Heures sup'

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BON SANG ! Ça fait des heures que j'attends à l'administration pour mes fauches du jour.
Le réveil a été compliqué, 4h50 du matin. Il y a beaucoup congés chez les anciens, et donc c'est les nouveaux qui prennent le gros des missions.

ET J'EN FAIT PARTIE, DES NOUVEAUX. AINSI QUE CETTE LOQUE DERRIÈRE LE COMPTOIR EN FACE DE MOI.
Bien sur, elle aussi elle a du boulot, mais si elle a voulu faire parte de l'administration, elle devrait tout de même avoir un minimum d'organisation dans la paperasse !

À moins qu'elle ne se tape un morpion. Auquel cas elle se fout bien de moi.

Morpion girl : « Désolée pour l'attente, tenez, voilà la liste de vos fauches journalières. »
Ikumi : « Merci... et bonne journée ! »

J'ai filé sans demander mon reste. J'avais repéré l'autre blondinet dragueur qui arrivait, et je ne sait pas si c'est pour aller voir miss morpion ou moi, mais en tout cas je ne vais pas aller le lui demander !

Sur ma liste d'humain à faucher, j'ai en tout... PARDON ? QUINZE MORTS ?? QUINZE ÂME EN PEINE ? MAIS ILS SE SONT TOUS PASSÉ LE MOT POUR CLAMSER !
Habituellement j'ai, pour une journée, entre 5 et 6 lanternes à récupérer, mais 15 pour un jour c'est juste énorme ! Si ma faux se brise, qu'ils ne viennent pas se plaindre ces bureaucrates d'outre-tombe !

Sans plus attendre, je fonce vers la première âme que je dois trouver. Une jeune fille qui va se faire renverser par une voiture.
Quelle mort nulle. La mienne était mieux.

Londres des hauts quartiers atteint, je me place à coté d'un réverbère et attends le drame tout en observant les passants.
Ça me donne limite envie de rire tellement ces gens sont snob' !

Non mais sérieux : la tête biiiiiien haute, les cheveux tiiiiiiirés en arrière, des robes bouffantes sur des bouffonnes et des costumes cravates sur des manchots...
La classe à l'anglaise incarnée !

Le cri d'une femme m'a sortie de mes rêveries moqueuses. AH MINCE J'AI LOUPÉ L'ACCIDENT ! QUELLE ERREUR !
La fille que je dois faucher est au sol, couverte de sang et entourée de plein de passants qui se font que la regarder avec horreur sans rien faire pour l'aider.

...

Sacrément solidaires ces anglais.

Je me dirige vers elle, sous les protestations du public, et m'occupe de regarder la vie de cette fille agonisante.
Je devrais penser à ramener des choses à manger quand je suis en service pour m'occuper les mains. C'est aussi divertissant qu'une pièce de théâtre française. Et c'est pas un compliment. Du tout. Je parle en connaissance de cause.

Bon, vie qui ne sert pas à la société, blessures de toute façon trop grave pour qu'on penses que sa guérison soit possible...
ÇA DÉGAGE !

Je comprends mieux l'aversion de William pour les heures supplémentaires.

À la fin de la journée, j'avais rempli mon quota ! C'EST MOI LA CHAMPIONNE !
Sauf qu'il est minuit.

RHAAAAAAA !

Caaaaaalme... Plus qu'à déposer mon carnet de fauche aux bureaux et je vais retrouver la douceur de mon lit, seul réconfort dans ma mort...
Et c'est là que j'ai une image de moi dans un cercueil. Décidément mon esprit va toujours trop loin.

Le guichet était vide, et il n'y avait plus personne dans les locaux. Je pose mon carnet sur le bureau et me retourne vers la sortie.

Une fois dehors, je sens un regard sur moi... Je presse le pas. Trop la flemme de vérifier qui c'est. T'façon je suis immortelle.

Maudîtes heure supplémentaires. Je vous hais...
Et je hais mes supérieurs.
Et les morts de la ville.
JE HAIS TOUT LE MONDE !

Pourquoi ma vie n'est elle qu'une suuuuuuucteeeeetioooooooon de malheur....? Quand on m'a dit que le suicide était puni sévèrement après, mais je pensais pas à se point moi !

Maintenant j'entends des pas derrière moi... Ils se rapprochent... Au secours, je veux pas me battre !!!

Pourquoi je suis pas morte ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant