Échec et mat

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J'abattis mon poing sur la table, qui répondit d'un sourd grincement. Je regardais mon adversaire, il me souriait avec malice. Il venait de me mettre échec et mat en 12 coups, ce qui m'a foi relève un manque de niveau considérable de ma part.

- Normalement les personnes progressent avec le temps, mais tu as cette fâcheuse habitude de régresser, dit-il toujours plus provocateur

Je le regardais avec une haine profonde, il ria comme si cela n'était qu'un divertissement. Son rire doux était en parfait désaccord avec sa carrure, il était grand avec une musculature importante façonnée par ses années à l'armée. Il était frisé, brun, bel homme qui se faisait rattraper par son âge, ces yeux noisettes marquaient une profonde intelligence, qu'il avait mit en avant dans sa vie et qui lui permit une fulgurante ascension dans l'armée, il était passé de simple fils de laboureur à maréchal de cavalerie.

- Commence pas à l'énerver, ce n'est pas toi qui supportera ces caprices, dit une voix derrière moi

Je me retournais et fixais ma mère qui me lâchait un sourire taquin, ces cheveux blonds flottaient au vent. Ces doux yeux verts étaient quant à eux calmes, au plus profonds d'eux on constatait une certaine fatigue, regard réservé aux personnes ayant traversé de grandes épreuves. Elle était quant à elle une écrivaine de renommée, très cultivée, elle était aimée par tous: elle était aux yeux de l'aristocratie un exemple. Elle avait l'éloquence des plus grands orateurs, et connaissait les bonnes manières de nombreux pays alentour, intéressée par l'étranger elle permit de faire de grand progrès en diplomatie. Elle était pour cela invitée à de nombreux banquets et cultivait auprès des étrangers une belle image de l'aristocratie de notre pays. Elle m'apprenait tous les jours à travers des leçons à aimer certains auteurs, et à affectionner les coutumes des autres pays, montrait la beauté cachée de certains romans là où certains se seraient juste contenter de le lire. La philosophie reste son point culminant, elle a remis en doute le cogito de Descartes, aurait expliqué pendant toute une soirée l'allégorie de la caverne de Platon...

-Tu sais bien que ton fils n'a même pas la moitié de ton âge, soit bon avec lui, sans compter qu'entre nous il a bien facilement trois fois ton niveau culturel.

Le sourire de mon père se figea, quelle bonne habitude que nous avons dans cette famille: la critique ! Grâce à cela j'ai pu développer un sens de la répartie assez impressionnant.

-Je ne vois pas le rapport, sans compter qu'il n'excelle nulle part, en me désignant d'un coup de tête, il n'a pas de talent particulier il est juste normal, ce mot sortit comme une insulte

Là-dessus il avait raison mes notes se trouvaient, qu'importe ni le contrôle ni la matière, à la moyenne de ma classe: 18ème sur 36. Mes professeurs l'avaient souligné, comme si je visais ces notes. En soi...

-Peut être mais lui ne comble pas ces lacunes en rabaissant les autres sur les rares terrains qu'il maîtrise

Mon père haussa un sourcil, il ne contredit pas, il savait que sur ce terrain il était perdant. Au lieu de mener une bataille perdue d'avance, tel un spartiate défendant ces terres et son honneur, il me regarda simplement:

-Jules, le problème dans ton jeu, c'est que tu es trop agressif, regarde: au bout de 5 minutes tu avais déjà sorti une dame, un fou, deux cavaliers. Le problème tu vois c'est que tu ne te structures pas, que...

-Non mais l'entends tu ton père, il n'a pas été capable d'organiser notre mariage c'était un vrai fiasco, cria ma mère au loin

-Ce que j'essaye de te dire, c'est qu'il faut que tu penses à une défense avant d'attaquer. Regarde j'ai juste à me défendre, puis à contre attaquer ta défense qui est inexistante pour te mettre échec en 12 coups

Jules RusticaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant