Chapitre 2

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Septembre 2021, New York

Hum. Fallait bien que ça tombe sur moi. Marcher dans une merde de chien – et pas du pied gauche, en étant en retard pour la rentrée.

Je prends une grande inspiration en visualisant des vagues et la mer et le soleil... Nope, ça ne fait absolument rien pour calmer mon agacement. À la limite, frapper le propriétaire du chien qui a posé son étron en plein milieu du trottoir... et encore. Non, Az... Tu. N'es. Pas. Violente.

Est-ce que les quelques cours de self-defense que j'ai pris pourraient m'être utiles face à une énergumène comme cette personne ? Non mais franchement, quel propriétaire de chien ne se balade pas avec des sacs plastiques pour ramasser les excréments de leurs animaux ? Les new-yorkais visiblement. Moi qui les croyais civilisés... Au bout d'un an et demi, j'aurais dû réaliser que tout est relatif.

Mon Dieu que la France me manque, j'aurais pu au moins hurler sur ceux qui m'énervent quotidiennement sans bégayer ou me tromper de mots. Non parce qu'engueuler quelqu'un dans une langue qui n'est pas la sienne, c'est pas très facile, on perd toute crédibilité.

Un jour, je me suis verbalement énervée contre un type qui m'avait poussé dans le métro, il m'a regardé comme si j'étais un chaton en rogne, a souri, m'a donné une petite tape sur l'épaule et est parti l'air amusé. J'ai vu aussi rouge que les taureaux dans les Arènes de Nîmes. Sauf que les portes s'étaient déjà refermées et il m'était donc impossible de poursuivre cet abruti.

Calme Az, pas besoin de ressasser tout ça et surtout pas maintenant, c'est pas comme s'il fallait que tu nettoies ta chaussure et cours jusqu'à l'université pour essayer d'arriver à l'heure tout en essayant de canaliser tes émotions.

Elle me terrifie cette rentrée. D'abord parce que c'est l'occasion de rencontrer de nouvelles personnes et c'est toujours mieux d'arriver à l'heure, sentir bon et avoir une tête potable – ce qui s'annonce mal pour moi. Et ensuite parce que je vais évidemment me retrouver dans la même classe que Will.

Ah. Will. Quelle longue et terrible histoire. J'ai du temps à tuer pour nettoyer ma chaussure, alors autant m'enfoncer un peu plus en me la remémorant.

Will, c'est mon premier amour et aussi le seul et aussi le plus unilatéral de toute ma vie. Je pense qu'on pourrait écrire mon histoire dans le dictionnaire pour définir la « friendzone ». C'est tragique et ridicule et quand j'y pense, je me demande comment je n'ai pas fait pour voir les signes qui allaient mener à mon plus grand chagrin d'amour. Ah mais l'amour rend, euh, est aveugle bien sûr.

Du plus loin que je puisse me souvenir, je n'ai jamais été tactile mais avec les années et les mauvaises expériences, je suis même devenue réticente à m'exposer au monde. Je ne me suis jamais vraiment sentie à l'aise en présence du sexe opposé et c'était sans compter sur... roulement de tambours... Will. Tout le monde l'avait deviné.

Avec lui, tout était fluide et son physique n'a pas aidé la chose. L'archétype du surfeur australien en bonne et due forme. Cheveux blonds, jamais coiffés mais toujours stylés, yeux marrons couleur noisette (on diffère un peu mais pas tous les blonds ont les yeux bleus), musclé mais assez fin quand même, bronzé mais sans jamais passer plus de dix minutes au soleil par an... Et aussi son collier très beauf à dent de requin autour du cou. Je l'ai jamais vu sur une planche de surf et je ne suis même pas sûre qu'il le pratique mais je payerais cher pour voir ça. Je me baverais aussi dessus comme une gamine de 15 ans.

Au passé, bien sûr, maintenant, je ne le toucherais même pas avec un bâton. Crédible.

La première fois qu'on s'est vu, j'étais aussi à l'aise qu'un poisson hors de l'eau, il a sorti une de ses meilleures disquettes avec le sourire le plus irrésistible que j'avais jamais vu et je me suis détendue comme un tournesol au soleil.

La Cité des Astres - Tome 1 - D'un Monde à l'AutreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant