Je me tourne, et me retourne, fixant le plafond d'un blanc étonnamment immaculé.
Je n'arrive pas à dormir, et bizarrement, ça m'emmerde. Royalement.
Après avoir mangé, tout à l'heure, j'ai été coucher mes deux petits monstres qui malgré leurs quelques réticences, se sont endormis comme des loirs, dans ma chambre, pendant que moi, j'ai regagné celle de mon frère.
Bien que notre maison ne soit pas petite, on ne possède pas de chambre d'amis. Enfin, si, mais avec papa, on en a fait une bibliothèque.
Nahoya préférait un home-cinema, mais honnêtement, on a un salon pour ça, faut pas déconner.Et puis, lire, c'est notre truc, à papa et moi. Lors de ses jours de repos -ce qui n'arrive malheureusement pas souvent, je ne m'en plaindrai jamais assez- généralement, on aime se retrouver ici, pour discuter ou même lire en silence.
Quoique l'on peut-en dire, dans un sens, j'apprécie le silence. Et je pense que mon père aussi.
C'est apaisant, reposant.
Et puis, j'aime me plaire à penser que faute de choses intelligentes à dire, se taire nous rend incontestablement moins con.
Cependant, quelques fois, je prends le vieux tourne-disque de maman, qui trône fièrement sur la commode de ma chambre, et nous nous laissons bercer par le jazz, qui semble lézarder les murs de ses notes et flotter dans l'air, virevoltant de ses tons arabesques jusqu'à nos oreilles.J'adore lire, et c'est peu dire. J'avoue avoir un penchant pour les romans sentimentaux, et je sais que c'était aussi le cas de maman, puisque la plupart des romans qui ont bercé mon adolescence lui appartenaient. Un héritage culturel, en quelques sortes. Papa dit que je lui ressemble beaucoup, et ça me réchauffe le coeur, parce que j'ai l'intime impression d'être plus près d'elle, dans ces moments là.
Donc naturellement, fleur bleue que je suis, j'aime m'allonger par terre, sur le tapis avec Sota, et je ne compte plus le nombre de fois où assis dans cette bibliothèque, mon père lui, posé sur son éternel fauteuil en velours émeraude, nous contait encore une fois comment maman et lui s'étaient rencontrés. Je pense que ça a beaucoup joué sur notre façon de faire notre deuil, parce que c'est comme si elle était toujours là...
En fait, elle est morte d'un cancer. Je sais, tout le monde connaît mais personne ne se dit que ça peut lui tomber sur la tête à tout moment. Ce fut notre cas, à tous. Et ça a été vraiment violent, pour tous.
Avant sa mort, elle nous a fait chacun un cadeau « du coeur », comme elle aimait le dire. « Quelque chose qui ne pourra jamais nous quitter, comme elle. »
Elle nous a chacun cousu une couverture, à Nahoya, Sota et moi.
Pour Sota, un bleu semblable au ciel, Nahoya, un orange éclatant, et pour moi, une jolie couleur prune.
Elle semblait nous avoir dédiée ces couleurs, à ses yeux, nous en étions la représentation parfaite.
Je pense que c'est pour ça que les garçons se teignent les cheveux de cette manière, en hommage, sans nul doute.J'ai encore le souvenir de la voir, de ce qu'elle nous a dit, un sourire aimant retroussant ses belles lèvres malgré la fatigue évidente qui régnait en maître au fond de ses beaux yeux bruns. J'ai d'ailleurs les mêmes yeux qu'elle, d'un chocolat chaleureux, ce qui m'a valu le surnom « mon chocolat ».
Elle aimait les surnoms, elle aimait l'idée même de l'amour, et nous, nous l'aimions comme pas permis. C'était une femme formidable.« -Mes lapins, j'ai un petit cadeau pour chacun d'entre vous, venez me voir, avait-elle dit, en se redressant doucement afin de pouvoir être à demi assise dans son lit.
Nous nous étions alors avancés, de grosses larmes aux coins des yeux, pour finir par nous jeter sur son lit afin de pouvoir passer nos petits bras autour de son corps, autrefois endurant, mais pourtant maintenant si fragile...
Nous savions qu'elle allait mourir. Et nous savions également que c'était imminent.
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Surya
FanfictionJ'étais loin d'être surpris. Je savais tout ça, mais bordel, l'entendre était presque jouissif. - Je t'aime, Manjiro ! C'était comme un mantra. Sa voix s'infiltrait dans ma tête et se répétait en boucle. Une litanie. Je me suis juré de ne jamais ou...