"La terre est notre première mère à tous"-Proverbe islandais
La déesse Gaïa planait au-dessus d'un sol terne et dépourvu de quelconque passion. Se sentant seule dans cet univers, elle y créa la vie. De ce sol poussiéreux surgissaient montagnes, volcans et forêts, elle y ajouta un voile appelé Ciel, pour protéger sa création. Apparurent ensuite océans, rivières et fleuves. Elle nomma ce nouveau monde Gianaerthei(1). La divinité enfanta maintes et maintes créatures. De Cronos en passant par les Titans jusqu'aux nymphes, Gaïa ne fut plus jamais esseulée. Ils passèrent des millénaires à s'entre-tuer, à s'amuser... Jusqu'au jour où l'Homme devint de plus en plus indépendant. Les humains étaient dotés d'une intelligence qui captivait la déesse : ils étaient capables de fabriquer des objets de toute sorte, d'aimer et de se défendre, de penser.Cependant Gaïa vit petit à petit sa création se retourner contre elle. La magie de ce monde avait été éradiquée, les paysages disparaissaient et la foi envers les divinités n'existait plus qu'à travers les légendes. La déesse déchaîna sa fureur contre les peuples, elle fit trembler la terre et la privait de sa fertilité pour les plus grands fauteurs de troubles. Elle espérait que la race humaine soit plus conciliante face à ces fléaux, mais ce fut un échec. L'Homme en sortit plus fort. Toutes les divinités retournèrent dans leur univers, elles estimaient que leur place n'était pas ici, mais Gaïa décida de rester. Elle prit une forme humanoïde, ressemblant désormais à une jeune femme aux cheveux bruns ondulés, aux yeux verts chartreux et aux formes généreuses.
Elle passa quelques années terrestres à vagabonder d'un bout à l'autre du monde, découvrant les royaumes créés par les Hommes.Quelque chose manquait à sa vie, mais elle ignorait ce dont il s'agissait. Elle rencontra des nymphes dans le bayou de la Mangrove, elles demeuraient cachées sous les racines de ces plantes.Leur récit n'était point gai : une des sœurs avait été traquée par les pêcheurs et mourut de déshydratation. Cette dernière fut exposée au grand public de la Place Dorée du royaume de Bulumar des jours durant. Gaïa sentit son cœur se serrer,combien de ses enfants avaient subi le même sort ? Elle continua sa route vers la Forêt des Échos, mais sur son chemin se trouvait un petit marché populaire. La déesse se tenait dans l'ombre,observant les humains de près. Sa haine brûlait encore, elle aurait dû décimer entièrement cette race ingrate ! Un homme d'environ trente ans s'approcha d'elle et lui demanda ce qu'elle attendait, tapie dans l'obscurité. À cet instant, des flashs s'affichaient devant les yeux de la divinité : il s'agissait d'événements bienheureux mais qui ne s'étaient pas encore produits. "C'est vous que j'attendais" répondit la déesse battant des cils avec grâce. Sa beauté avait ensorcelé son interlocuteur, son aura chaleureuse donnait un sentiment de confiance et de sérénité à quiconque s'approchait.
De cette rencontre impromptue naissait un premier enfant, Azarias. Ils vivaient alors au vieux temple de Gaïa, se nourrissant de leurs récoltes bénies par la divinité-mère. Léonard, le père, travaillait comme menuisier et vendait ses objets au marché. Il avait sculpté un petit dragon en bois pour son jeune fils, en gage d'affection. La haine qu'éprouvait Gaïa avait été enfouie sous son nouvel amour maternel, elle avait enfin trouvé ce qu'il lui manquait. Le petit demi-dieu avait à peine un an lorsque la divinité fut enceinte une nouvelle fois. Les flashs revenaient durant des mois. De mauvais présages planaient sur leur famille.Gaïa percevait des malheurs, du sang versé, un départ, une brume orangée épaisse s'étalant de part et d'autre, mais également des jours plus heureux. Elle ne savait que faire de ces visions, il restait une possibilité pour que cela ne soit que rêverie.
Les mois passèrent et les hommes continuèrent leurs guerres de pouvoir.De nombreux territoires furent déboisés et des créatures furent éteintes. Le pouvoir de Gaïa était fortement amoindri, Léonard en était très inquiet. Et un malheur n'arrivant jamais seul, lorsque la déesse mis au monde leur enfant, ce dernier fut mort avant même de pouvoir sortir un son. Bien qu'ayant beaucoup procréé, chaque naissance était magique et chacun des enfants était important. Gaïa en était terriblement affectée, ses larmes tombaient sur le corps fragile de son bébé. Les parents l'emmenèrent à l'extérieur,sous un marronnier centenaire. Azarias se blottissait dans les bras de son père, ne comprenant pas ce qu'il se passait tant il était jeune. La terre s'ouvrit sous les mains de la divinité pour accueillir le petit être délicat, ils y déposèrent des fleurs colorées et ajoutèrent quelques pièces de monnaie. La mère recouvrit de terre la tombe de son fils nommé Léandros, prononçant quelques mots de réconfort.
Les années défilèrent, Azarias devint un adolescent très vif. Des fleurs sauvages avaient poussé là où reposait son jeune frère. Le fils de Gaïa avait hérité de pouvoirs hors du commun : il entendait parler les arbres, il pouvait faire pousser toute espèce de végétation dans n'importe quel environnement, les souches bougeaient sur son passage... Mais étant fils de Léonard, ses capacités n'étaient que moindres comparées à celles des divinités. Les animaux lui obéissaient mais ne pouvaient communiquer avec lui. Il faisait la fierté de ses parents, qui avaient alors tous leurs espoirs braqués sur lui. La santé de Gaïa était mauvaise, son corps d'humain ne lui suffisait plus. Son origine divine la rappelait à l'ordre, elle avait passé bien trop d'années de son existence sur Gianaerthei. Il était l'heure de s'en aller. Elle avait pris soin de laisser des vivres à sa famille, de l'argent et un collier en souvenir. Son fils était alors son avenir, son héritage dépendait de lui. Après des embrassades interminables, Gaïa fit prête pour son ultime voyage.
— Vous ne serez jamais seuls, mes amours, disait-elle les yeux larmoyants.
— Es-tu sûre qu'il n'y a point d'autre moyen ?
— Je n'ai passé que trop de temps ici, ce n'est pas ma place. J'ai le cœur qui se brise à devoir vous laisser, mais je sais que ce ne sera que pour le mieux. Je l'ai vu.
— Et comment je saurai que tu es à nos côtés ? demanda Azarias.
— Tu le sauras. Je serai partout où tu te trouveras, répondit-elle en embrassant son fils sur le front avant de disparaître.
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1. Du grec Gia na érthei, signifiant "avenir".
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Les Enfants de Gaïa (Nouvelle)
FantasiAsseyez-vous confortablement, prenez votre boisson préférée ou votre plaid douillet et laissez moi vous raconter une histoire mêlant créatures légendaires, magie et mythologie. Alors que le monde ne croyait plus en la magie, Azarias, fils de la dées...