Aelys

Chapitre 7

- Comptez-vous rester là sans rien dire ?
Aelys fixait la jeune femme dos à elle, sans un mot. Elle observait ses cheveux noirs attachés en une queue de cheval basse, ainsi que sa gestuelle fluide, qui naviguait d'un coin à l'autre de la pièce. D'elle se dégageait une aura sans pareille, envoûtante, et à la fois très sereine.

Elle ne savait pas encore si elle avait envie de tenir à son égard une quelconque conversation. Cependant, si c'était le cas, elle ignorait encore sa réponse.
La jeune fille s'interrogeait juste sur une chose. Aelys voulais vraiment savoir, elle brûlait d'envie de le lui demander. Comment avait-elle perçu sa présence, alors qu'elle n'avait pas esquissé l'ombre d'un regard, dans sa direction ? Était-elle également une louve ? Une simple curiosité, qu'elle se refusa finalement de satisfaire afin de préserver le silence.
La femme en face d'elle ne comptait visiblement pas plus interrompre le calme, puisqu'elle poursuivait sa tâche sans chercher la moindre interaction.

Elle ouvrit par la suite le frigo, et en ressortit un plat en verre, fermé à l'aide d'un couvercle en plastique. Elle le lui tendit pour lui en montrer le contenu.
- Saumon en papillote, et tomate provençale. C'était le menu de ce soir.
L'adolescente la regarda sans rien ajouter. La situation entière la dépassait, et cet échange lui semblait un peu trop normal à son goût. « Tu veux discuter de la pluie et du beau temps tant qu'on y est ? » Pensa-t-elle.
Il fallait reconnaître en revanche, que la simple vue de la nourriture lui avait donné l'eau à la bouche.
Par principe, elle ne voulait rien accepter de leur part. La pensée d'entreprendre une grève de la faim lui avait même tout naturellement traversé l'esprit. Les embêter serait la plus agréable des pitances, cependant elle savait que ce maigre espoir de rébellion était une bien piètre idée. Cela ne gênerait réellement qu'elle, le cassage de pieds ne remplirait pas son estomac, l'affaiblissant même plus qu'autre chose. Elle conclut que paraître résignée représentait un bien meilleur début de stratégie. Elle se dit alors qu'il valait mieux revenir au meilleur de sa forme le plus rapidement possible, régalant par la même occasion son appétit, doublé de sa gourmandise.
- Merci.
- Si vous avez encore faim, il y a du fromage et du pain frais également.
- Hum. Acquiesça-t-elle d'un simple hochement de tête.
La femme réchauffa alors le dîner de la nouvelle arrivante, avant de retourner à ses occupations sans un mot supplémentaire.

À nouveau, c'était comme si elle n'existait plus, on aurait dit que la présence d'Aelys lui était tout à fait indifférente. Elle était comme devenue invisible.
Notre héroïne se trouvait en cet instant partagée entre deux sentiments. D'une part l'agacement profond qu'elle ressentait, de par le fait qu'a l'origine elle n'avait pas demandé à se retrouver embarquée dans cette histoire, et que donc un minimum de respect serait appréciable. D'autre part, le soupçon de soulagement qui l'étreignais suite au mutisme de son interlocutrice. Elle n'avait pas à forcer de faux sourire, afin de paraître plus heureuse qu'elle ne l'était. Elle n'avait pas à en rajouter, et cela lui convenait parfaitement. Si tous ses échanges ici s'en tenaient comme celui-ci au strict nécessaire, cela lui faciliterait bien la vie.
Quand le micro-ondes sonna, elle récupéra le Tupperware, et sur l'îlot central les couverts laissés à sa disposition par la brune. Elle s'installa ensuite sur un tabouret, s'accoudant au bar faisant la jonction avec l'intérieur du reste de l'habitation.

Aelys savourait son plat, perdue dans la contemplation des baies vitrées entourant la maison. Elle n'attendait plus rien de cette journée, si ce n'est éventuellement une sonnerie de réveil lui annonçant que finalement tout ça n'était qu'un horrible rêve. Un cauchemar qui prendrait fin pour de bon. Mais elle n'était pas idiote et avait bien conscience qu'il s'agissait là de la réalité, si dure soit-elle a accepter.
Soudainement, une fille déboula sans prévenir dans la cuisine.
- Lia ça te dit de regarder un film avec moi ?
- Pas ce soir j'ai du travail.
- Allez dit oui s'il te plaît, je t'aide à finir, et ensuite je te laisse même choisir, on mettra c'que t'as envie.
- Va gratter l'amitié auprès de quelqu'un d'autre, j'ai dit non.
- Pourquoi t'es méchante aujourd'hui ? Déclara-t-elle tout sourires. Tu sais quoi ? Pas grave je m'en fiche. Je suis sûre que quelque part se trouve une personne bien plus aimable que toi qui sera honorée de passer la soirée en ma compagnie.
- C'est ça moque-toi de moi maintenant.
- Moi ? Mais jamais je n'oserais.
« Finalement, elles ont l'air bien s'entendre. » Pensait Aelys dans son coin, en observant l'échange d'un œil discret.
- Andréa, je suis désolée, mais la journée a été dure pour tout le monde ici. Et je suis fatiguée.
- Ouais, je suis au courant que quelque chose se trame. Sinon Aaron et Lucas ne se seraient pas cloîtrés dans le bureau toute l'après-midi. Résultat je me retrouve toute seule.
A la mention de l'alpha Aelys avala de travers, et failli s'étouffer. Elle toussotait alors que la femme de tout a l'heure lui tendait un verre d'eau en soupirant devant l'insistance de son amie.
- D'ailleurs c'est qui elle ? Une amie à toi ? Repris la brune aussitôt.
- Non. Répondis Lia sans donner plus d'explications.
- Bonsoir. Je suis Andrea, enchantée.
Aelys ne pris cependant pas la peine de lui répondre, se contentant d'un hochement de tête afin de ne pas paraître trop impolie. De toute manière, elle était bien plus intéressée par son assiette que par cette nouvelle rencontre.
- Dis-moi au moins comment tu t'appelles ?
- Aelys.
- Bon sang, elle n'est pas plus bavarde que toi. Ça change de d'habitude.
- Andrea...
- Ah, je sais ! Il a enfin accepté de prendre une nouvelle aide-ménagère ? Non ? peut-être... Reprit elle aussitôt comme s'il s'agissait d'un jeu.
- Non plus.
- Tu veux pas me donner un indice ? Je sèche...
- Sérieusement, tu vois pas qui ça peut être ?
- Oui t'inquiète, je rigolais. J'avais compris que c'était encore l'une des « invitées d'Aaron ». Répliqua-t-elle en faisant des guillemets avec ses doigts. C'est Ewa qui va pas apprécier si tu veux mon avis.
Cette fois ce fut son verre d'eau qu'elle avala de travers.
- Excuse-moi ma belle, je manque un peu de tact avec la fatigue. C'est juste qu'il pourrait prévenir, c'est pas parce que c'est l'alpha qu'il peut tout se permettre.
- C'est la Luna. Termina lia
- La Luna ? Tu veux pas dire... comme dans l'âme sœur de l'alpha quand même?
- Si.
- Oula non ! Ok oupsi... je... je suis désolée. Je pensais vraiment que... enfin tu vois...bref peu importe. C'est génial sinon, depuis le temps que j'attends de me faire une nouvelle amie, ça manquait de filles ici. Reprit-elle avec un grand sourire comme pour faire oublier sa petite bourde.
- Aucun problème.
- Si ça te dit, t'as qu'à venir voir le film avec moi vue que l'autre bougresse me pause un lapin. On pourra toujours faire connaissance. C'est triste de manger toute seule tu dois t'ennuyer.
- Pas vraiment, Lia est une agréable compagnie.
- Comme tu veux... Si tu changes d'avis je serai juste à côté devant la télé, en train de me faire oublier. Bonne soirée à toutes les deux, sinon.
- Andrea attend. Tu devrais la rejoindre Aelys.
- Pourquoi ça ?
- Et pourquoi pas ? Après ta journée tu mérites bien de te détendre un peu. Et pour l'instant à part l'autre folle on a pas grand-chose en stock à te proposer.
- Eh, je suis toujours là, et je t'entends j'te signale.
- C'est juste l'histoire de trois quarts d'heure. Vas-y. Moi je vais aller me coucher de toute façon. Tu n'as qu'à rester avec elle le temp de finir ton assiette, après tu pourras remonter te coucher.
- Très bien.
- Super. Allez, suis-moi ! Enchaîna la brune en lui tirant le bras, tandis que la rousse tentait de ne rien renverser de son plat.
- Attention ! T'en a foutu partout.
Andrea se rua dans la cuisine pour en revenir avec du Sopalin. Elle essuya les quelques dégâts au sol, d'un coup sec et précis.
- Et voilà fini. Ni vu, ni connu.
Elles s'installèrent alors dans le salon plus loin, avant de lancer la télé.