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Lundi 25 février, 07h18

Maxence était prêt depuis maintenant vingt bonnes minutes et il faisait désormais les cent pas dans sa petite chambre, comme un lion dans sa cage. En effet, il avait mis son réveil presque une heure trop tôt, redoutant d'être en retard pour son premier jour et il se retrouvait donc là, à tourner en rond dans une pièce minuscule comme un idiot, quarante minutes plus tôt que prévu. Il s'inspecta une nouvelle fois dans le grand miroir accroché à la porte, tira sur un pli imaginaire de son t-shirt et soupira. Il était bien trop vieux pour stresser à une rentrée des classes ; il rumina donc son stress en passant une main nerveuse dans ses cheveux courts. Il se força ensuite à s'asseoir sur le lit grinçant et respira lentement, tentant de calmer la boule de stress qui lui nouait l'estomac, en vain. Agacé, il se releva brusquement et jeta un coup d'œil par la petite fenêtre. Le soleil se levait doucement, baignant peu à peu le paysage d'une lumière orangée et Maxence ressentit l'envie soudaine de fixer pour toujours cette beauté brute. Il attrapa son appareil photo, verrouilla la porte de sa chambre, puis descendit les escaliers en courant, pressé de découvrir pour la première fois les alentours de son université.

Depuis de nombreuses années, le brun voyait en la photographie un aspect thérapeutique, c'était pour lui une manière agréable d'évacuer tout son stress, de se détendre et de se changer les idées.

L'air frais de cette fin d'hiver lui mordit doucement le visage et il enfouit son nez dans le col de son manteau tout en frottant ses mains l'une contre l'autre en tentant vainement de les réchauffer. Il avança doucement et observa le paysage verdoyant si différent de celui de sa ville natale, prenant de temps à autres des clichés du lever de soleil illuminant peu à peu le monde et sa nouvelle vie. Chaque fois que son doigt appuyait sur le déclencheur, dans un geste quasiment réflexe, ses épaules se détendaient, et le poids qui lui enserrait la poitrine depuis qu'il avait appris pour sa mère se défaisait, lentement. Il n'y avait qu'à travers sa caméra qu'il se sentait vivant.

Il avait marché un peu au hasard, ne suivant que son instinct, observant le monde à travers l'objectif de son appareil, oubliant presque qu'il existait une réalité, et il était désormais un peu perdu, dans un endroit assez étrange. Une sorte de skate-park. Etant donné l'heure matinale il ne s'attendait pas vraiment à croiser des étudiants sur sa route et pourtant, il pouvait distinguer trois silhouettes en contrebas, sur les modules. Le premier était en BMX, le second en skate, et le dernier, les cheveux roux se baladant au gré du vent, avait une caméra et filmait les deux autres.

(Valentin)

Valentin venait de terminer son back flip et il vint se poser à côté de son ami et cameraman du moment, Thomas. Il était essoufflé et une fine pellicule de transpiration perlait sur son front; pourtant il s'en foutait. Il venait de réussir une figure qu'il cherchait à faire depuis bientôt un mois et il était heureux, impatient de voir le film qu'avait fait son ami. Ses yeux se posèrent sur la montre accrochée à son poignet gauche et il soupira. Plus que 10 minutes avant les cours.

Il étira ses longues jambes en observant les figures de skate que réalisait Axel, son meilleur ami et il esquissa un sourire lorsque celui-ci hurla de joie, les fesses par terre; il avait presque réussi sa figure.

Il leva soudain les yeux, intrigué : il avait cru voir un mouvement, dans les hauteurs, là-bas. En effet, il y avait bien quelqu'un, un mec d'à peu près leur âge, les yeux et la chevelure sombre. Il ne lui semblait pas reconnaître son visage et cela l'étonna d'autant plus; il pensait connaître à peu près toutes les têtes étudiantes à Bordeaux.

-"C'est qui le mec là-haut?". La voix d'Axel le sortit brusquement de ses pensées et le reconnecta à la réalité.

-"J'en sais rien et je m'en fou, j'ai passé mon back flip!". Il lança un sourire éclatant à Thomas qui filmait toujours et poussa sur ses bras pour se relever, "On y va? On va être à la bourre"

08h09.

-"Putain ça fait même pas 5 minutes et j'en ai déjà marre" soupira Axel, les genoux nonchalamment relevés contre sa table, "Chaque jour je me demande un peu plus ce que je fais en fac de sciences" ajouta le brun en donnant un petit coup de coude à son meilleur ami somnolent. "Eh Vaaaaal ! j'te cause!"

-"Mh! Tais toi j'essaye de dormir...et m'appelle pas comme ça" soupira Valentin en frottant ses yeux pleins de fatigue. Il se releva sur son dossier dans un effort désespéré pour se réveiller quand son regard fut de nouveau attiré par une chevelure brune. "Eh, c'est pas le mec de tout à l'heure là-bas?" questionna-t-il, surpris.

-"Euh si je crois.. Faudrait demander à Thomas il a la mémoire des visages lui. Dommage que ce con soit en psycho" pouffa Axel, détaillant néanmoins l'inconnu du parc.

-"Il est nouveau à ton avis?"

-"Qu'est-ce que ça peut bien te faire?"

-"J'sais pas... J'ai l'impression qu'on pourrait s'amuser avec lui..." Un sourire narquois se dessina sur ses lèvres fines et il se tourna vers son complice qui le lui rendit.

-"Tu penses à quoi?"

-"Tu te souviens du jeu qu'on faisait au collège? Pour voir si les gens étaient dignes d'entrer dans notre groupe"

-"Ouais le sorte de cap ou pas cap, c'est ça?" chuchota Axel, observant d'un œil attentif le professeur qui déblatérait son discours assommant, sans se soucier d'eux.

-"Exactement. J'ai bien envie de lui faire passer un petit test, histoire de voir ses limites » confirma le brun en hochant la tête.

-"Mais tu veux être pote avec lui?"

-"Bien-sûr que non, je veux juste m'amuser un peu, on s'ennuie en ce moment tu ne trouves pas ?"

-"Pourquoi pas. Il a même pas l'air hétéro en plus" ajouta Axel, un sourire mauvais scotché aux lèvres, "T'as vu ses fringues?". Il tendit sa main vers son ami, qui s'empressa de répondre à sa demande, en faisant leur check habituel.

-"Excusez-moi jeune homme, je ne crois pas vous avoir déjà vu dans mon cours, vous êtes nouveau? ". Le silence se fit soudain dans l'amphi, la cinquantaine de visages présents dans la salle se tournant comme un seul homme vers la cible du professeur. La pauvre cible quant à elle rougissait à vue d'œil et bégaya vaguement une réponse à peine audible.

-"Euh.. Oui je viens d'arriver.. Je euh.. Je m'appelle Maxence. Maxence Muller"

-"Très bien Maxence, bienvenue, je vais vite oublier ton nom, vous êtes un peu trop, mais bienvenue à l'université de Grenoble". Le professeur lui fit un sourire compatissant puis retourna aussitôt à son monologue interminable, comme si rien ne s'était passé.

Valentin observa avec amusement la mine écarlate du nouveau, il le regarda enfouir sa tête entre ses mains pour essayer de se fondre dans la masse, en vain. Il remarqua aussi le sourire hypocrite de plusieurs filles soudain intéressées par le timide brun, et il soupira. Toutes les mêmes.

-"On va bien s'amuser toi et moi Maxence.." murmura-t-il doucement, se rendant à peine compte qu'il avait chuchoté.

-"T'as dit quoi mec? J'entends rien avec ces idiotes qui gloussent là"

-"Laisse tomber, je retourne à mes occupations, bonne nuit". Il leva sa main pour la secouer bêtement devant la figure d'Axel, se tourna et posa sa tête sur son épaule, observant discrètement le profil de sa nouvelle proie.

Jeu InconscientOù les histoires vivent. Découvrez maintenant