Prologue

24 3 0
                                    

Samedi 23 février, 10h32, Paris

- "Maxence vient dans la cuisine s'il te plaît, on a encore quelques petites choses à voir"

La bâche en plastique qui couvrait le canapé crissa légèrement lorsque le brun se leva pour rejoindre la voix qui l'interpellait depuis la pièce voisine. Il enjamba les nombreux cartons échoués un peu partout dans l'appartement et passa la tête par l'entrebâillement de la porte. Son père l'attendait silencieusement; il lisait une petite feuille de papier blanc qu'il approchait bien trop près de son visage, ses lunettes pendant autour de son cou accrochées à un cordon de cuir marron. Le jeune homme s'assit lourdement à la table et attendit sagement que son paternel lève les yeux vers lui.

- "Bon allez, on vérifie une dernière fois qu'on n'a rien oublié, on reviendra pas à Paris avant un petit moment tu sais"

- "Je sais papa, c'est la centième fois que tu me le répètes" soupira Maxence, tout en observant son père avec un petit sourire. L'inquiétude se lisait sur le visage fatigué de l'homme assis en face de lui et il eut un petit pincement au cœur en songeant à la raison de ce brusque déménagement.

- "Je suis juste un peu inquiet tu sais Max" Il tourna la tête et observa la rue en contrebas. "Le camion est arrivé, fais un dernier tour et commence à tout charger" ajouta-t-il en se levant. Arrivé à la hauteur de son fils, il se pencha et ébouriffa ses cheveux bruns.

- "Papa! Je suis plus un gosse, arrête!"

- "C'est vrai, 20 ans déjà... J'ai l'impression que tu as toujours 12 ans Max. Et que t'ailles à la fac ne changera rien, tu resteras toujours un gamin pour ton vieux père"

- "Oui oui, allez moins de blabla et plus d'action vieux père" rétorqua Maxence en souriant.

Il se dirigea ensuite vers son ancienne chambre et s'arrêta sur le pas de la porte, s'adossant contre le morceau de bois. Il observa quelques instants la petite pièce pleine de souvenirs, légèrement nostalgique. De nombreuses particules de poussière volaient, faisant ressortir l'impression de vide qui régnait.  Il était déçu de quitter cette chambre, cet appartement, et même cette ville. Paris n'avait pourtant jamais vraiment plu au jeune homme, mais ce déménagement impliquait surtout de quitter sa fac, ses amis, sa famille. Sa vie.

Il soupira, vérifia pour la centième fois que son drone et son appareil photo se trouvait bien dans son sac et attrapa le premier carton de la pile gigantesque qui l'attendait. Il descendit maladroitement les escaliers, soufflant sous le poids de ses affaires et déboucha dans la rue parisienne, où l'attendait un camion de déménagement, garé en double file.

16h45

Maxence ouvrit brusquement les yeux alors que son front rencontrait un peu trop violemment la fraîcheur de la vitre de la voiture dans laquelle il se trouvait depuis presque quatre heures.

-"Papa putain!" râla-t-il tout en enlevant les écouteurs de ses oreilles, "Tu pourrais conduire un peu plus calmement quand même, j'me suis pris la vitre là". Il frotta ses yeux encore endormis, puis son front légèrement rougi, comme pour appuyer ses dires et laissa son regard se perdre dans le paysage environnant. Il était surpris par la végétation verdoyante, les sommets enneigés des collines et les quelques vaches qui broutaient dans les champs gigantesques.

Ça change de Paris, pensa t'il pendant qu'ils passaient à vive allure devant le panneau précisant qu'ils entraient dans une nouvelle agglomération. "Grenoble".

-"Regarde, c'est l'université ça" lança tout à coup son père, excité, sortant Maxence de ses pensées en lui tapant sur l'épaule. "La cité universitaire doit pas être loin". Il jeta un léger coup d'œil à son fils et reprit doucement; "Tu vas être bien tu verras. C'est juste en attendant de toutes façons"

- "Je sais papa, je sais" Il observa à nouveau les montagnes par la petite vitre et ajouta, "On va tout déposer chez toi, puis on ira visiter ma chambre et y mettre mes affaires. Je vais dormir là-bas ce soir, que je m'habitue un peu avant de reprendre les cours"

Son père hocha la tête et, tout en plaquant un sourire triste sur son visage fatigué, il souffla "Comme tu veux Max"

18h15

Le brun aux yeux sombres était enfin affalé sur son minuscule matelas dans son petit 15 m², après cette journée assez éprouvante. Mais en entendant son estomac gargouiller il savait qu'il lui restait encore quelques courses à faire, afin de se ravitailler et de remplir son frigo tristement vide. Il avait déjà repéré une petite boutique en bas de la cité U et il décida de se dépêcher pour arriver avant la fermeture.

Il se redressa lentement sur son lit et observa son bureau ainsi que ses étagères. Il contempla ses figurines, ses affiches et tous les vestiges de la vie qu'il venait de quitter et cela lui mit un peu de baume au cœur. Il se sentait déjà un peu plus chez lui et il s'intima de ne pas juger si vite sa nouvelle chambre. 

Maxence attrapa donc son appareil photo, le passa au tour de son cou et prit les clés posées sur la petite table basse. Le porte-clés Batman vient se cogner contre sa main et il sourit en pensant à l'auteur de ce cadeau : son frère, Anthony, qui venait tout juste d'avoir 24 ans et qui s'était envolé la semaine dernière pour la Colombie. Il avait en effet trouvé un job d'ingénieur là-bas et n'avait pas eu d'autres choix que d'accepter.

Maxence secoua la tête tout en sortant dans le couloir de son immeuble, puis ferma la porte. Il s'avança vers les escaliers, un doux sentiment de liberté au creux de son estomac, et, enfin dehors, respira l'air tellement moins pollué de sa nouvelle ville. Même le rouquin distrait qui faillit le percuter ne le débarrassa pas de la douce euphorie qui s'était emparé de lui, une sensation qu'il avait oublié ces derniers temps et avec les récents événements de sa vie.

Jeu InconscientOù les histoires vivent. Découvrez maintenant