예쁜 나비

37 2 0
                                    

Septembre 2017

J'étais fatiguée. C'était la fin de l'été. Je voyais les enfants se préparer pour la rentrée.
Mon été et quel été, un été à courir après les interventions. Un été solitaire.
Elles étaient loin les vacances en Thaïlande.
C'était il y a à peine 2-3mois. De toute façon, je  ne m'en souviens plus.
Un humain normalement conçu ou ayant le privilège de vivre dans un pays où les congés payés existent ne devrait pas être dans le même état physique que moi.
Je devrais être reposée.
Est ce que je sais le faire ? Me reposer ?
J'étais lamentablement seule et fatiguée.
Je ne vivais que pour le travail. Ma vie personnelle étant ce qu'elle était, j'y avais trouvé refuge. Mais cette vie professionnelle me compressait. Je devenais un vulgaire matricule.

Le corps ne suivait plus, je vivais dans une brume. Mon corps était en pleurs.

Octobre 2017

Je sors du radiologue avec cette triste nouvelle. Je vois mon frère et son ami qui me réconfortent. Le mot en « C » n'est pas un mot que je dois prononcer. C'est une suspicion ce nodule. C'est juste un autre habitant de mon organe papillon la thyroïde.

Dans ma famille, nous avons plusieurs cas de problèmes de thyroïde. Cet organe papillon, ce chef d'orchestre des émotions et des hormones.
Le médecin généraliste décida d'avancer mon suivi. Il a eu raison.

Mon père, mon frère et maintenant moi. Cela faisait 6 ans que j'embêtais Jean Pierre, un copain nodule de 4mm y vivait.
Tous les 2 ans, il avait le droit à sa visite pour le voir, le mesurer. Elle était prévue pour Juin 2018.
Au vue de ma fatigue, de mes angoisses grandissantes et de toutes ses larmes versées, le médecin m'a arrêtée pour que je me repose et pour le contrôler.

Toutes ces nuits passées à l'hôtel, toutes ces routes parcourues ont eu raison de mon corps.
Dans ma tête, je souffrais aussi. Du manque de reconnaissance, d'être injustement cataloguée, de supporter le poids de la frustration de certains.
Et surtout certaines.
Entre femmes, on devrait être solidaires. Mais la pression sociétale en a fait autrement.
On me reprochait d'être une femme trentenaire célibataire épanouie. D'être un carré dans un rond. Et pourtant, j'ai essayé de rentrer dans le moule. Sans succès.

Je me souviens de cette main, de ce jeune radiologue. Je le vois me sourire tristement et me dire « Je reviens »
Il revient avec un homme d'un âge mûr qui me regarde et me dit vous êtes bien chanceuse, je ne l'aurais pas vu.
Tout s'embrouille, de qui me parle t'il ?
D'un nouvel habitant de ma thyroïde. Jean Pierre a un colocataire ?
L'homme s'en va me laissant seule avec ce jeune radiologue. Il me prend la main, se veut rassurant et m'explique les prochaines étapes, je prends sur moi. Je le trouve courageux. Il a choisi un métier qui n'est pas facile. Un médecin annonce de bonnes nouvelles mais aussi des mauvaises.
Je décide d'appeler ce nouvel habitant Jean Eudes, le vilain mesurant 5mm de diamètre et surtout atypique. Et les mois suivants vont m'aider à le connaître, le craindre, l'apprivoiser.

Un mois plus tard, je me retrouve chez un spécialiste. Il faut enquêter. On va prendre un peu de Jean Eudes pour l'analyser. Contrairement au jeune radiologue, je fais face à un homme froid. Il ne comprend pas l'intérêt de faire une ponction. La ponction est douloureuse. Une assistante me tient la main. Rien avoir avec la douceur du jeune radiologue. C'est comme si on vous mettait la tête sous l'eau. Je ne dois ni bouger, ni déglutir.
La ponction faite, je dois encore attendre 3 semaines pour l'interprétation.

Avril 2018

Je souffre, je pleure, je me tais... Oui... toi tout petit, nous avons été dans l'obligation de te laisser grandir. 5 mois se sont écoulés depuis la 1ere ponction.
La vie m'a mis sur le chemin d'un endocrinologue, cette femme à l'allure sévère et déterminée m'a écoutée. Tant de femmes m'ont fait pleurer par jalousie, par sentiment de pouvoir mais elle non.
En parallèle, ma vie professionnelle se dégradait. Je n'avais plus de vie personnelle. Je ne vivais que pour mon travail. J'y ai plongé pour oublier le désastre de mon quotidien.
Certains ont su en tirer profit.
Je n'étais qu'un pantin qu'on pouvait balader de gauche à droite, du Nord au Sud...

Mon corps était de plus en plus fatigué, je tenais sur les nerfs, je n'étais que colère et frustration.
Et une semaine s'est écoulée entre la deuxième ponction et l'annonce de l'identité de Jean Eudes .... Cancer Papillaire

Mai 2018

Je vais mieux depuis que le diagnostic a été posé. C'est triste mais je sais que c'est un cancer qui se soigne bien. Une thyroïdectomie et voilà c'est fini.
J'ai encore pété un câble au boulot.
Je ne comprends pas mon manager. Il est au courant et fait son autruche. Je ne suis qu'un matricule.
J'ai perdu mon sang froid face à l'incompétence de cette nouvelle collègue. J'attendais du soutien de sa part mais je suis rapidement déçue. Le manager a oublié que durant les quelques mois où nous n'avions personne, j'ai essayé de tenir la boutique au mieux.
Je suis toujours aussi mal vue. Et je me rappelle cette phrase.
« Ce n'est pas parce que tu fais autant d'heures que tu as l'esprit d'équipe... Tu aurais mieux fait de dénoncer le comportement de ton ancienne manager »
Que faut-il faire pour avoir un merci ?

Un matin, je déraille et perd mon sang froid face à une énième erreur de cette collègue. Je prends fuite. Je reçois un appel, mon manager... Je l'insulte, je vide mon sac.
Le médecin m'arrête. Je le supplie de m'arrêter juste deux semaines. Ma conscience professionnelle prenant le dessus.
Je reviens, mon manager continue de faire l'autruche et ma collègue me planifie une intervention. Je ne comprends pas, je suis émotionnellement instable et on ne demande d'éteindre des feux. Encore pour ensuite me piétiner. Après un entretien houleux, je finis par céder et accepter ladite intervention.
Mais ne maîtrisant plus mon esprit, mes émotions, de nouveau, je craque. Les larmes me montent aux yeux. Je m'effondre. Je tremble. Je comprends et j'accuse le coup.
Un nouvel arrêt s'impose. J'ai perdu la bataille, je capitule. Je reviendrais uniquement après l'opération.
- - - - - -
J'embrasse mes parents, je leur dis à demain soir, je vous aime et rendez vous dans nos rêves. J'envoie un message à ma sœur et quelques amis.
Le lendemain, je fais quelques photos avec Lionel Doudou Chat, un clone du doudou de ma nièce.
Je suis sur la table d'opération, on me demande de compter jusqu'à 10. Je m'endors à 7. Pram Pi en cambodgien


백설 공주 - Blanche Neige

Un homme en blouse blanche vint à eux. Ce couple qui faisait les 400 pas depuis déjà 5 heures.
L'opération devait se terminer à 13h et il était déjà 18h passé.
L'homme aux cheveux grisonnants vit cet homme en blouse. La femme, de suite comprit que leurs inquiétudes étaient légitimes.
Il leur annonça la triste nouvelle.
Détruire la maison de Jean Eudes et Jean Pierre n'a pas été suffisant pour libérer leur fille de ce mal, il a fallu gratter.
Le chirurgien était bienveillant, il expliquait les choses de manière simple.
Le curetage ne s'est pas passé comme prévu.

Jean Eudes avait d'autres amis, des amis voyageurs... et cette balade cellulaire a été lourde de conséquences.
On apprit aux parents que leur fille telle une Blanche Neige s'était figée dans un sommeil profond, empoisonnée par un crabe nommé Jean Eudes.

V+3,14 = 7Où les histoires vivent. Découvrez maintenant