Chapitre 17: Une bande d'oiseaux apprivoisés

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Je fixe avec dégoût le repas qu'on vient de me servir. Ce midi, nous ne pouvons pas retourner au Toit pour manger. Nous sommes obligés d'avaler la "nourriture" qu'on nous sert ici, à la magnifique cafétéria ancestrale du centre d'entraînement. Donc oui, c'est de la nourriture alteranne. Il y a, un peu partout sur la table, des bols avec des noix, fruits, légumes, et autres aliments. Le problème, c'est qu'ils sont vraiment étranges. Le repas principal est une purée bleu pâle parsemée de petits grumeaux bruns, servi dans un bol de soupe. Je me penche un peu en avant pour sentir. Mon nez est immédiatement attaqué par une odeur salée très vive. Je m'abstiens de grimacer.

- Ça ressemble à un insecte bleu qu'on aurait écrasé avant d'ajouter de la merde par-dessus, ricane Amé à mes côtés en faisant barboter sa cuiller dans l'étrange mixture.

- Pour une fois, je dois admettre que tu as raison, soupire Anna en fixant songeusement son plat, puis le bol de noisettes qui est devant elle.

Aucun des dix-neuf Nouveaux ne touche à son assiette. Nous ne faisons que remuer avec méfiance la purée qu'on vient de nous servir du bout de notre cuiller. Nous sommes installés à une belle table ronde massive, qui doit probablement être celle à laquelle les guerriers alterans mangent. (Oui, il y a bien des guerriers, à Alteran.) Visiblement contrariée, Karina s'approche de notre table et tonne, les poings sur les hanches:

- Eh bien! On fait nos difficiles, à ce que je vois?

Personne ne parle. Nous sommes tous en colère contre nous-même. Au Toit, nous avons une réserve, nous ne mangeons jamais la nourriture alteranne! Et maintenant que c'est important d'en manger, nous n'y sommes même pas habitués... Oh, ce que nous sommes bêtes! Tout le monde s'accuse du regard, alors que je me contente de me culpabiliser.

- J'attends que vous avaliez toute votre assiette, menace Karina. Sans exception.

Je vais mourir. Défier le Conseil? D'accord. Sauver ma meilleure copine au péril de ma vie? C'est réaliste. Gérer une relation amoureuse totalement instable? Ça aussi, ça passe. Mais manger ce truc répugnant qui ressemble à de la vomissure d'extraterrestre? Alors là, jamais! J'ai envie de m'envoyer la figure dans mon plat pour m'y noyer afin de ne pas avoir à le manger. Ou bien me poignarder avec ma cuiller. Je dois évaluer quelle option est la plus rapide.

Alors que je suis très occupée à réfléchir de la meilleure façon de me tuer, quelques Nouveaux protestent.

- On vient de manger le petit déjeuner! ment Dannis. On n'a pas faim.

- Je préfère jeûner que de manger cette chose, râle Michael.

- Exactement, Mic! renchérit Jacob en se levant de sa chaise. Nous sommes libre de manger ce que bon nous semble, mademoiselle Karina! La liberté de nos actes! Notre autonomie!

On éclate tous de rire. Il ne vient tout de même pas de raconter ces sottises à Karina? C'est alors que l'impression d'être observée me prend. Je balaie la table du regard. C'est Fabien qui me fixe de ses yeux violets intenses, un petit sourire sur les lèvres. Au moment où mon regard croise le sien, il semble sortir de sa transe et tourne vivement la tête dans une autre direction, feignant de regarder d'être captivé par je-ne-sais-quoi à l'autre bout de la pièce. Force m'est de l'admettre, il est vraiment adorable. Bien que je ne lui ai pardonné qu'à moitié sa dispute avec Alex et ses propos racistes d'hier, je ne peux pas complètement chasser les sentiments que j'éprouve pour lui.

Le cri terrifiant de Karina rompt le fil de mes pensées:

- Silence, bande d'imbéciles! Vous allez bouffer votre fichue assiette, que vous le vouliez ou non! Et en silence!

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