Chapitre 5 - L'exposition.

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Point de vue Sucrette.

J'éteins l'eau et reste quelques instants dans la cabine de douche, les yeux fixés sur un point lointain. Demain on lance l'exposition, et j'ai eu la merveilleuse idée de me fouler la cheville hier. Hyun, Yaël, Nina et Dambi s'occupent du café aujourd'hui, me forçant au repos et à gérer la partie administrative de dernière minute depuis mon appartement. Je stresse tellement que c'est la deuxième douche que je prends. Pas très écologique, mais rien ne me calme. J'ai même réussi à m'énerver sur mon vernis à ongles ! Quand un frisson me foudroie l'échine je sors afin de me couvrir d'une serviette. Ma cheville va mieux, merci l'eau chaude et la crème. Par flemme je sors en serviette et pars m'installer dans le canapé directement. Je vérifie mon téléphone, fais charger ma boîte mail au cas où, check mes spams pour la énième fois de la journée... Puis mes yeux tombent sur l'heure, treize heures. Je suis levée depuis sept heures, j'ai pris deux douches en cinq heures... OK. Va falloir se calmer ma grande !

J'envoie je ne sais combien de message au café, mes amis se montrent d'une patience inouïe face à mon impatience tout aussi inouïe. Je m'exaspère, soupire, me sers un verre d'eau et pense aux exercices de respiration de Kim. Je tente de me calmer, me réinstalle dans le canapé et ferme le clapet de mon ordinateur. Le travail de respiration m'aide énormément, je réfléchis posément aux options qui s'offrent à moi pour que demain soit une réussite totale malgré ma cheville. Rosa retourne son répertoire pour m'avoir une chevillière de maintien afin que je ne force pas trop tout en me présentant demain. Maintenant que j'y pense, il va me falloir réviser ma tenue, je ne peux décemment pas mettre de talons et la robe prévue ne peut absolument pas se porter avec une paire de baskets ou de chaussures confortables. RIP la jolie robounette... Je réfléchis un moment, imagine les tenues innombrables que je peux porter pour l'occasion, puis dessine mentalement l'intégralité de ma présentation. Je me lève, prends mon temps et me dirige vers mon armoire. Je trouve plutôt rapidement ce que je cherche et pends sur des cintres la tenue parfaite pour demain, me permettant d'enfiler des chaussures ultra confortables tout en me montrant ultra présentable ! Contente de mon choix je décide de rester dans ma chambre, en profite pour m'allonger et me débarrasser de ma serviette. Le soleil cogne contre la fenêtre, réchauffe ma peau et tandis que je ferme les yeux pour m'épargner l'éblouissement de ce dernier, je sens les bras de Morphée me happer sans que je ne puisse m'en défaire.

Ma cheville me fait encore un peu mal mais c'est on ne peut plus supportable. La première de l'exposition se déroule à merveille, la représentante de la mairie avec laquelle je collabore, les artistes ainsi que les nombreux journalistes et civiles présents rendent l'évènement plus important que je ne l'avais imaginé. Après tout le temps passé dessus, c'est comme un rêve éveillé que de voir se profiler la file d'attente jusqu'au milieu de la rue voisine. Léon est aux premières loges, lorgnent sur tout le monde bien au courant de la présence de PYg et il m'en veut toujours un peu de l'avoir évincé lors de notre rencontre. Je lui présente Peggy tandis que je fais le tour des invités venus découvrir la partie d'exposition se trouvant entre mes murs. Un sourire amusé fend le visage de Peggy, je les laisse faire connaissance tandis que je rejoins le maire. Je ne retiens pas tous les noms, bien trop nombreux, mais je suis touchée par chaque remerciement, chaque histoire qui me sont énoncées. Au bout de plusieurs heures, le café désemplit enfin l'air jusqu'à présent très étouffé redevient respirable. Je me sens assez triste de ne pas avoir vu Kentin, bien qu'il n'ait pas promis de venir le jour de lancement quelque part je m'attendais à le voir. Je soupire, aide Nina et Dambi a débarrasser les tables de la terrasse, et relativise en me disant que cette exposition va faire du bien au café.

En me dirigeant vers la cuisine, j'aperçois Nath et Éric discuter avec les blessés de guerre, un peu plus loin Castiel est plongé dans la lecture d'une interview, elle accompagne un tableau haut en couleurs qui fait déjà polémique. Rosa et Leigh sont avec Thia, ils discutent autour d'une photographie d'un soldat avec son chien. En balayant la salle du regard, je sens un poids me quitter. J'ai été tellement happée par la fièvre de la foule que je n'ai pas su prêter attention à l'immense soutien de mon entourage. Un regain d'énergie m'étreint, un sourire remplace ma mine fatiguée et je quitte enfin la salle pour la cuisine. C'est à ce moment qu'Alexy débarque en trombe dans la pièce, les yeux humides et les joues rouges. Son corps entier tremble, des sentiments multiples animent son regard, la peur m'enveloppe, une vague glaciale s'installe dans la pièce, englobe nos corps et alors que je m'apprête à lui demander ce qui lui arrive, je vois Rosa se placer derrière lui. Elle a l'air déçue, gênée. Son visage baissé, scrutant le sol comme s'il était sa seule échappatoire... Leigh lui tient l'épaule, il arbore le même faciès, Thia tient sa main, elle est rouge d'une colère d'enfant qui enflamme son corps entier. J'ai l'impression que la salle s'étire dans la noirceur des recoins, mes amis s'entassent devant moi, tous affichent colère, tristesse et déception. La solitude m'assaille, mon corps tremble de peur et d'incompréhension. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi tout à coup ? Qu'ai-je fait ?.. Alors qu'aucun ne bouge, dans le brouhaha des sanglots, je sens soudain une main se poser sur mon épaule. Sans me tourner, la voix de mon père s'élève : « Comment as-tu pu ? » Le jugement plane sur moi, j'entends ma mère et Agatha sangloter, la main de mon paternel se referme sur mon épaule. Je ne comprends rien ! Ma voix s'éteint avant même de pouvoir passer mes lèvres sèches. Ma salive stagne sous ma langue, incapable de l'avaler, mon cœur se serre et l'air me manque... Du milieu de la foule qui me fait face, Kentin s'écrit « Qu'as-tu fais ?! » Mon nom et sa phrase sont scandés comme une sentence sans issue... Brisée de larmes, je ferme les yeux et me laisse tomber au sol, mon cœur résonne comme un tambour, cogne contre mes tempes, assourdissant... BAM BAM. BAM BAM. BAM BAM BAM. BAM BAM BAM. BAM BAM BAM BAM BAM...

Kentin & Moi - Love Life Version. [+18]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant