A la lumière de tes mots

Chapitre 3 : Enveloppe n°2 (partie a)

PDV L :

En ouvrant la deuxième enveloppe, sa main trembla. Elle avait peur de ce qu'elle allait découvrir.

Région de Patalla
Indes
Mai 1527

Ambrosius est un infâme personnage. Vouloir enlever d'aussi jeunes enfants pour les réduire à l'esclavage me rend malade. C'est d'une cruauté sans nom. Et bien sûr, comme cet énergumène n'a pas une once de courage en lui, il envoie ces petits soldats faire le sale boulot à sa place. Par la malepeste ! Il ne mérite pas de vivre. Heureusement Esteban avait entendu ses plans pour que nous puissions nous organiser au village. Nous n'aurions pas pu lutter sinon. Infériorité numérique oblige. Et d'autant plus s'il envoyait l'Espagnole. Il semblerait que je me sois pris de passion à rédiger le compte rendu de nos aventures. Soit.

Le soir venu, notre stratagème était au point. Les soldats ne devaient arriver qu'à l'aube le lendemain matin. Ce qui nous laissait quelques heures de repos et de répit. Mais le diable soit ce personnage ! Ses plans avaient changé. Ils nous ont pris de surprise. Mais nous ne sommes pas laissés faire pour autant. Alors quand les troupes du traître sont entrés dans le village, nous étions déjà prêts. Tous les enfants étaient en sécurité. Ils ne trouveraient personne ce soir.

Rapidement, ils se sont rendus compte que le village était vide et je riais sous cape d'avoir battu Ambrosius si facilement. Mais malheureusement j'avais parlé trop vite. L'un des enfants glissa de l'endroit ou il était caché alors que les soldats étaient en train de quitter les lieux. J'ai sauté pour le rattraper, accroché à une liane. Le mouvement a fait se retourner les soldats. Mais c'est l'Espagnole qui s'en est retournée pour voir ce qu'il se passait. Je n'avais aucun moyen de me cacher de son regard. Nous étions battu. C'était fini. Elle est arrivée. Pistolet en main. M'a vu et son regard a brillé d'une lueur qui m'a inquiété. J'étais à la merci de cette diablesse de femme. Nos regards se croisèrent. Elle sourit. Pourquoi n'appelait-elle pas le reste de la cavalerie pour nous arrêter ? L'un des gardes commençait à se rapprocher. Elle le rembarra sèchement. Le soldat fit machine arrière. Après un dernier coup d'œil dans ma direction, elle tourna les talons et ordonna au groupe de rentrer.

Nous descendîmes tous quelques minutes plus tard. Je retournais la scène mentalement. Pourquoi avait-elle laissé passer une si belle occasion ? Pour la deuxième fois elle allait rentrer bredouille. D'un autre côté cela confirmait la part d'humanité que j'avais décelée chez elle quelques temps plus tôt. Cette femme n'était pas celle qu'elle prétendait être. Ça crevait les yeux. J'espère avoir l'occasion d'en apprendre davantage. Et de lui rendre le service qu'elle m'avait rendu ce soir.
Vous êtes décidément bien mystérieuse et terriblement intéressante señorita. Nous pourrions avoir beaucoup à apprendre l'un de l'autre.

Capitaine Mendoza.

Isabella soupira, la tête remplie de souvenirs. Elle se souvenait de cette nuit-là. Elle avait tellement haï Ambrosius pour cette mission. Il lui avait donné un prétexte de ne pas accomplir les ordres voilà tout. Elle n'avait pas fait preuve de gentillesse ou de compassion. Elle n'avait juste pas envie de donner satisfaction au petit rouquin qui lui servait de chef. Mais en même temps sa rencontre avec Mendoza correspondait finalement au moment où elle commençait à comprendre qu'un autre chemin et qu'une autre vie étaient possibles. Et au moment où elle a commencé à se révolter contre Ambrosius. Parce que son statut à ses côtés le lui permettait.
En y réfléchissant, peut être qu'un coin de son esprit lui avait soufflé de ne rien dire par empathie et par respect pour le courage et les moyens mis en œuvre pour la protection de ces enfants. Mais à ce moment là elle n'était pas gentille. Elle était lasse. Elle s'en souvenait très bien. Non définitivement elle n'avait pas fait ça pour les aider. Même si c'est ce qu'elle aurait voulu. Si seulement elle avait pu être la meilleure version d'elle-même.