" Je ne reconnais point le travail de Dieu ici. "

8 3 2
                                    

« Tous ces évènements se sont déroulés en Novembre dernier. Je me souviens qu'il faisait froid, très froid même. Pourtant, il n'y avait pas de neige en vue. Cela aurait été bien trop beau ! Non, ce n'était pas la petite brise un peu piquante qui avait des relents de « pré-Noël ». C'était plutôt le genre de vent glacial que vous ressentez jusqu'au plus profond de vous-même, le matin, quand vous sortez de chez vous, celui qui vous oblige à mettre trois pulls au lieu d'un seul, celui qui, sans que vous ne vous en aperceviez, vous rend un peu moins lucide à chaque minute. Maintenant que j'y repense, c'était déjà un phénomène plus qu'étrange, un froid pareil, en Provence.

Mais revenons à mon histoire.

A cette époque, au collège, j'entendais beaucoup de choses. Je n'étais d'ailleurs pas la seule. Un bruit courait, une rumeur, plus excitante et angoissante que toutes les autres. Plusieurs de mes camarades racontaient à qui voulait bien l'entendre que le bois au nord de notre petit village était hanté.

Jusqu'ici pas de quoi s'affoler ! Des rumeurs, sur ce bois, il y en avait souvent. De surcroit, nous étions dans la pire période de l'année en matière d'ennuie. Les vacances d'Halloween étaient déjà passées, et celles des fêtes de fin d'année ne semblaient pas vouloir pointer le bout de leur nez avant une éternité. En bons collégiens que nous étions, il fallait bien que nous trouvions de quoi nous occuper...

Ce qui me fit m'intéresser d'un peu plus près à ces ragots, ce fut lorsque j'entendis, un midi, au beau milieu de la cantine, Theodore Perkins raconter sa propre expérience, plus sérieux et paniqué que jamais. D'habitude, Theo', c'était plutôt le gars souriant, toujours une blague aux bouts des lèvres. Celui qui réunissait une classe divisée par son seul humour, celui que personne ne détestait vraiment. Même les professeurs, tous, appréciaient Theodore Perkins, tout simplement parce que « bonne ambiance » et « bonne humeur » étaient ses mots d'ordre.

Mais ce jour-là il se tenait voûté, presque tremblant, avec des énormes cernes gravées sous ses yeux bleus, eux-mêmes aussi ternes que les cheveux d'une divorcée de quarante-cinq ans. On aurait pu croire qu'il avait couru dans la forêt toute la nuit.

Et, d'après ses dires, c'était exactement ce qu'il avait fait, en cherchant à « fuir les esprits qui le poursuivaient ».

Ce fut à partir de ce moment-là, après ce que tout le monde surnomma « l'incident Perkins », que mes amis et moi fîmes un pari stupide.

Forcément, c'était mon idée. Après tout, à cette époque, dès qu'il fallait avoir une idée saugrenue, stupide, ou dangereuse, c'était à moi que l'on se referait. Ce jour-là, comme à l'habitude, quand Francis Madert avait demandé, avec ses bégayements, et en remontant ses lunettes trop rondes sur son trop petit nez :

« Qu'e-qu'est-ce qu'on v-va fai-aire du co-coup ? »

La tablée s'était, automatiquement et dans un geste presque parfaitement synchronisé, tournée vers moi. Quelque peu grisée par le sentiment de confiance totale qu'ils m'offraient, j'avais expliqué mon plan sans hésitation. Plan que j'avais, bien évidemment, construit au fur et à mesure de ma fameuse explication. Si j'étais considérée comme « Reine de la Connerie », avec un grand « C », ce n'était pas pour mon génie, loin de là, mais bien pour ma merveilleuse compétence à ne réfléchir qu'après avoir parlé. Je ne pense pas avoir besoin de vous expliquer à quel point cela m'avait déjà mis dans le pétrin, ni combien de fois.

Enfin, mon plan était simple. Chacun de nous sept devait donc se rendre dans cette forêt, la nuit et seul, pour (et je me cite moi-même) « plus de fun », afin de vérifier si tout ce qui se disait avait un semblant de vérité. Je veux dire, pendant cette semaine-là, les récits étaient vraiment « partis en cacahuètes », dans tous les sens du terme.

NouViesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant