Chapitre 38: Un abri temporaire

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Je regarde le décor défiler dehors. Des maisons, des arbres, des lampadaires. Je suis secouée de temps à autre par les maladresses d'Amé au volant. Je lui indique au fur et à mesure la direction à prendre pour atteindre la maison de Kat. Je suis un peu nerveuse: comment va-t-elle réagir en me voyant? Je veux dire, je crois qu'elle comprendra notre situation et le fait que nous ayons besoin d'un toit - après tout, elle connaît Alteran, - mais Kat reste Kat malgré tout. Elle pourrait très bien nous claquer la porte à la figure seulement parce qu'elle ne souhaite pas s'attirer d'ennuis ou se mêler d'une guerre qui ne la regarde pas.

Après une quinzaine de minutes, je vois pointer au bout de la rue la jolie maison de Kat. Je me sens aussitôt submergée par un sentiment de familiarité: je connais cet endroit presque aussi bien que ma propre demeure. C'est un peu comme rentrer chez soi après un long voyage.

Seulement, je ne suis pas là pour reprendre ma vie d'avant.

Et mon voyage à moi ne fait que commencer.

La maison de Kat est splendide et vraiment spacieuse. Son père est médecin et sa mère, avocate: forcément, ils peuvent se payer une habitation plus, disons, luxueuse. D'ailleurs, son quartier entier est bondé d'immenses demeures. Les jardins sont tous bien entretenus même s'ils ne ne sont pas à leur meilleur, en plein mois de novembre, avec la neige mi-fondue et la boue qui inondent les gazons de tout le monde. De belles voitures de luxe - inévitablement sales par le temps qu'il fait - sont garées devant les grandes cours de pierres de chaque maison.

- Belle baraque, commente Amé en faisant approcher notre vieille bagnole de la maison de Kat.

Elle gare tant bien que mal notre voiture en bordure de la rue. Une fois qu'elle a immobilisé le véhicule, je prends une grande inspiration et lance:

- Allons-y.

Tout le monde descend de la voiture. Je suis surprise qu'aucun de nous ne soit mort en route, et je suis sérieuse, là. Amé est la pire conductrice qui soit. J'ai passé à deux doigts de mourir trois fois (je n'ai pas compté, mais je suis persuadée que c'est à peu près ça).

Je suis la première à m'engager dans le petit sentier de pierre qui mène à l'imposante porte d'entrée en bois de la maison de Kat. Je gravis les escaliers de pierre et, la main un peu tremblante, j'appuie sur la sonnette. Elle produit un petit "ding, dong" qui annonce notre venue. C'est alors que j'entends la voix aiguë et familière de Kat de l'autre côté de la porte:

- Je te l'ai dit, Kevin: je ne veux plus jamais voir ton horrible petit visage plein de boutons dans ma maison! C'est fini entre nous et tu le sais!

- C'est moi, Kat! hurlé-je en retour, ne pouvant réprimer un sourire.

Un moment de silence passe avant que je n'entende les pas de Kat marteler le plancher alors qu'elle accourt à la porte. Elle regarde par l'oeil-de-boeuf avant d'ouvrir la porte d'entrée à la volée. Son visage représente une expression mi-sceptique, mi-ébahie.

- Jenn? lâche-t-elle en agrandissant ses yeux bruns. Est-ce que...? Mais qu'est-ce...?

Elle est incapable de formuler la moindre question correctement. Elle ne s'attendait pas à voir débarquer chez elle, à neuf heures un vendredi soir, sa copine disparue dans un monde surnaturel depuis une semaine. Elle nous regarde tous un par un, et je suis incapable de déchiffrer son expression.

- Salut, Kat, la salué-je avec un petit sourire aux lèvres. Tu n'aurais pas un peu de place pour nous chez toi? On aurait besoin d'un toit pour la nuit.

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