Chapitre 42: Souffrances et silence

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Je perçois de lointains murmures. Des voix, des pas, des toussotements, le grésillement de machines. L'air que je respire a une odeur chimique, et je sens que je suis allongée sur une surface moelleuse. Je suis néanmoins incapable de me concentrer sur quoi que ce soit, comme si ma tête était remplie de plomb.

J'ouvre lentement les paupières. Je suis d'abord éblouie par la lumière ambiante et papillonne un moment des yeux. Ma vision s'adapte ensuite à l'éclairage. Je me mets à regarder sans vraiment le voir le plafond suspendu. Je tente de tourner la tête pour observer un peu plus mon environnement, mais je suis saisie d'une terrible migraine. Je me contente donc de balayer faiblement la pièce dans laquelle je me trouve des yeux.

Un hôpital. Je suis dans une chambre d'hôpital. Mais pourquoi? Comment? Que s'est-il passé? Je prends une grande inspiration et me frotte les yeux.

Je me suis déjà retrouvée une seule fois dans un hôpital, auparavant. J'avais dix ans. J'étais allée faire du trampoline chez des copains. Je voulais les impressionner avec mes talents (inexistants) en trampoline, donc je m'étais mise à faire toutes sortes de figures assez risquées. Enfin, jusqu'au moment où j'ai fait un faux mouvement et que j'ai fait un atterrissage très peu glorieux sur mon bras. Résultat: les parents d'un de mes potes m'ont reconduite à l'hôpital et je me suis retrouvée avec un bras dans le plâtre. Bref, la joie.

Au fur et à mesure que je sors de ma torpeur, des sensations - pour la plupart très désagréables - recommencent à parcourir mon corps. Une douleur lancinante au pied gauche. Le cou en compote. Les bras endoloris. J'en ai mal au coeur.

Mais comment suis-je arrivée ici? Mes parents, mes amis, où sont-ils? De vagues souvenirs de choses surnaturelles me trottent dans la tête. Alteran, une prophétie... Est-ce vraiment arrivé? Et si toutes les choses surnaturelles que j'ai vécu récemment n'étaient que le fruit de mon imagination débordante, et que je suis simplement à l'hôpital parce que je me suis cognée la tête contre le bol de toilette, l'autre soir, lorsque Alex est venu chez moi? Je suis plus confuse que jamais. J'ai beaucoup de difficulté à me rappeler ce qui s'est passé juste avant que je me réveille ici.

À ce moment-là, une vieille infirmière en sarrau blanc entre dans la pièce. Elle m'envoie un chaleureux sourire.

- Ah, contente de voir que tu t'es réveillée! me lance-t-elle. Comment vas-tu?

Je la fixe un moment sans broncher, comme si l'information prenait du temps à arriver jusqu'à mon cerveau toujours embrumé par la fatigue. Puis je balbutie:

- Je... Oui, je vais bien. (Je prends une pause, réfléchir me demandant un effort énorme.) Quel jour sommes-nous?

- Nous sommes lundi, le 19 novembre, me répond-elle d'une voix claironnante. (Elle s'approche de la petite fenêtre et en tire les vieux rideaux bleu poudre. Les rayons du soleil inondent la pièce, me faisant grimacer. J'avais oublié que j'étais affectée par la lumière du jour.) C'est une belle journée ensoleillée; je crois qu'il fait environ huit degrés Celsuis. Ça faisait longtemps qu'on avait vu une aussi belle température en novembre, et...

Je ne l'écoute plus. Je suis de plus en plus sceptique. Que se passe-t-il? Qu'est-ce que je fiche ici? La question sort malgré moi de ma bouche.

- Comment est-ce que je suis arrivée ici?

L'infirmière affiche un grand sourire désolé, comme si elle avait pitié de moi.

- Ma pauvre, tu as perdu connaissance il y a deux jours dans le parking du cinéma pour cause d'extrême fatigue. Tu étais très mal en point; tu t'étais drôlement surmenée. J'ignore ce que tu as vécu ces derniers jours, puisque tu étais portée disparue, mais ne t'en fait pas, nous avons contacté tes parents pour leur dire que tu avais été retrouvée saine et sauve. Nous leur avons interdit l'accès à l'hôpital, mais rassure-toi: d'ici un ou deux jours, tu pourras rentrer chez toi.

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