Prologue

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Hôpital d'Instruction des Armées Laveran, Marseille

J'en ai vraiment plein le cul des hôpitaux ! Au sens propre comme au figuré. À force de rester assis sur ces chaises dures, j'ai réellement mal au cul. Je n'ai jamais compris pourquoi ces salles d'attente sont aussi inconfortables alors qu'elles devraient être tout le contraire puisqu'elles sont faites pour qu'on y patiente. Agacé, je jette un coup d'œil à ma montre. Putain, c'est pas vrai ! Une demi-heure de retard ! Ces toubibs, jamais foutus d'être à l'heure ! Si nous faisions la même chose, nous nous ferions souffler dans les bronches et nous écoperions d'une marche de nuit, illico presto. De plus en plus à cran au fur et à mesure que le temps passe, je tapote nerveusement mon pantalon. La vue de mon jean me déprime. Il me rappelle chaque seconde que je suis inapte au service. Mon treillis me manque.

— Lieutenant Héraud ?

Je me lève aussitôt. Un peu trop brusquement. Un élancement me traverse la cuisse et je ne peux réprimer une grimace. Fais chier ! Trois mois que je suis rentré et encore loin d'être au top de ma forme. J'en arrive à me demander si je serai un jour capable de redevenir le soldat que j'étais il y a seulement un an. Pressé d'en finir avec cette entrevue que je redoute depuis une semaine, je me hâte de suivre l'infirmière militaire. Bien que je sois stressé, cela ne m'empêche pas de remarquer qu'elle est bien roulée. Son pantalon met en valeur des formes qui auraient titillé ma libido si j'étais pas aussi à cran. Tandis qu'elle me fait entrer dans le bureau du médecin, je laisse mon regard errer sur sa poitrine. Le recto aussi est plutôt alléchant. Vu le sourire appréciateur qu'elle affiche, la demoiselle doit également me trouver à son goût. Cela fait bien six mois que je n'ai pas mis une nana dans mon pieu et c'est peut-être le moment de remettre la machine en route. Je n'ai pas le temps de trouver un prétexte pour lui soutirer un rencart, car elle traverse la pièce pour déposer un dossier sur le bureau et repart, me laissant seul avec le toubib qui m'attend. Le petit chevalet posé devant lui m'indique que je suis en présence du capitaine Bourgues.

— Mes respects, mon capitaine.

Il me salue d'un hochement de tête en se levant puis nous échangeons une poignée de main.

— Asseyez-vous, lieutenant.

J'obéis pendant qu'il ouvre mon dossier. Il le feuillette avec attention pendant cinq bonnes minutes avant de réagir.

— Je vois ici que vous avez été rapatrié le 19 mars à l'HIA de Percy à Clamart, où vous êtes resté trois semaines, puis transféré ici courant avril.

— C'est exact, mon capitaine.

— Comment vous sentez-vous ?

Que répondre à cette question ? Physiquement j'ai à peu près récupéré, mais il me reste parfois des douleurs résiduelles lors de mouvements trop brusques. Si je le lui dis, il ne signera pas mon certificat d'aptitude. D'un autre côté, si je ne suis pas en pleine possession de mes moyens, je peux mettre en danger mon équipe. Ceci dit, je ne suis pas prêt à repartir en OPEX, il va me falloir subir un entraînement intensif d'abord.

— Bon, visiblement vous avez du mal à répondre. On va voir ça de plus près. Déshabillez-vous et installez-vous.

Merde ! Je me suis grillé tout seul, comme un con. Il faut que je rattrape le coup.

— Excusez-moi, j'étais distrait. Que m'avez-vous demandé ?

— Peu importe. Déshabillez-vous. Ne gardez que votre sous-vêtement.

J'aimerais pouvoir l'envoyer bouler, mais je sais qu'il faut en passer par là. Inutile de tergiverser. En quelques gestes rapides je tombe la chemise puis le jean et m'assois sur la table d'auscultation. Pendant les dix minutes qui suivent, je me plie aux demandes du capitaine et réponds à ses questions. Il m'inspecte sous tous les angles avant de retourner à son bureau et griffonner mon dossier. Juste le temps de me rhabiller, de me rasseoir face à lui et le verdict tombe comme un couperet :

— Vos blessures ont bien cicatrisé, mais il vous reste quelques faiblesses musculaires. Je ne peux pas encore vous déclarer apte au service.

— Mais je peux quand même rejoindre mon unité pour commencer l'entraînement. Je ferai attention, je...

— Je suis désolé, lieutenant, votre état physique n'est pas seul en cause. Votre état psychologique n'est pas probant.

— Comment ça ?

— Le psychologue a noté dans son rapport que vous avez sauté plusieurs séances et que vous n'êtes pas prêt à réintégrer votre unité.

Non, mais c'est une blague ! Secret médical, mon cul !

— Je croyais que nos entretiens étaient confidentiels ! je m'exclame furieux.

— Je ne vois rien ici concernant le contenu de vos séances. Simplement l'avis du praticien.

Saloperie de psy ! Qu'est-ce qu'il a bien pu écrire ? J'ai de sérieux doutes sur le respect de la confidentialité de nos échanges. Mes pensées doivent se lire sur mon visage, car le médecin me retourne un regard compatissant.

— Écoutez, lieutenant, je sais d'expérience que les troubles de stress post-traumatique ne sont pas rares chez les soldats qui reviennent d'OPEX. Pour être apte, il faudra que votre corps et votre mental soient réparés. J'ignore ce qui vous perturbe, mais je me doute que c'est lié à vos blessures, alors laissez-moi vous donner un conseil ; continuez votre rééducation, votre suivi psychologique, mais ne faites surtout pas une fixation sur votre retour en unité. Ne vous mettez pas la pression, essayez de vous détendre, de vous aérer la tête et votre guérison sera plus rapide.

La déception me serre la gorge. Je sais pertinemment que, quoi que je dise, il ne changera pas d'avis. Et dans un sens, je pense qu'il a raison. Je ne suis pas prêt à reprendre mon poste. J'ignore même si je le serai un jour. Les blessures de l'âme sont moins visibles que celles du corps, mais tout aussi handicapantes.

— Je vous déclare inapte jusqu'en septembre. Nous referons le point sur votre état fin août.

Je quitte Laveran avec le moral en berne. Qu'il confirme mes craintes m'a démoralisé. J'en ai même perdu toute envie de retrouver la jolie infirmière rouquine pour lui demander son numéro. J'ai deux mois pour sortir de l'impasse dans laquelle je suis. Oui, mais encore faudrait-il que je sache quoi faire !


HIA : Hôpital d'Instruction des Armées.


OPEX : Opération EXTérieure.



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Et voilà le début d'une nouvelle histoire... avec un personnage qui n'est pas vraiment un joyeux luron. Il est plutôt du genre râleur le Aymeric !

ENFER AU PARADIS (Edité chez Amazon)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant