10. Norman

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Devant la grande télévision du petit salon familial, deux individus papotent à coeur joie. Les rires sont tout frénétiques, absorbants, et contagieux. Ce couple vieux de 8 années profitent d'un des nombreux moments de paix de leur foyer. Leur "foyer". Ils vivaient en concubinage certes, mais la vie avec eux était celle d'un foyer tout aussi normal. On ne sait d'ailleurs pas pourquoi Norman, le mari, n'avait jamais daigné demander sa belle en mariage. A vrai dire si. Il l'avait fait une fois, mais Cendrinne, sa compagne, ne s'était jamais senti prête à franchir cette ligne.

Ils vivaient donc ensemble depuis 7 ans et depuis 7 ans le souvenir de leur amour ne s'etait jamais estompé. Tout remontait à ce jour où Norman avait rencontré Cendrinne près d'un bord de mer. Elle était vêtue d'un maillot deux pièces bleu survolée d'une serviette verte qui séyait parfaitement. Parmis les nombreuses usagères de la petite côte Cendrinne se faisait encore ordinaire. Ce n'était que lorsqu'elle avait plongé dans la mer pour repêcher un gamin au bord de la noyade que son regard se posa particulièrement sur elle. En fin de compte il avait lui aussi plongé pendant que la concernée se noyait elle même. Mais elle était assez bonne nageuse et avait réussi à nagé jusqu'au coeur de Norman. Il l'avait trouvé belle, héroïque. Après cela ils avaient naturellement gardé la ligne, et au bout de quelques mois seulement la charmante personnalité de Cendrinne, à l'époque l'avait séduit. Autant dire qu'il était facile à pêcher. A cette époque là la famille de Cendrinne n'adhérait pas à Norman : fils orphelin de mère, très modeste, sinon trop, et physiquement banal. Elle avait du sacrifier sa relation familiale au profit de son histoire avec Norman. Ce dernier était d'ailleurs plus amoureux de la savoir prête à tout pour leur amour. Ils étaient à présent sur la même longueur d'ondes car lui aussi aurait tout donné pour elle. Tout. Il nourrissait ce lien dangereux qui pousse l'être qui aime à l'aveuglement, à la dépendance, et à l'irraison...

Quoi qu'il en soit Norman et Cendrinne riaient devant leur écran sur un film comique. Les histoires à l'eau de rose, ce n'était pas leur truc. Ils aiment la différence, pas la routine. En jettant un coup d'œil à sa compagne, Norman songe qu'il a une femme exceptionnel. Malgré quelques écarts de conduites de Cendrinne et quelques crises, elle restait tout de même une bonne personne du moins il en était convaincu. Chaque fois qu'il se retrouvait avec ses amis au travail il vantait la merveilleuse femme qu'il avait chez lui. C'était à peu près la même chose ce jour là.

- Eh frère tu restes toujours avec ta sorcière préférée. La belle au bois dormant qui t'a envoûté ? S'amuse les collèges dudit ensorcelé

- Eh faites gaffe les gars je ne vous permet pas !!

- Du calme frérot. C'est vrai qu'on rigole mais frère sois prudent, j'espère que tu te souviens bien de la dernière fois.

"La dernière fois" . Oublier ? Non il ne le pouvait pas. Cette chaise, il l'avait bien senti contre son crâne. Cette fois où la magnifique Cendrine s'était changé en insoupconanable sorcière. C'était lors d'une de ses crises, elle l'avait insulté et traité de tous les noms pour être resté jusqu'à 22h 15 dehors, en la laissant là, seule, tandis qu'il s'amusait sûrement avec une autre. Cet égarement lui avait valu autant d'objets lancés que d'inconfiance de la part de Cendrinne. En y repensant sur la route du retour, Norman se rappelle malgré lui de toutes les mesquineries qu'il a essuyé de sa compagne. Ce souvenir avait le mérite de percuter son moral. " Ils ont réussi les imbéciles " pensent t- il en indexant ses collègues. Il savait cependant qu'ils réusisiraient, car la vérité gagne toujours. N'est ce pas ?

Ce soir là il décida de rentrer directement à défaut de passer comme à son habitude chez le fleuriste de la ville pour y acheter des tulipes jaunes : les préférés de sa compagne. C'était un rituel qu'elle lui avait imposé mais qu'il faisait par amour, un rituel que ce soir là il avait décider d'omettre. Il rentra plus tôt et ne reçu pas l'accueil auquel il s'attendait. Un homme usé par la trentaine, torse nu dans le salon. Il aurait voulu que ce soit le mojordhomme qui s'était fait volé sa chemise par je ne sais qui. Mais il s'agissait bien d'un inconnu dans son salon et de sa femme qui venait d'y pénétrer comme prise en flagrant délit. Elle se ressaisit encouragée par l'air perturbé de Norman et prétexta une parentéé avec l'invité qui s'était, sans gêne, littéralement enfui. "Il était timide" lui confirma Cendrine. Elle trouva même utile de lui réclamer ses fleurs. Norman lui, confus mais surtout amoureux se laissa séduire par la langue mielleuse de Cendrine. Il savait leur amour inébranlable, sans tâche, inépuisable, alors il savait qu'il l'aurait fait confiance toute sa vie. Ça avait toujours été le cas et ça ne devait jamais cessé. C'était ça l'amour. Il le pensait.

Qu'auriez-vous fait ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant