Monstre(s)

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Note : il est préférable d'avoir lu (ou relu) les histoires "Sauvé ?" et "Hommage à Hitchcock" avant de lire celle-ci.

Je regarde dans mon rétroviseur mon passager. Il semble terrorisé et ne rien comprendre à ce qui lui arrive. Tant mieux. Je l'ai vu s'affoler, s'agiter, tambouriner. Maintenant il est juste résigné. Après une bonne heure de route, j'arrive enfin à mon petit repère, une maison tout en bois perdue au milieu de la forêt. Ici, je ne suis jamais embêté par qui que ce soit. Je peux y faire tout ce que je veux, personne ne connaît cet endroit, et les passages y sont extrêmement rares. 

Je me gare tout contre ma maison, j'éteins les phares. Je prends une bonne respiration, me retourne puis ouvre la vitre me séparant de mon passager : 

- Bon... Nous sommes arrivés. Il va être l'heure de sortir de là mon bonhomme.

- Qu'allez-vous me faire ?! 

- Souhaites-tu vraiment le savoir ? Je ne crois pas. Je t'explique comment va se dérouler la suite. Tu vois ça ? dis-je en prenant mon magnum posé sur le siège à côté de moi. Oui, je sais, ça ressemble à une antiquité. J'aime les vieilles choses, je suis comme ça. Cependant, antiquité ou pas, il est toujours capable de te faire un joli trou entre tes deux yeux. Donc, tiens-toi bien et il ne t'arrivera rien de trop fâcheux. Dans le cas contraire... Personne n'entendra un coup de feu ici. 

- Mais bon sang ! Qu'est-ce que vous me voulez ?

Je ne réponds pas. Gardant un œil sur mon passager, je sors de ma voiture, pointe mon arme vers lui et lui ouvre la portière. 

- Allez, sors de là et entre dans la maison. Elle n'est pas fermée. 

Je suis mon bonhomme à une distance de sécurité suffisante. Il monte les quelques marches du porche et entre dans ma maison. Une fois à l'intérieur, je lui fais signe d'aller dans une petite pièce à côté de la cuisine. L'homme s'arrête à l'entrée du petit espace. Il se retourne en me jetant un regard suppliant. J'aime cet effet oppressant sur mes prisonniers lorsqu'ils découvrent les murs capitonnés de cet espace minuscule et la chaise en bois trônant au centre à laquelle sont fixées de lourdes menottes. 

J'attends patiemment qu'il s'assied. Il n'a pas le choix. Il hésite, pensant sûrement pouvoir encore s'échapper. Pour lui couper toute envie de tenter quoi que ce soit, j'active le chien de mon magnum ce qui engendre un cliquetis tonitruant dans le silence pesant de la maison. Il avance et s'assied, passant ses bras et ses jambes dans les menottes. Satisfait, j'appuie sur l'interrupteur à côté de la porte pour les verrouiller autour de ses membres. 

- Inutile d'essayer de vous sauver ou d'essayer de faire basculer la chaise. Elle est soudée au sol. Vous ne pourrez sortir d'ici que si je le souhaite. 

- Qu'attendez-vous de moi ? me demande-t-il paniqué. 

- De vous ? Rien...

Sur ces mots, je laisse mon prisonnier pour chercher mon plus beau couteau dans la cuisine. Lorsque je reviens le voir, je ressens immédiatement le changement d'attitude. Désormais serein, plein de confiance, mon prisonnier me regarde avec un léger rictus. C'est lui qui rompt le silence en premier :

- Quel est votre nom ? 

Je fixe mon prisonnier du regard. Je reste un instant figé par ce changement troublant de personnalité. Je me reprends vite et garde le silence. Finalement, je n'aurais pas besoin du couteau pour faire basculer l'esprit de mon prisonnier.

- Eh bien, cher Monsieur, j'espère que vous avez prévu de me tuer ce soir. Sinon, vous serez la prochaine victime de John Green.  

- J'en doute, Monsieur Green. C'est vous que j'attendais justement.  

- Voilà qui est inattendu... J'aime ça, vous semblez être aussi fêlé que moi. Et puis, cette mise en scène, même si je n'utilise pas les mêmes méthodes, je dois vous reconnaître une certaine classe. Que me voulez-vous au juste ? Me demande-t-il sereinement.

- Voyez-vous, je suis un prédateur, comme vous.

- Un prédateur, hoho ! Vous vous flattez. Et je serais la proie ? 

- Non, vous êtes mon appât.

Je m'attends à une réaction de surprise de sa part, mais il s'agit de John Green, LE psychopathe par excellence. 

- Votre appât, et qui chassez-vous au juste ? 

- Quelqu'un qui ne souhaite qu'une chose : vous tuer. Comme je la suspecte d'être déjà non loin de la maison, j'irai droit au but : accepteriez-vous de m'aider à chasser ce soir ? 

Je vis un sourire macabre éclairer son visage. 

- Mais avec plaisir ! 


Crédit image : Etienne Marais - Pixabay

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