2. Exil ~ Aymeric

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Média : Aymeric

Assis sur un banc, les yeux fixés sur ma valise, j'ai l'impression étrange d'être là sans y être. Tout me paraît artificiel. Ces inconnus qui déambulent autour de moi, les cris des enfants, le brouhaha des conversations. Mais qu'est-ce que je fous là ? Pourtant, en réservant mon billet il y a une semaine, ça me paraissait être la solution, mais je n'en suis plus certain. Lorsque quatre militaires de l'opération Sentinelle passent devant moi, j'ai encore plus le sentiment de ne pas être à ma place. Je devrais être en treillis, comme eux, en train de m'entraîner avec mes camarades, au lieu d'être en jean et tee-shirt à glander sur un quai. En plus, avec une valise, alors que ça doit bien faire cinq ou six ans que je n'ai plus voyagé avec ce genre de truc qui me semble totalement incongru. Y a pas à dire, mon paquetage me manque.

C'est avec soulagement que j'entends les haut-parleurs diffuser l'annonce de l'entrée en gare du TGV. Sans attendre, je me lève, balance mon sac sur mon épaule et empoigne ma valise. Machinalement, je vérifie mon billet puis le plan affiché sur l'un des panneaux numériques. Je m'avance vers le repère indiqué tandis que le TGV progresse au ralenti le long du quai. Dès qu'il s'immobilise, quelques voyageurs en descendent pendant que d'autres s'agglutinent pour monter. Alors que je me faufile entre eux, je me fais rouler sur les pieds par une énorme valise bleu électrique. Sa propriétaire ne s'en rend même pas compte tellement elle est pressée. On dirait qu'elle a le feu au cul. Très joli, d'ailleurs ! Rebondi, moulé dans un corsaire bleu marine, mais je n'ai pas le loisir de me rincer davantage l'œil, car des voyageurs me bouchent la vue. Le quai ressemble à une fourmilière, une multitude de gens qui s'agitent dans tous les sens. Je secoue la tête en souriant, je ne comprends pas qu'on puisse s'affoler comme ça pour un train. Le nez en l'air, je localise le repère de ma rame. Encore quelques mètres et voilààà, voiture 5 ! Le quai s'est vidé de la foule et je peux tranquillement accéder à mon wagon. Avant, je laisse passer une dame âgée devant moi et l'aide à hisser sa valise dans le train. J'entre enfin dans le sas, pile au moment où les portes se ferment. Moi qui pensais avoir le temps et me moquais des affolés du chronomètre, finalement c'était moins une !

Alors que le train démarre en douceur, je cherche une place pour mon bagage. Je dois forcer un peu pour le faire rentrer entre deux valises taille mammouth, l'une rose et l'autre bleu pétant. Ma main à couper qu'elles appartiennent à des femmes, il n'y a qu'elles pour voyager avec autant d'affaires. Si je ne l'avais pas vu descendre du train, j'aurais parié que la bleue était celle de mon écraseuse de pied ! Ensuite, je remonte le wagon et au numéro 24, je m'écroule sur mon siège avec un soupir de soulagement. Nickel, je suis côté fenêtre et personne dans le fauteuil voisin pour m'importuner. Pourvu que ça dure ! Je me mets à l'aise pour les longues heures de trajet qui m'attendent. De mon sac à dos, je sors mon portable, la revue d'enduro que j'ai achetée, une barre de céréales et ma bouteille d'eau. J'y glisse ma casquette et récupère ma chemise que je passe rapidement pour me protéger de la clim qui souffle à plein régime. Inutile de choper la crève juste avant de partir à l'étranger. Il ne manquerait plus que je sois malade là-bas !

Après avoir feuilleté mon magazine en grignotant, je surfe un peu sur mon smartphone sans parvenir pour autant à me sortir de l'esprit ce qui me préoccupe. Je finis par laisser tomber, et m'installe plus confortablement dans l'espoir de dormir un peu. Les yeux fermés, j'essaie de trouver le sommeil, mais la conversation que j'ai eue deux semaines auparavant avec mon commandant ne cesse de tourner dans ma tête.

*

Base aérienne 115 Orange-Caritat « Capitaine de Seynes », deux semaines auparavant.

— J'ai pris connaissance du rapport de Laveran concernant ton inaptitude à rejoindre ton unité. Je veux avoir ton sentiment là-dessus. Comment te sens-tu ?

ENFER AU PARADIS (Edité chez Amazon)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant