Chapitre III

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- Tu as fait quoi ?!

La chope de cervoise retomba brutalement sur la table en bois, projetant quelques gouttes du liquide doré sur cette dernière. Les clients de la taverne se retournèrent vers la source du bruit, mais les visages des deux protagonistes étant plongés dans l'ombre de la torche, ils s'en détournèrent.

- Arrête de crier comme un putois, tu attires trop l'attention sur nous.

- Non mais tu te rends compte, Akira ? Faire passer la calèche du comte par le sentier le plus dangereux de la forêt après une nuit de neige, qui on le sait grouille de loups en cette période ? Avec en plus Oscar qui devrait être interdit de conduite ? Tu voulais le tuer ou quoi ?

- Qui ça ? Oscar ou le comte ?

- Ce n'est pas la question, bon sang ! S'écria Yoni en abattant son poing sur la table, ce qui eut pour effet de faire frémir les verres.

- D'accord, je n'ai vraiment pas assuré, je l'admet volontiers, répondit Akira en levant les mains en signe d'innocence. J'avoue que la détresse que l'on a vu dans les fermes ce matin là m'a quelque peu retourné. Et puis, j'étais inquiet pour toi.

- Inquiet pour moi ? Interrogea le géant en levant un sourcil interrogateur.

Akira réajusta sa queue de cheval en soupirant, puis bu une gorgée de cervoise pour se donner un peu de courage. Il pouvait prendre tout son temps pour parler. La taverne dans laquelle il se trouvait, La flûte de Pan,  était un endroit sûr. Ils connaissaient le propriétaire depuis de nombreuses années maintenant. Il leur réservait toujours la table la plus à l'écart des oreilles curieuses, et la plus plongée dans la pénombre sans que cela soit gênant pour leurs activités nocturnes. Il leur servait toujours la meilleure cervoise en plus de tout le reste, alors pourquoi chercher un autre quartier général ?

- Oui. Te savoir seul dans la forêt, par ce temps, si tôt avec cette Bête dont ne sait rien qui rôde... J'étais inquiet.

- C'est pour ça que tu as envoyé Nox ?

- En priorité, oui.

Il bu de nouveau une gorgée de cervoise, tandis que le brun l'observait attentivement.

- Arrête. Ça me met mal à l'aise.

Yoni se pencha sur la table. Son visage baignait à présent dans la lueur de la torche. Il murmura :

- Tu as vraiment cru que je pouvais mourir aussi facilement ? Rappelle moi qui je suis, Akira.

- Le Chevalier Noir, répondit l'homme sur le même ton, la mâchoire serrée face à ce qu'il considérait comme une humiliation. Il ne cesserait donc jamais de le traiter comme un enfant.

- Exactement. Et toi, qu'est-ce que tu es ?

- Le Chevalier Noir.

- Alors tâchons de nous comporter comme tel et faisons honneur à notre titre.

Yoni s'adossa au fond de sa chaise et but le reste de sa cervoise cul sec, les yeux rivés vers son acolyte. Aucun ne détourna le regard. Ils pouvaient voir leur reflet dans le bleu de l'autre. Un bleu et un reflet si semblables, mais si différents à la fois. Là où le premier était puissant, racé et fier, l'autre était aiguisé, léger, mais aussi surprotecteur. 

Mais c'était normal après tout. Les jumeaux se ressemblent sans se ressembler, n'est-ce pas ?

C'était ce qu'ils avaient toujours été. Les deux faces d'une même pièce, l'ombre et la lumière. Akira aimait à dire qu'ils étaient des âmes sœurs. Yoni ne disait rien, mais ressentait la même chose.

La légende du GévaudanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant