Aileen descendit dans le bureau de son père. Elle le trouva assis à son bureau, la tête dans les mains.
- Père, appela-t-elle doucement.
Il releva la tête et balbutia :
- Ma petite fille, que t'ai-je fait ?
Elle s'approcha et posa une main sur son épaule.
- Rien mon père. C'est ma décision. Promettez-moi que vous ne vous reprocherez jamais rien.
Il se tourna brusquement vers elle et s'exclama :
- Comment le pourrai-je ? Tu es ma fille unique bon sang ! Ta mère est morte en te donnant le jour, et qu'advient-il de ta vie ? Rien ! L'Enfer !
Aileen ferma les yeux et chuchota :
- Taisez vous, je vous en prie, ou je n'aurai pas la force d'accomplir mon devoir.
Il y eut un silence, puis la voix lasse de son père répondit :
- Cela vaudrait sans doute mieux.
- Non mon père. C'est ma vie contre celle de tout un clan, j'ai fait le bon choix. Duncan l'a accepté père, faites de même, je vous en conjure.
Elle ouvrit de nouveau les yeux et vit une larme tomber sur le bois du bureau. Elle serra son père contre elle et dit d'une voix brisée :
- J'aimerai que vous écriviez au prêtre, pour qu'il célèbre mes noces ce soir.
Sans attendre sa réponse, elle sortit de la pièce et ferma silencieusement la porte.
Elle passa la journée à tourner en rond dans sa chambre, écartant de son esprit toutes images de Duncan, du diable ou de son père. Elle faisait défiler dans sa tête tous les magnifiques paysages d'Écosse qu'elle avait vu, si loin des turpitudes de ce monde. Lorsque le soleil commença à se coucher, elle se leva et chercha machinalement quelle robe elle allait mettre. Elle choisit un vêtement simple, gris plutôt que blanc. Elle ne voulait pas être belle, ni remarquable. Elle ne voulait pas être une mariée. Elle s'habilla donc, remonta ses cheveux en un simple chignon, puis s'assit de nouveau dans son fauteuil, attendant qu'on vienne la chercher.
Les rayons du soleil avaient presque disparu lorsqu'on frappa à sa porte. Elle se leva et ouvrit, pensant se trouver face à son père. Malheureusement, c'était son fiancé en personne qui lui tendait le bras, l'air agacé, et sentant l'alcool à plein nez.
Aileen se demanda se qu'il se passerait si on allumait du feu à côté de lui et fut prise d'un rire nerveux, conséquence de sa nuit blanche. Bien mal lui en prit. Le diable la gifla violemment et sa tête alla percuter le montant de la porte. Elle glissa au sol, étourdie, un goût de sang dans la bouche. Avant qu'elle ait eut le temps de reprendre ses esprits, il la saisit par le bras et la redressa sans ménagement. En silence, il l'entraîna à sa suite.Ils pénétrèrent dans la petite chapelle du château, où étaient rassemblés Cal MacLeod, Fergus, le prêtre et un autre homme, métayer de MacLeod, qui devait servir de témoin. Les époux s'assirent sur deux chaises placés devant l'autel, et le service commença. Le prêtre ne cessait de jeter des coups d'œil effrayés au diable, bien qu'il ne sût évidemment rien de sa véritable identité. Aileen priait de toutes ses forces, attendant un miracle qui n'arriva jamais. Ils se levèrent pour l'échange des consentements et la jeune femme s'entendit prononcer des mots pour elle totalement vides de sens. Le diable fit de même, l'éclat rouge au fond de ses yeux brûlant le regard de la jeune femme. Elle avait l'impression qu'il rayonnait d'une aura maléfique.
Un coup de tonnerre résonna dans le château au moment où il prononça « Je le veux ». Aileen leva vers la voûte un regard désespéré, priant toujours pour son miracle. Rien.
Le prêtre acheva la messe à toute vitesse, s'emmêlant dans ses paroles de bénédiction. Lorsqu'elle quitta la chapelle, Aileen ne se signa pas. Elle n'appartenait plus à l'Église du Seigneur.
La petite troupe se dirigea en silence vers la grande salle, guidée par le diable et son épouse. Aileen regardait droit devant elle, essayant d'oublier ce qui se passait. On mangea dans le même silence glacé, interrompu seulement parle bruit des assiettes. La jeune femme ne toucha pratiquement pas à sa nourriture et, lorsque son mari se leva, elle fit de même, mécaniquement. Il glissa son bras sous le sien sans douceur, inclina la tête en direction des convives, et partit à grands pas vers les couloirs obscurs du château. Aileen le suivit sans un mot, avec au cœur un seul espoir : mourir.
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L'épouse du diable
Krótkie OpowiadaniaVoilà une légende écossaise que j'ai inventé, suite à une histoire entendue en Ecosse.