Chapitre 32

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-Alors tu es sa soeur, celle qui était présente lors de la fête d'anniversaire de Jen ? Demanda Tom en continuant de fixer la jeune femme qui se tenait devant lui.

Plus le jeune homme l'observait, plus il avait l'impression de voir en face de lui la copie conforme de Jen. La ressemblance était assez frappante, tant sur l'apparence que sur les expressions du visage, les gestes, les mimiques... Emma Sleeman avait cette même façon de vous regarder, de vous déchiffrer, le même visage d'ange qui cachait de multiples facettes et pourtant, Tom n'avait pas le souvenir de cette ressemblance lorsqu'il avait vu les deux adolescentes côte à côte le soir où il avait rencontré Emma pour la première fois. C'était étrange ce sentiment qu'il éprouvait en cet instant... Comme si l'âme de Jen était présente et brillait à travers les yeux de la jeune femme.

-C'est bien moi, affirma-t-elle d'une voix neutre et grave qui attirait l'attention.

Le jeune homme posa alors la question qui lui brûlait les lèvres.

-Que fais-tu ici ?

Car il savait qu'Emma Sleeman n'était pas arrivé chez lui par hasard. Elle avait forcément cherché à le revoir afin de lui parler de quelque chose de manifestement important. Etait-ce à propos de Jen ? Savait-elle des choses qui lui permettrait d'éclairer son esprit ? Tom jouait nerveusement avec la fermeture de sa veste en attendant une réponse qui tardait à arriver car la  jeune femme paraissait réflechir attentivement avant de lâcher le moindre mot.

-Je sais tout, affirma-t-elle simplement.

Que voulait-elle dire par là ? Qu'entendait-elle par "tout" ? Ce mot signifiait tellement de chose à la fois. Il tout aussi bien être un échappatoire à la vérité, qu'un refuge au mensonge. Il représentait à la fois beaucoup de chose mais malheureusement dans certains cas, il ne représentait absolument rien, c'est bien pour ça que Tom detestait l'entendre, surtout dans le contexte actuel.

Comme Emma Sleeman avait pu remarquer le malaise perpetuel sur le visage de son interlocuteur, elle trouva raisonnable de reprendre la parole afin de ne pas laisser un gêne s'installer entre eux.

-Si tu veux comprendre, je dois te raconter quelque chose qu s'est produit le lendemain de sa fête d'anniversaire.

Tom aquiesça, soulagé de constater que ce que la jeune femme avait à lui raconter concernait directement Jen. Pris de curiosité, le jeune homme se redressa sur sa chaise, puis prit une position plus confortable afin de pouvoir écouter attentivement l'histoire qui allait suivre. Qu'allait-il apprendre ? De toute façon, avec les récentes nouvelles informations dont leur avait fait part la vidéo, rien de pourrait être pire que les corconstances actuelles...

6 ans plus tôt :

Il faisait sombre au dehors en cet fin d'après-midi. Le feuillage des arbres ne cessait de remuer, agités par le vent qui les heurtait de plein fouet, le jardin paraissait presque triste. Il n'y avait personne parmi la pelouse bien entretenue et les arbres impecablement taillés car un orage foudroyant menacait de s'écraser au loin sur les collines de verdure, tels des aiguilles se plantant dans du tissus. Nous étions en plein dans le mois de mai, mais pourtant tout semblait être déréglé, la nature ne répondait plus à son devoir d'été et l'été en elle même s'en était allée en cette journée démesurément déprimante.

Emma était assise sur le rebord de sa fenêtre, dans la chambre de son frère qui s'était endormi peu de temps après avoir pleuré toutes les larmes de son corps, la nuit durant. En effet son humiliation de la veille avait été une rude épreuve pour lui, il ne s'en était pas remis. Comment cette fille pouvait-elle se regarder dans un miroir chaque matin en ne ressentant aucunement la honte de ses actes ? Tout cela était... Emma ne savait qu'elle mot employer. Elle tenait à son frère comme personne. Il était comme un vase qui pouvait se briser à n'importe quel moment et c'était bien pour cela qui fallait tenter de soigner la moindre fissure qui pouvait être la conséquence au moquerie perpetuelles à son égard.

La jeune femme connaissait bien Jen. Elle savait que cette dernière pouvait faire preuve d'une cruauté sans relâche. Elle savait qu'elle pouvait influencer n'importe qui grâce à son charisme. Secrètement, elle avait toujours admiré cette fille, jusqu'à la nuit dernière où elle avait détruit son frère. Elle n'avait su comment réagir en voyant celui-ci danser, nu devant une foule de trente personnes, le visage rouge de honte et de pudeur. Alors elle n'avait rien dit. Emma était restée quelques secondes à le regarder, puis elle avait quitté la pièce, telle la personne la plus lâche qui soit.

Perdue dans ses pensées et regardant la brume recouvrir le paysage au dehors elle savait que ce jour-là allait être inhabituel. Elle sentait, derrière sa fenêtre que quelque chose se préparait, mais elle ne pouvait dire quoi...Elle contemplait l'allée caillouteuse qui menait à la porte d'entrée, lorsqu'elle apparçue une paire de jambes qui y marchait, puis bientôt la personne entière fut visible. C'était elle. C'était Jen Salvator.

Sa tête était haute, sa démarche était éléguante. Elle marcha jusqu'à la porte puis sonna. Emma qui n'avait pas réagit sur le coup se mit à paniquer. Fallait-il lui ouvrir ? Que faisait-elle ici ? Que venait-elle chercher dans la maison des Sleeman avec son allure d'ange de la mort ?

Il fallait qu'elle se décide rapidement et au bout de quelques instants, l'adolescente choisit de descendre dans l'entrée. Ses mains tremblaient d'appréhension. Elle avait peur oui, peur de Jen. Après tout, à qui cela n'était-il jamais arrivé ?

Emma Sleeman ouvrit la porte et fit entrer son invitée surprise avec une certaine réticence afin de lui faire clairement comprendre qu'elle n'était pas la bienvenue et qu'elle ne le serait probablement jamais. Jen affichait une expression de tristesse sur son visage, mais cette fois-ci elle n'avait pas l'air de vouloir jouer un rôle. Son air était grave, elle avait mauvaise mine et ses vêtements étaient simples, voir banals. Venant de Jen, la banalité semblait s'accorder avec la depression. C'était du moins ce que se disait Emma en cet instant.

Aucune d'elles ne semblaient décidées à parler, cependant, au bout de quelques instant, Jen se redressa et regarda son interlocutrice droit dans les yeux.

-Avant toutes choses, je suis venue te présenter mes excuses. Je sais que c'est à ton frère, Logan, que je devrais les faire, mais je sais aussi qu'il n'était pas le seul à avoir été blessé ce soir là. Je suis consciente d'avoir fait une des plus grosses erreurs de ma vie. Malheureusement je ne réflechis jamais à mes actes, ni aux conséquences. J'aimerais pouvoir te dire que je ne suis pas la seule dans ce cas, là, qu'il y a des tas de gens qui font de même ici ou ailleurs mais je ne peux pas te dire ça parce qu'il faut que j'assume ce que j'ai fait sans me comparer à d'autres personnes, car la fautive c'est moi. C'est moi seule qui ai décidée d'humilier ce pauvre Logan, c'est moi qui ai tenu ces pensées, ces moqueries à son égard. C'est moi Jen Salvator, je sais que je ne suis pas quelqu'un de bien, que je ne peux montrer aucuns exemples de comportement car le mien est de loin le plus monstrueux... Oui, c'est le mot... Je suis désolée mais je n'y peux rien, c'est de ma faute sans y être totalement...

-Que veux-tu dire ? Demanda Emma qui ne comprenait pas pourquoi sa colère avait disparu.

Elle avait compris qu'elle avait en face d'elle quelqu'un de bien, quelqu'un qui ne réflechissait pas avant d'agir, certes, mais cette personne avait quelque chose de différent, elle était tellement... Etrange... La jeune adolescente n'arrivait pas à lui en vouloir. Que lui arrivait-elle ?

-Accorde-moi une faveur, répondit Jen.

Elle ne l'avait pas demandé, elle l'avait affirmé, elle avait dit cela d'un ton impératif, mais ce ton était d'une désolation comme Emma n'en avait jamais vu. En cet instant elle ressentait envers Jen un sentiment nouveau : de la compassion. Pourquoi cela ? Elle n'en avait aucune idée. Derrière les paroles que Jen avait prononcé, on pouvait y déceler une forme de souffrance. La façon dont elle s'était excusée... C'était comme si elle avait affirmé qu'une autre personne était responsable de ses erreurs. Comme si quelqu'un d'autre tirait les ficelles. Et cette phrase... "C'est de ma faute sans y être totalement"... C'est alors qu'Emma comprit, avant que son invitée n'ait eu le temps de prononcer la phrase fatidique.

-Je vais mourir Emma, je le sais, cette maladie me ronge jusqu'au plus profond de mes entrailles, il y a deux moi, il y a deux Jen Salvator, et deux esprits pour une seule personne, c'est comme s'il y avait deux voix dans ma tête qui me murmuraitent sans cesse quoi faire. A force on ne sait plus la quelle écouter.

Jen's SecretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant