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Lundi 04 mars, 16h19

Maxence sortait à peine de l'université, épuisé par la journée de cours qu'il venait de terminer. Leur professeur de Biologie cellulaire les avait libéré 15 minutes en retard, pour leur faire copier tout un cours sur les microtubules et autres mots barbares et fastidieux, qu'il s'était d'ailleurs empressé d'oublier à la seconde où ses pieds avaient franchi la porte de l'amphithéâtre.

Le brun se dirigeait maintenant d'un pas décidé vers l'hôpital. Il reprenait petit à petit espoir, un certain optimisme s'était emparé de lui; il commençait à croire à la rémission de sa mère. Il y a peu, elle avait passé toute une batterie d'examens plus ou moins poussés, allant de la simple mammographie aux tests biologiques et aux IRM; et elle lui avait envoyé un SMS vers 13h00 pour lui dire que les résultats étaient arrivés.

Maxence se sentait inquiet, tendu et stressé, mais il croyait en sa bonne étoile, il croyait en la médecine et il croyait en sa mère. Elle avait déjà bien assez souffert, elle lui avait promis que tout irait bien; il avait foi en elle. Il poussa une fois de plus les portes transparentes de la clinique et se dirigea d'un pas distrait vers la chambre de sa mère. Tout irait bien.

Il entra dans l'obscurité de la pièce à tâtons, et observa la poitrine de sa mère se soulever au rythme régulier de sa paisible respiration. Il avança doucement et s'assit sur le petit fauteuil bleu en face du lit d'hôpital, les yeux rivés sur son smartphone.

Thomas, 16h10 : On mange ensemble ce soir p'tite tête? J'ai acheté des bières ;) Rdv 20h au QG

-"Maxence?"

Il leva soudainement la tête et croisa les prunelles sombres et fatiguées de sa mère. Il lui fit un petit sourire, posa son téléphone sur le meuble de chambre et se leva doucement.

-"Oui, tu te sens comment aujourd'hui?"

Elle toussa légèrement et se releva dans son petit lit blanc, les mains posés sur ses cuisses.

-"Assieds-toi Maxence"

Il se laissa de nouveau tomber lourdement sur le fauteuil, abasourdi. Il avait la très nette impression d'être renvoyé cinq années en arrière, lors de cette journée fatidique et insupportable. Le brun baissa la tête, ferma ses yeux sombres et laissa le silence oppressant l'envelopper.

-"Je suis désolée Maxence, tellement désolée" La voix de sa mère était faible, abîmée, abattue. Exténuée. "Ça fait cinq ans que je me bats, cinq ans que je... que je survis"

Il ouvrit ses paupières et observa le visage souffrant de sa mère, une main de glace lui enserrant le cœur. "Lorsqu'on m'a diagnostiqué mon cancer, des métastases s'étaient déjà formées un peu partout dans mon corps, ils ont cru pouvoir les détruire avant qu'elles atteignent des organes vitaux. Je l'ai cru aussi..." Elle ferma les yeux et passa une main sur son visage. "Mon cancer s'est généralisé, depuis plus d'un mois... Je voulais te le dire avant, mais j'ai pas pu m'y résoudre...Je...Je vais bientôt mourir Maxence..."

Ses oreilles bourdonnaient atrocement et il avait l'impression de nager dans un océan de brume. Il se leva lentement, s'approcha du lit et s'assit paisiblement. Trop paisiblement. Il observa longuement les yeux sombres de sa mère, et il la serra calmement dans ses bras, plaquant un sourire faux sur son visage éteint.

-"Je t'aime Maxence, je t'aimerai toujours"

19h34.

Maxence poussa à nouveau les portes vitrées, violemment, les mains tremblantes. Son sang bouillonnait d'une rage, d'une haine qui lui était jusque-là inconnue. Tout cet espoir, cet optimisme lui retombait dessus en une violente douche glacée, il se détestait, il détestait les médecins, la médecine et tous ces dicteurs de faux espoirs. Il haïssait le monde, il haïssait les gens, leur sourire hypocrite, leur joie préfabriquée et leurs sentiments factices. Il avait envie de hurler sa colère au monde entier, de se libérer enfin de cette souffrance insoutenable, de ce sentiment d'implosion.

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