5. 𝐄𝐧𝐜𝐨𝐫𝐞 𝐥𝐮𝐢

17 6 0
                                    

Certains êtres sont si parfaits qu’ils semblent irréels. Parfois, quand l’euphorie me domine un peu, j’ai l’impression qu’il n’existe pas vraiment, comme s’il n’était que le fruit de mon imagination peut-être un peu trop débordante. Comme maintenant.

Je passe mes doigts sur sa peau douce et humide pour m’assurer qu’il est réel, même si au fond je n’arrive pas à y croire. Il est la perfection incarnée. Je ne crois jamais avoir vu un aussi bel homme de toute ma misérable vie, il semble être tombé du ciel.

-Dit-moi ce qui te tourmente, je demande quand je remarque qu’il n’est plus attentif à rien, perdu dans son esprit.

Il reste muet quelques secondes à peine, le temps de scruter dans mon regard l’émotion qui me traverse en ce moment même comme il le fait à chaque fois que j’ouvre la bouche.

-J’ai peur qu’un jour tu me voies comme je me vois, dit-il sans la moindre once de gêne à l’idée de s’ouvrir ainsi à moi.

Moins d’un an que je connais cet homme et pourtant, il ose me parler avec plus d’aisance que je n’ose me parler à moi-même, comme si nous étions mariés depuis des décennies.

-Je te vois déjà comme tu te vois.

-Tu serais incapable de m’aimer si tu me voyais avec mes yeux.

-Un être aussi horrible que toi ne mérite même pas d’être aimer. Tu es vide d’émotions, comme si tu n’avais jamais pu les vivre pour les imaginer, tu mens plus que tu ne fumes, tu prends du plaisir, un réel plaisir, à voir les gens souffrir et tu dois sans doute être un peu masochiste pour tant aimer souffrir. Assoiffé de pouvoir, embelli par une folie meurtrière, tu n’as rien d’une âme pure. Je sais qui tu es et je t’aime malgré toi.

Il observe un instant chacune des émotions qui traverse encore mon regard pour s’assurer de ma sincérité puis finit par se pencher pour m’offrir un baiser sans ajouter un mot, sûrement soulagé de ma réponse. Il ferme les yeux, se préparant à se laisser aller dans les bras de Morphée.

Cet homme est la folie en personne. Il n’est pas toxique et je ne le suis pas non plus, c’est ce que nous partageons qui l’est. Peut-être cela me tuera-t-il un jour ? J’en suis persuadée mais pas aujourd’hui alors je me contente de profiter de ce que j’ai déjà, même si c’est lamentable, même si ça ne vaut rien, même si c’est une perte de temps, j’en profiterai jusqu’à ce que la dernière étincelle s’éteigne.

Je lui appartiens toute entière mais ça ne me fait pas peur. Il m’appartient lui aussi.

Cet amour a l’air poétique n’est-ce pas ? Mais ne l'est-il pas plus encore quand on sait qu’il nous détruira ?

DéraisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant