Chapitre 13 : Sombre opéra

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Mon corps est encore très douloureux, alors que mes yeux s'ouvrent sur une pièce blanche, une infirmerie.

De chaque côté du lit, les deux professeurs en ma compagnie durant le test m'observent comme si je venais de ressusciter.

Je commence par inspecter mon propre corps, tâtant mes bras, ma gorge.

La souffrance. Je la sens, elle est comme encrée dans ma peau. Dans mon esprit. Dans ma mémoire. J'ai envie de pleurer, de leur hurler dessus, de dire toutes les insultes qui me passeront par la tête. Mais mes lèvres restent scellées.

C'est pas le moment. J'ai pas le temps de jouer les fragiles, pas le temps d'être prise en pitié...
Je mords l'intérieur de ma joue pour faire cesser les protestations de mon corps qui ne demande qu'à exprimer ma peine.

Je lève le regard vers les deux traîtres, les gratifiant d'un sourire hypocrite à souhait, du moins dans mon esprit. Eux n'y voient qu'une réaction irrationnelle à l'expérience que je viens de vivre.

- Vous voyez ? J'y suis arrivée. J'en suis capable

Je sers le poing devant moi, faisant office de preuve de détermination, qui pour moi ne signifie en réalité qu'une menace dirigée vers les deux héros.

Les larmes tentent à nouveau de se frayer un passage, mais je les réprime avec force.

Je m'assois au bord du lit, du côté de Midnight. Je vois bien qu'elle est déstabilisée, en même temps qui ne le serait pas.

Derrière moi j'entends Aizawa, il est au téléphone avec quelqu'un.

Mes pieds engourdis se posant sur le sol sont encore atrocement douloureux. Cette fois, je ne risque pas de leur pardonner. Je n'ai pas seulement eu la peur de ma vie à cause d'eux.

Tous mes membres en tremblent encore, le souvenir de la douleur me prend aux tripes. Les conséquences n'avaient jamais été aussi violentes. Sans doute parce que la difficulté de la mission dépassait tout ce que j'avais pu faire auparavant, par erreur.

Cependant, mon expression ne montre rien de tout ça. Je suis même étonnamment calme, concentrée à faire cesser mes tremblements presque perceptibles.

Si j'arrive à leur prouver que je n'ai aucune séquelle de leur expérience, peut-être qu'ils me laisseront partir. C'est une possibilité non négligeable.

- Comment te sens-tu ?

- Plutôt bien.. je dois avouer que c'est assez libérateur de pouvoir utiliser mon alter après tant de temps

J'en reviens pas des idioties que je sors. C'est impressionnant, je développe un don pour le mensonge ou quoi ?

Malgré ça, calmer mes tremblements n'est pas une mince affaire. J'ai peur qu'être trop sûre de moi donne l'illusion que j'ai envie de recommencer.

Non, tout sauf ça. Cet alter qui me colle à la peau, m'entrave, me dégoûte. S'il pouvait juste disparaître, tout serait plus simple...

- Tant mieux si tu ne le vis pas trop mal

Pas trop mal, sérieux ? Qui vivrait bien ça ? Elle se fout de moi ?!

C'est comme pour les autres héros, tout ce qui leur importe c'est de faire bonne impression. Le reste ils s'en fichent. Réhabiliter une criminelle, c'est teeeeeellement héroïque. Pathétique.


La porte s'ouvre, quelqu'un entre en trombe dans la pièce. Et au vu du volume anormalement élevé de sa voix, je n'ai même pas besoin de regarder pour deviner de qui il s'agit.

Ce qui m'étonne bien plus, c'est de le voir venir vers moi et me prendre immédiatement dans ses bras, l'air paniqué.

- Kanjo-chan are you okay ?!

Qu'est-ce qu'il fiche.
Arrêtes. Crétin. Tu vas ruiner tous mes efforts !

Alors que je faisais au mieux pour me contenir. J'avais presque réussi...

Je ne peux pas. Le repousser est impossible. Et retenir ma peine est d'autant plus difficile. L'inquiétude dans sa voix, son geste protecteur. Visiblement il n'est au courant de rien. Et vu son état, il a dû avoir au moins aussi peur que moi...

.. c'est de leur faute... alors pourquoi je me sens coupable ?

Je réponds à son étreinte, très doucement, précautionneusement. Il place une main à l'arrière de ma tête, et la caresse doucement.

Alors que je commence à me faire à ce contact, la voix rauque d'Aizawa nous ramène brutalement à l'ordre.

Mic s'écarte, j'essaie tant bien que mal de reprendre l'expression que j'arborai plus tôt. Ne rien laisser paraître, surtout, qu'ils ne voient rien.

Enfin, ça va être un peu plus simple. Ils sont plus occupés à sermonner le blond qu'à m'observer.

- J'en ai marre de te le répéter Mic, cette petite est dangereuse, tu ne peux pas la traiter comme une élève ordinaire. Qu'est-ce qui ce serait passé à ton avis si tu avais fait ça alors que je n'étais pas là ?

- Mais t'étais là, donc je craignais rien. Sous prétexte qu'elle a un alter de vilain on devrait la considérer comme tel ? Poor girl, you're so mean Eraser ! Je t'ai connu bien plus empathique !

Et voilà, c'est reparti. Toujours plus de discorde, à cause de moi.
À cet instant, j'aimerai tant pouvoir partir pour ne pas assister à leur dispute. Malheureusement, le moindre pas leur révèlerait l'état véritable dans lequel je me trouvai.

Alors, bien que forcée, je me rallonge dans le lit et ferme les yeux, espérant ne plus les entendre.

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