8. Germy

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- Je ne sais pas. Parfois elle me fait peur. Vous savez, elle est très mauvaise monsieur

- Je vois petit, mais tu es un gaillard tu supporteras

- Le pire c'est quon voyage à cause d'elle. Pour toujours. Je ne vous verrai plus monsieur

- Allons ne pleure pas petit, on se reverra sûrement...

La petite voix au bord des larmes plus tôt relatée est celle d'un jeune garçon, aussi jeune que les fleurs ayant nouvellement germées dans le jardin au dehors. Germy est dans la terrasse de sa maison à énoncer toutes les diableries de sa belle-mère, avec son nouvel ami : le gentil marchand de la rue. À écouter les mots d'un tel bambin on croirait bien vite à un léger décalage. Les descriptions et les paroles du jeune enfant sont à la fois enfantins et tellement poignants. À croire que la seule personne qu'il aurait pu le mieux décrire de sa vie (aussi exactement que la réalité) est bien sa belle- mère Catherine. En fait il ne la considérait pas comme tel, c'était plus tôt "la femme de papa". Peut être étais-ce le moyen qu'il s'était donné de ne s'accorder aucun lien avec cette femme, mais plutôt de l'associer complètement à son père et non à lui.

Très tôt orphelin de mère
Germy était un jeune garçon introverti. Après tout en avait-il le choix ? D'aussi loin qu'il s'en rappellait sa mère était la seule qu'il voyait et affectionnait autant, il aimait énormément son père aussi mais celui-ci hélas se rendait chaque jour esclave de son travail, un manque que le jeune enfant supportait encore très mal à cette époque. Époque étant d'ailleurs encore d'actualités. La mort de sa mère avait été une épreuve bien trop lourde pour le petit mais avait néanmoins eu le seul avantage de réunir le père et le fils, du moins pour un peu de temps. Après s'être résigné à la douleur de vivre seule, sans épaules, sans amour, le papa de Germy avait pris une femme, une étrangère avec laquelle il s'était enamourer. Tout s'etait déroulé très vite, trop vite pour Germy et il ne le savait pas mais la date du mariage marquait aussi celle de sa pénitence. Avec la venue de cette femme, son père s'était aussi laissé mordre par les griffes assérés de son travail, c'étaient des choses qui apparement allaient de paire. Le pauvre Germy se retrouvait alors coffré dans sa chambre avec pour seul ami la solitude hebdomadaire. Seul le week- end constituait un infime moment de plaisir qui s'offrait timidement au petit avec la présence partagée de son père. Germy passait ses journées à épier le dehors que lui laissit voir sa fenêtre, d'ailleurs la chère "femme de son papa" ne lui autorisait aucune sortie, ce qui en réalité ne compensait pas son absence d'école et donc de sortie. Un quotidien qui d'ailleurs lui avait fait remarqué le marchand qui vendait tout juste proche de sa maison. Il se contentait d'éplucher toutes ses habitudes jusqu'à en acquérir toutes les particularités et un jour, poussé par une envie inexorable de discussion-ou simplement de bêtise- il s'en était allé aborder le vieux monsieur. Ils avaient accrochés, visiblement le calme et l'innocence de Germy avait plu au "monsieur"- comment ne pas le comprendre- et depuis ils se voyaient quelques rares fois où ils discutaient joyeusement. Mais juste après les mornes éclats de plaisir de Germy, il retournait dans l'enfer sombre qu'était sa chambre, si seul qu'il ne l'était depuis toujours. Croyez-vous que la jeune fille de la "femme de son papa" devenue sa sœur par recomposition, était d'un soutien déterminant pour le petit enfant ? Cela aurait été une option bien réjouissante. Mais même leur pareil âge n'était pas un atout assez convaincant pour Lily, "sa soeur", qui le méprisait au même titre que sa génitrice.

Ces péripéties marquées de rejet et solitude faisait beaucoup pour le jeune cœur du bambinet mais à présent c'était le comble. Toute la famille devait déménager dans la terre d'origine de Catherine, et définitivement à ce qu'il paraissait. Là-bas les conditions étaient "bien meilleurs" et ils commenceraient une "nouvelle vie ". C'étaient les mots de son père. Mots qui pour l'enfant ne prenait aucun sens digne à ses oreilles. Germy ne pouvait s'empêcher de culpabiliser son affreuse belle-mère de vouloir une fois encore son mal. Le garçon n'avait peut- être rien de si essentiel à laisser. Mais briser l'équilibre qu'il s'était forcé à fixer, ainsi que la solitude, celle qu'il arrivait à son niveau à gèrer, était impensable pour lui. Et puis, comment allait il faire sans son seul et nouvel ami ? Il fallait tout recommencer, avec une famille qu'il n'avait pas choisie et qui le détestait aussi follement que le courant des vagues s'acharnant contre la côte à quelques mètres de la maison. Que pouvait il faire ? En parler à son père ? Il lui avait déjà importuné avec ses petites plaintes qui visait trop souvent Catherine à son goût, aurait-il accepté une fois de plus cette accusation sans fondement contre celle qui avait remplacé son premier amour ? Cela aurait sûrement été la plainte de trop. Il ne pouvait pas, du moins il le pensait. Ce qu'il pouvait faire c'était encaisser, et accepter. De toute façon sa vie n'avait jamais été un délire auquel il était tenté de s'attacher éperdument, au contraire ce n'était qu'un bateau qui ballotait au gré de sa famille et qui menaçait de couler à chaque mouvement, alors comme avant il se serait habitué à la solitude, à la sombritude. À ce stade, que perdait il vraiment ?

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