Pense Libellule

Chapitre 6 : soir sans espoir

Cela fait bientôt une heure que je suis allé m'enfermer dans ma chambre. J'ai écrit sans relâche dans le cahier de la réserve, ce qui m'a aidé à réfléchir. Le silence y a aussi contribué : la piscine et son bruit constant s'est arrêtée. Maintenant que j'ai des ampoules aux doigts, je vais penser. Quelle serait la raison pour que nous soyons tous ici ? Dans quel but ? Qui serait capable de faire ça, puisque nous sommes (pour l'instant) nourris, logés dans un superbe lieu, nous avons même l'électricité ? J'ai regardé par le petit bout de fenêtre donnant sur la piscine. Le ciel artificiel montrait que la lune était haut dans le ciel, je devrais essayer de dormir.

Mais je n'y arrive pas. Tout à l'heure j'avais l'adrénaline dans le sang. Mais à présent, la tristesse et la solitude sont retombés. Mes parents me manquent, mes sœurs me manquent... Même mes voisins insupportables et bruyants me manquent ! J'ai honte : alors que j'aurais pu rester chez moi, à regarder ma série, j'ai décidé de faire le plus courageux en allant voir cet étranger. Et mes parents doivent se faire un sang d'encre !

Pour être en forme demain, pour réfléchir je dois dormir, même si c'est compliqué.

Les minutes passent, je me tourne, retourne dans mon lit, mais rien à faire. Le coup derrière la tête m'a peut-être un peu déréglé.

TOC TOC TOC

« - Entrez !

- Ah salut ! toi non plus tu ne dors pas...

- Non j'y arrive pas. Je pense à ma famille que j'ai laissée derrière moi, à mes potes... Et que si ça se trouve on les reverra pas.

- Ouais, je vois ce que tu ressens. Les folies le jour, les regrets la nuit. Tout le monde passera une mauvaise première nuit, et c'est normal, parce que en soit on s'est tous fait avoir pareil.

- Je me sens con, là.

- Mais non, t'es pas con. Toi t'as des regrets, moi j'ai peur. Ce psychopathe qui nous a enlevés et nous a mis là, on ne sait pas pour quoi faire...

- Au moins on n'est pas seuls... c'est déjà ça.

Je lui dis ? Ou pas ? Je vais faire un sous-entendu, c'est plus subtil.

- Mais quand t'es là, ça va mieux.

- Ah ah, t'inquiètes pas, je serais toujours là, je vais pas me laisser faire une deuxième fois !

- Moi non plus !

Je ne pense pas qu'elle ait compris le sous-entendu, ou alors elle a fait comme si elle ne l'avait pas entendu. La piscine s'est remise à marcher.

- Et...euh sinon t'étais dans quel collège ?

- Victor Hugo, à Lille et toi ?

- Saint Nicolas, à Paris dans le 6ème, affirmais-je.

- Okay.

Elle a baillé. Ses yeux se fermaient de plus en plus.

- Je suis désolée mais je crois que le sommeil m'est revenu, je dois aller dormir.

- Ah... Oui pas de problème.

- D'accord bah du coup à demain.

- Oui à demain. Dors bien.

- Au fait, ma chambre est la n°7. Si t'as besoin...

- Ouais !

Sur ce, elle a fermé la porte dans une grande délicatesse. Me revoici encore une fois seul avec mes démons. Que du bonheur.

Comme vous devez vous en douter, je n'ai toujours pas réussi à dormir pendant encore une heure environ. Je sais que c'est complètement idiot étant donné les circonstances, mais j'ai décidé d'aller me promener dans les couloirs. J'ai toujours rêvé de faire ça, et je n'en ai encore jamais eu l'occasion.