2. 𝐄𝐥𝐥𝐞

18 6 0
                                    

-Dégage ! j'hurle en y mettant toute mon âme.

Elle continue de frapper la porte qui devient un peu plus fragile à chaque coup et abime au passage ses poings en sang.

-Juste un peu, par pitié, crie-t-elle de sa voix enrouée, le visage baigné de larmes.

Je la voie à travers l’espace laissé par l’entrebâilleur. Je ne l’ai jamais vu pleurer ainsi. Elle est réellement effrayante et chaque hurlement de douleur qu’elle pousse broie un peu plus mon être.

Elle ne va pas bien.

-Je t’en supplie, articule-t-elle en donnant à présent un coup de pied dans la porte ébranlée.

Je recule encore un peu pour soutenir la barrière entre elle et le poison qui la tuera un jour. Elle frappe la porte avec tant de violence qu’elle en saigne, elle hurle avec tant de haine qu’elle s’en déchire la voix. Elle donne chaque morceau de son âme pour jurer ses outrages comme si rien n’avait plus d’importance.

-Donne moi en ! Donne moi cette putain de drogue !

Je ne réponds rien, par peur de l’énerver plus encore. Elle donne un dernier coup plus violent que les précédents avant de lentement se laisser tomber contre la porte, sa colère s’étouffe au fond de sa gorge, laissant ainsi ses pleurs bruyants remplir le palier.

-Je te déteste ! hurle-t-elle comme un animal enragé en tapant sa tête brutalement contre le bois de la porte.

Je suis sûr que si elle ne souffrait déjà pas assez de ses pensées, elle souffrirait de douleur physique.

-Comment tu peux me faire ça ? crie-t-elle comme elle le fait depuis déjà trop longtemps, je pensais que tu m’aimais espèce de connard !

Il est vrai. Je l’aime. Et c’est parce que je l’aime que je ne lui donnerais pas ce sachet de drogue, quitte à l’écouter jurer jusqu’à l’aube, quitte à la voir détruire tout ce qu’elle trouve comme un incendie le ferait jusqu’à ce qu’elle tombe de fatigue.

Trop de substances illicites sont dans ses veines pour qu’elle réfléchisse clairement. Bien sûr, elle ne réfléchit jamais, elle se contente de faire ce qu’elle veut quand elle le veut, ne se préoccupant pas une seconde des autres êtres humains qui peuplent la Terre mais aujourd’hui, en plus de sa folie quotidienne, elle doit se battre contre ses démons.

Il fallait bien que ça arrive un jour. Être dépendant d’une chose, aussi insignifiante soit-elle, ça ne finit jamais bien. Je ne lui donne pas d’ordre quant à sa façon de vivre, si elle veut dépendre de la drogue, elle en dépendra. Après tout, comment pourrais-je la blâmer quand moi-même que je suis dépendant d’elle ?

Seulement, aujourd’hui, juste un cacheton en plus et elle perdrait la vie.

-J'en ai besoin, je t’en prie, dit-elle dans un souffle.

Ses pleurs submergent presque entièrement sa voix, rendant ses paroles futiles. Elle ne hurle même plus, épuisée de trop souffrir.

DéraisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant