Silences.

3 0 0
                                    

C'est tout un art de décrypter les silences. Je crois qu'on apprend toute notre vie à le faire, en fonction des situations et surtout des personnes qui les imposent. J'en ai connu des silences. Je les ai imposés, moi aussi.
J'ai volontairement gardé le silence sur des sentiments trop lourds à supporter. Pour me protéger, pour protéger mon entourage de ma douleur, ne pas l'ajouter à la leur, même, parfois, lorsqu'on partageait la même. Je n'ai pas dit "au revoir", je n'ai pas dit "je t'aime", par peur de la perte, du rejet, de l'abandon. J'ai gardé le silence pour préférer adopter une attitude réconfortante. J'ai gardé le silence quand il le fallait, et parfois quand il ne le fallait pas.
J'ai connu le silence lors des nuits de connivence, entre amis, ou en couple. Lors de nuits d'amour. Lors de nuits de larmes. Je me suis endormie fâchée et je n'ai rien dit pour désamorcer le problème. J'attendais qu'il le fasse. Il m'a donné des silences amoureux, des complicités secrètes, des baisers cachés. Puis il y avait ces moments tendres dans ses bras, où personne ne disait rien, où cet instant seulement suffisait. Les douces caresses sur la peau frissonnante. Les regards entendus qui criaient l'amour. Il y a eu ces fois où, ne sachant plus comment nous exprimer, d'amour ou d'après colère, mais peut-être était-ce la même chose, nous nous retrouvions sans un mot sous les draps dans une danse parfaitement chorégraphiée. Et puis il y avait ces mots, écrits dans un carnet, pour tout ce que nous ne savions pas nous dire et que nous ne voulions pas oublier.
Puis le silence a changé. Et je suis restée sourde aux cris de ces silences. Ceux qui hurlent "je veux partir", "je ne t'aime plus du tout", "je me sens prisonnier", "je veux connaître autre chose que ta routine, que toi, que tout ce que tu es". Je me suis accrochée et alors j'ai parlé. J'avais peur d'un moment sans bruit, je voulais à tout prix le combler. Lui, et son silence. Mais c'était bien l'ennui pourtant, qu'il laissait entendre sans un mot. Sa mine renfrognée qui ne souriait plus que pour son téléphone, ses bras croisés, et cette distance entre nos corps qui pesait si lourd sur mon coeur. Ce cri inaudible qui claque "je veux me barrer et ne jamais revenir" mais qui pourtant essaie de te rassurer parce que tout n'est pas gravé dans la roche, qu'un jour peut-être les choses changeront, qu'il viendra te retrouver pour te dire dans un murmure "je t'aime toujours, reviens-moi". Mais je n'ai jamais cru à ça, cet espoir si mince ne m'a jamais tenue très longtemps.
Il est parti. J'ai gardé le silence. Quand mon corps est devenu une ombre, quand mon ventre est devenu un cercueil, quand tout s'est effondré. Puis quand tout s'est reconstruit, aussi. Les plus grandes et les plus belles victoires ne se clament pas, elles se vivent en secret, en petit comité, c'est comme ça que nous les apprécions le plus.
Les silences ça s'écoute bien plus que les paroles parce que ça dit tellement plus de choses.

"Il reste du café dans ta tasse, tu l'as pas fini. Tu m'as juste dit «j'pars» et puis t'es parti. Bon, t'es revenu, c'est pas le problème, c'est pas qu'tu m'aies pas dit «je t'aime», tu sais qu'j'm'en fous des mots qu'on dit et puis c'est bon pour aujourd'hui. Il reste du café dans ta tasse, tu m'as pas sourit. J'ai fait une blague t'as soupiré."
- Joseph Kamel ~ Café.

Petites penséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant