Nuit difficile

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Le bras droit de son aîné sur les épaules, tenant son corps de la main gauche et son bras de la main droite, Tsukishima monte difficilement les 6 étages de son immeuble. Il a choisi cet appartement pour son loyer faible, et la concession de l'ascenseur ne lui paraissait pas insurmontable. Il est un ancien sportif après tout, il continue d'aller courir le matin quand il en a le courage. Mais aujourd'hui, il déteste de tout son coeur sa faible bourse étudiante et ses revenus presque inexistants pour le moment. Et bien évidemment, il déteste encore plus Kuroo, qui s'endort à moitié debout, baragouinant des mots incompréhensibles à l'oreille du blond. Heureusement qu'il est plus grand que lui, n'importe qui ne peut porter cet énergumène.

Enfin arrivés devant chez lui, il décide de laisser tomber Kuroo sur le sol pour chercher ses clefs et reprendre son souffle. De toute façon, il est tellement bourré que Tsukishima est persuadé qu'il ne se rend même pas compte qu'il est à moitié assis, moitié couché, appuyé sur la jambe du plus jeune. Le blond soupire : franchement, pourquoi il doit s'occuper de ce sportif décérébré ? Il ouvre la porte, et traîne à moitié Kuroo sur le sol avant de le poser devant les toilettes. Alors qu'il va préparer deux verres d'eau (il n'est pas si sadique quand même), il entend qu'il a bien eu raison de faire ça, et qu'il a surtout eu de la chance qu'il ne craque pas avant. Dix minutes plus tard, Kuroo réapparaît, un petit peu plus frais.

- Tiens, idiot, bois un peu d'eau, ça te changera.

- Merci Tsukki...

- Je vais me coucher, si t'as besoin de rester assis à côté des toilettes, fais donc. Sinon tu me rejoins.

Il s'allonge dans son canapé-lit déplié, qu'il n'avait pas pris le temps de replier ce matin, et il était heureux d'avoir été tête en l'air pour une fois. Il a à peine le temps de poser son téléphone et ses lunettes sur une chaise à côté qui lui sert de table de chevet qu'il sent un poids sur le lit, et surtout, sur son corps.

- Oi, idiot de chat, bouge ton bras, j'suis pas ta conquête du soir.

- Dommage.

- Hein ?

- Tu me détestes, Tsukki ?

- Actuellement, oui je te hais de tout mon être. Il est presque 5h du matin, j'aimerai dormir un peu avant mon cours à 11h.

- Ça laisse du temps, ça va. J'ai entraînement d'escalade à 9h, moi.

- Raison de plus pour que tu dormes, idiot.

- Je sais pas pourquoi tu m'énerves autant que je t'aime.

- Mais qu'est-ce que tu dis ?!?

- Que je t'airudjsoslm...

Et il s'endort soudainement, ronflant légèrement. Tsukishima s'est assis, et observe son aîné, les yeux écarquillés. Comment ça ? Qu'est-ce qu'il a dit en fait ? Ça fait deux ans qu'ils ne se sont pas vus, comment peut-il l'aimer? C'est sûrement l'alcool. Oui, forcément, ça ne peut lui être destiné, il pense inévitablement à quelqu'un d'autre. Il doit se rendormir, s'il veut tenir en cours demain. Certes, il n'a que 4h dans la journée, mais il n'aime pas ne pas réussir à suivre. Sauf qu'après les propos de Kuroo, il a du mal à s'endormir, et il est déjà 6h30 quand il ferme enfin les yeux.

Le réveil du téléphone de Kuroo sonne à 7h45. Tsukishima ronchonne, avant de s'asseoir et de mettre ses lunettes, pensant que c'était pour lui. Quand il se rend compte de son erreur, il s'énerve contre lui-même, et surtout contre l'idiot à ses côtés qui fait un câlin à son oreiller tout en bavant à moitié dessus.

"Si seulement la moitié de ses conquêtes le voyait comme ça, elles fuiraient"

Pour se venger, il prend en photo Kuroo, avant de prendre son oreiller et de la taper avec, ce qui fait râler le brun.

- Mec, ton réveil sonne depuis 5 min, il va me rendre fou.

- Mais j'ai sommeil.

- Je m'en fous.

- Et j'ai mal au crâne.

- Je m'en fous toujours.

- J'ai envie de vomir.

- Bah dégage alors, je te jure, tu salis mes draps, tu lèches.

- Aucune empathie, grommelle Kuroo en se redressant difficilement.

- Jamais avec des mecs qui n'assument pas leur lendemain de soirée.

- J'suis sûr qu'Akaashi est aux petits soins pour Bokuto.

- Oui, sauf qu'ils sont en couple et qu'Akaashi est quelqu'un de sympa contrairement à moi. Je t'ai laissé dormir là, ne dépasse pas les bornes.

En disant ça, Tsukishima enlève à nouveau ses lunettes et se recouche. Il peut se reposer encore deux heures, il en profite. Il sent Kuroo se lever, se prendre le mur, insulter ledit mur, et passer aux toilettes. Il revient quelques minutes plus tard pour prendre ses affaires, pianote sur son téléphone.

- Tsukishima.

- Mmmmh.

- J'ai rien dit de bizarre cette nuit ?

- Je sais pas, ce serait problématique ?

- Non, je crois pas.

- Bah non alors.

Il préfère mentir, toujours persuadé que ses propos ne lui étaient pas destinés. Mais entendre son nom de famille entier dans la bouche de ce grand brun le choque plus qu'il ne veut l'accepter. Kuroo remercie le blond une dernière fois, et part de son appartement.

Kuroo arrive difficilement à la salle d'escalade, et se fait insulter par son coach. Il est 9h20, le brun ne s'en est pas rendu compte. Il doit faire un échauffement express, avant de rejoindre le mur de bloc : le coach refuse qu'il s'approche du mur de difficulté ou de vitesse, connaissant lui aussi le caractère fêtard de son sportif, et voyant la tête de déterré du jeune homme. Ça arrange le brun : il a toujours préféré le bloc, plus technique et moins frustrant à ses yeux que l'escalade de difficulté. Au moins, il a le droit à plusieurs essais s'il chute. Après quelques échauffements, il se lance dans une 6a pour voir, bien en-dessous de son niveau normal. Et déjà, entre l'alcool qu'il lui reste dans le sang, la nuit de sommeil trop courte, les douleurs un peu partout sur son corps sans qu'il ne comprenne pourquoi, c'est déjà presque trop difficile. Puis il est persuadé d'avoir dit "je t'aime" à Tsukishima, et ça le rend fou. Il espère que c'est faux, et que le blond n'a pas tenté de le protéger, ce qui serait étonnant de sa part. L'entraînement va être interminable. Vraiment, il se dit, comme à chaque fois, qu'il ne touchera plus une seule goutte d'alcool.

Au bout d'une heure d'entraînement infructueux, il regarde son téléphone. Il a reçu un message de Tsukishima. Il l'ouvre, et voit sa photo terriblement dégradante, avec en légende "Si tu m'emmerdes encore une fois, je te jure que cette photo fait le tour des réseaux, et on se moquera du tombeur du campus". Kuroo ne peut s'empêcher de rire et de répondre "Essaye seulement, connard".

Deux idiotsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant