une expédition chargée d'abattre le jeune souverain ? Quoi d'autre, sinon ?

Ces gars ne sont pas là pour cueillir des champignons !

Il ne tarda pas à repérer cinq ombres, vêtues de noir, assises sur le sol. Leurs visages dissimulés sous une cagoule empêchaient de distinguer les traits des criminels. Lorsque l'un d'eux prit la parole à voix basse, Idsou s'accroupit sur son perchoir. Certain d'apprendre des choses intéressantes.

— Il est encore trop tôt, tout le monde ne dort pas à cette heure-ci, annonça l'inconnu, penché sur son poignet. Dès que nous recevrons le signal, nous nous infiltrons dans la suite du souverain. Rappelez-vous, la coupure des alarmes sera courte. Quinze minutes au maximum. Nous n'avons plus que cette occasion pour exécuter notre cible. Notre réussite est primordiale ; sinon, les Néofeles perdront et le plan du Chef Suprême échouera.

— Et si on éliminait aussi son frère ? renchérit un des meurtriers, avec un plaisir évident. Il nous serait facile de faire la peau à ce fouineur, et de récupérer la liste avant qu'il ne la divulgue.

— Les Néofeles pensent que les jumeaux vivants leur seront plus utiles. La prise du pouvoir ne lui permettra plus d'employer cette preuve.

— Dommage. Devons-nous tuer les témoins ? Comme les gardes ?

— Si nous en croisons, oui. Mais ils auront été appelés pour la diversion dans les allées du parc, organisée par les nôtres. Les Néofeles détruiront tout enregistrement de notre assaut.

J'en sais assez, il est temps de sonner l'alerte.

Néanmoins, pas au prix de son identité ! Une seule personne proche du roi l'écouterait, agirait et le respecterait : la princesse Flore d'Aurora, qu'il avait suivi après leur rencontre ce matin sans qu'elle le détecte. Idsou s'en félicita, car il avait ainsi découvert son départ avec Brian. Elle aidait son rude adversaire avec ses pouvoirs psychiques.

Mon meilleur choix, ils protégeront Kris.

Il se déplaça de branche en branche avant de s'envoler dans une pirouette. Elle l'amena au sol à une bonne distance du commando. À peine ses pieds touchaient la terre ferme qu'il se rendit invisible. Rejoindre l'aile est du palais et s'attaquer à la haute enceinte ne lui posèrent pas de difficulté. Une fois l'obstacle franchi, il escalada la façade jusqu'au premier étage. Se coucha sur la rambarde du balcon. Patienta.

Le regard fixé sur le jardin.

Son attente ne dura pas : deux gardes déboulèrent à l'extérieur. Ils inspectèrent les lieux dans chaque coin. L'un d'eux grommela :

— Personne ! Pourtant l'alarme s'est déclenchée.

— Aucune caméra thermique de la zone n'a enregistré de mouvement, répliqua le second. Rien ne leur échappe, même pas une souris.

— Oui, mais je voulais vérifier.

— Je ne te le reproche pas. Nous devons appliquer les consignes de sécurité à la lettre, surtout avec leur renforcement.

— Retournons au centre de contrôle. Demain, je rapporterai l'incident et demanderai une révision de l'alarme.

Dès leur départ, Idsou se matérialisa. Satisfait de ne pas avoir été détecté. Un comble pour un garde du corps secret dans le cas contraire ! Il se faufila ensuite à l'intérieur de la chambre par la baie vitrée, remerciant cette habitude de la princesse.

Aurora T2 : Les Cendres de l'ExilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant