Chapitre 3

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 – Je vous ai posé une question.

Oui, merci, Captain Obvious, j'avais compris étant donné le silence qui règne dans la salle. Et au cas où vous n'auriez pas remarqué, je n'ai pas entendu. Et si votre cours était plus intéressant peut-être que je serais pendue à vos mots. Mais non, vous êtes un professeur lambda, juste beau, c'est votre seul atout.

Je prends une profonde inspiration pour éviter de répéter ce monologue à voix haute, je pense que je ne serais pas très bien reçue même si ça me vaudrait peut-être quelques ricanements de la part de mes camarades.

Au lieu de quoi, je réponds le plus calmement possible :

– Pouvez-vous répéter la question, s'il-vous-plaît ?

– Je vous demandais ce qui vous intriguait autant sur votre ordinateur que vous n'avez pas levé les yeux de votre écran depuis le début du cours.

Je me rectifie, non, sa voix n'est pas sexy, elle m'irrite, je préférais quand il n'avait pas encore ouvert sa bouche. Pourquoi quand les gens et dans mon cas, les hommes, parlent, ça ruine tout ? Je comprends tellement les personnes qui favorisent les coups d'un soir. Pas besoin d'écouter l'autre raconter ses conneries. Je devrais m'y mettre. Ou pas. 

Je déteste être réprimandée devant une salle entière mais je suppose que je suis la seule à blâmer. J'aurais dû choisir un autre cursus, un plus en accord avec mes centres d'intérêts. En réalité, j'ai sélectionné un master en économie et gestion pour la facilité de la chose. On peut gérer tout un tas d'entreprise, on ne se restreint pas à un secteur d'activité. Je pensais que mon choix était intelligent jusqu'à ce que je me rende compte que je n'ai aucun domaine d'expertise. Je connais beaucoup de choses, beaucoup de concepts mais je ne suis pas sûre de comment les appliquer.

Prenez un diplôme d'infirmière, les élèves sont formés pour faire certaines tâches et ils ont de la pratique au sortir de l'école. Ils sont donc normalement opérationnels. Et dans chaque hôpital, les procédures se ressemblent. Alors que quand on étudie pour devenir manager, entre être directeur d'hôpital et directeur de Peugeot, il y a un léger fossé, aussi large que le grand Canyon.

J'ai l'impression d'être un électron libre et quand je vois la situation dans laquelle mes parents sont, je ne suis pas vraiment rassurée.

N'oublions pas qu'ils m'ont suivi à New York dans l'espoir d'allier leurs passions, la lecture et l'écriture avec leurs savoirs-faire et notamment celui de ma mère. Ils avaient pour projet d'ouvrir un café librairie, dans une ville comme New York, la concurrence aurait probablement été rude mais l'idée convient très bien à la population, un peu bobo. Désolée mais moi, je lis chez moi, pas la possibilité de me payer un café et une viennoiserie tous les quatre matins. D'autant plus qu'on aurait pu mettre en avant la nationalité de mes parents : les français ont bonne réputation et notamment pour leur cuisine et standards. Toujours est-il qu'on ne sait pas si le concept aurait séduit puisque même si nous y sommes installés depuis un an et demi, mes parents en sont toujours au stade de touristes avec un boulot flexible. Ils n'ont même pas regardé les prix d'un local. Tant que je ne les pousserai pas, ils resteront dans leur confort.

Bon, il faut que je réponde à Monsieur Bailey... Avant que je puisse avoir une idée, il ajoute :

– Vous semblez si concentrée que je me demande si c'est mon cours qui vous fait cet effet. Je sais qu'il est passionnant mais tout de même.

Je me force à sourire mais je suis sûre qu'on dirait une grimace. Il essaye de faire de l'humour alors que c'est la dernière chose que j'ai envie d'entendre. Un sourire narquois se dessine sur le coin de ses lèvres et je sais qu'il pense avoir gagné notre petite bataille verbale. Hum, redescendez d'un étage, Monsieur.

La Cité des Astres - Tome 1 - D'un Monde à l'AutreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant