32. Level up

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Dehors, le temps avait fraichi et le vent s'était levé. 

Sentir cet air sur ma peau me donna une impression agréable de vertige. Je m'appuyai contre le panneau informatif qui reprenait les horaires des bus. Mon capuchon rabattu sur la tête, je devais avoir une allure inquiétante, parce que la seule personne également présente prenait soin de rester à bonne distance.

- Excuse-moi, tu n'aurais pas du feu ?

Je sursautai. Un jeune homme un peu maigre s'était arrêté à ma hauteur. Je restai un instant muette, comme s'il m'avait fallu du temps pour sortir des sombres pensées dans lesquelles j'étais immergée.

- Euh, oui... finis-je par lui répondre.

Je fouillai dans mes poches avant de sortir un petit briquet en plastique vert pomme. Le jeune homme se pencha vers moi, sa cigarette au coin des lèvres.

- Mais je te l'échange contre une clope, négociai-je.

- Ok.

Il tira du carton une seconde cigarette, me la tendit, puis tira sur la sienne une première et longue bouffée.

- Je te passerais même tout mon paquet contre un numéro de téléphone, précisa-t-il en recrachant la fumée de la cigarette qu'il tenait suspendue en l'air.

Je posai sur lui un regard intéressé. Fut un temps où ce genre de proposition m'aurait mise mal à l'aise. Mais il avait l'air soudainement si naïf, si innocent, que je ne pus que me sentir supérieure... Comme inatteignable. Quoi que je lui répondrais.

- Je vais me contenter d'une, pour le moment... déclinais-je avec un clin d'oeil.

Il sembla déçu mais ne laissa pas tomber pour autant.

- Et où va une jolie fille comme toi à cette heure tardive, demanda-t-il en revenant à la charge.

- M'amuser...

J'avais répondu avec un sourire étrange et évasif qui sembla le mettre mal à l'aise. Il n'ajouta rien, jusqu'à ce que notre bus apparaisse enfin. Je tirai une dernière taffe avant de lui adresser un signe de main et de monter à l'avant du véhicule, presque vide. Il ne pensa pas à me suivre.

Une vingtaine de minutes plus tard, je descendis dans un lieu qui m'était totalement inconnu. 

La zone semblait en travaux et des tours à appartements sortaient progressivement de terre. Il s'agissait selon toutes vraisemblances d'un nouveau quartier populaire en phase de construction. Peut-être que dans quelques mois, il serait un peu plus chaleureux mais, pour l'heure, je me sentais particulièrement intimidée par l'ambiance froide et pesante qui régnait autour de moi...

Pas un chat à l'horizon. 

Une légère bise se leva et je resserrai mes bras autour de ma poitrine pour ne pas prendre froid. J'avançais en suivant le GPS de mon gsm. Mes baskets se mouchetaient de petites taches claires, alors que la route faisait progressivement place à un chemin poussiéreux.

La nuit, à présent, était complète autour de moi. Quelques lampadaires, dont les fils pendaient encore dans le vide, diffusaient une lumière pâlotte et irréelle. C'est alors que je perçus des éclats électroniques au loin.

De la musique et des flashs de lumière s'échappaient d'un buildings en face de moi. L'entrée semblait un peu plus loin. Je rabattis mon capuchon pour dissimuler mon anxiété et me mis à avancer. Les silhouettes réunies en petits groupes, à l'extérieur du bâtiment, semblaient ne pas faire attention à moi.

Encore quelques mètres et je serais rentrée...

***

J'avançai encore, en espérant qu'on ne m'arrêterait pour me demander mon âge ni ce que je faisais là. Mais, manifestement, ce n'était pas trop le genre d'événement où on accordait de l'importance à ce genre de détails. 

Je passai la double porte et quelques personnes accrochées à leurs clopes, ou à leurs téléphones, levèrent sur moi des regards vitreux. Sans mot dire, je me faufilai vers la cage d'escaliers que j'apercevais au fond d'un long hall pratiquement désert.

Le son des basses résonnait sur le béton nu et je n'eus pas de mal à me diriger vers l'étage où se déroulait la soirée. 

Au bout de l'énorme pièce, vide de tout mobilier, avait été improvisée une petite estrade où un Dj mixait un genre de dark électro grinçante. Des spots agressifs balayaient le public et s'arrêtaient régulièrement sur le jeune homme, qui en profitait pour exécuter quelques pas de dance saccadés. 

Je pris appui sur l'un des hauts piliers qui renforçaient le côté vertigineux des lieux. "Ce style musical pourrait me plaire finalement"... 

Je sortis ce qu'il me restait d'herbe et de tabac et me roulai un joint grossier que je portai avidement à mes lèvres. Il fallait que je me concentre sur mon objectif : trouver des consommateurs potentiels. Toutefois, cela ne m'imposait pas de rester sobre... 

A cet instant, j'entendis rire près de moi et, lorsque je me retournais, il me sembla apercevoir Drice qui passait derrière un des piliers tout proche. Cependant, quand je plissai les yeux pour détailler celui qui réapparaissait devant un mur de parpaings, je me rendis compte que, mis à part la couleur des chevaux, celui-ci ne partageait rien avec le Dj.


Drice - D'ombres et de lumières [PARTIE II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant