Je cours

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Je cours. Vite. Mes pieds se soulèvent du sol. J'ai l'impression de voler. D'aller aussi vite que le Petit Poucet avec les bottes du géant. Mais lui le faisait pour fuir. Moi je le fais pour le plaisir. Parce que je n'ai plus à m'inquiéter pour l'avenir. Je ne pense plus qu'au présent. Je savoure l'instant. J'ai l'impression de vivre pleinement, et la brûlure de l'air sur mes poumons est une douce caresse.

Je cours plus vite encore. Mes pieds frôlent le sol. L'élan me fait faire d'immenses bonds. Comme si j'étais sur la lune.

Et c'est le cas. Entre deux foulées, le temps semble s'arrêter. Je ne sais pas si ce sont des secondes, des jours ou des années qui s'écoulent mais je sais que ces instants ont le goût du paradis. Comme si je vivais uniquement pour ces petites pauses. Pour ces brèves haltes de bonheurs dans des heures de souffrance. Je cours si vite que le paysage est flou. Je ne chercher plus à me concentrer sur ce que je vois, mais je guette chaque occasion d'aller plus rapidement. Je bondis haut et loin, mes pieds virevoltent au-dessus du sol. Le vent fouette mon visage, l'air érafle ma gorge déjà meurtrie, mais c'est à mes yeux un doux baiser. Une brise légère fait flotter mes cheveux dans les airs, tel une auréole autour de ma tête. Mes yeux se ferment sous la violence des rafales. Mon visage me brûle, mes narines sont au supplice, mes lèvres horriblement sèches. Mais à partir de quel moment la douleur devient-elle désagréable ? Car tout ce que je ressens, c'est l'adrénaline qui coule dans mes veines. Qui les inondent.

Je vole. Mes pieds sont si légers qu'il me semble flotter dans les airs. Mes bras battent dans le vent comme des ailes. Un rire incontrôlable sort de ma bouche, et je ris à gorge déployée, la tête renversée en arrière. Je cours si vite que je ne me rends plus compte de rien. Est-ce que j'avance encore ? Est-ce que je suis toujours sur Terre ?

Ce sont toutes ses incertitudes qui me font aimer courir. Quand je suis ainsi, je suis libre. Tout s'efface pour ne laisser que l'adrénaline. Que le plaisir pur, la sensation de liberté qui me traverse. Ce que j'ai vécu, mes cicatrices, tout est oublié, seul compte l'instant. Le temps s'arrête dans ces petits moments de pure joie, et, les cheveux dans le vent, le silence hurle en défi à tous ceux qui me trouvent faible, lâche, pathétique, qu'ils ne peuvent rien. Je leurs ris au nez, je passe devant eux à une telle vitesse qu'ils ne me voient pas, et ils sont juste secoués par le vent. Ils croient à une rafale. Je sais que c'est une vengeance. Silencieuse mais la plus bruyante de toutes. Quand je cours, personne ne peut me défier. Je ne ressens plus rien. Je suis juste une boule d'énergie. Tous les soucis s'envolent, pour ne laisser que l'excitation.

Quand je cours, je vis. 

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