— Tu as peur ? Murmure-t-il avec un sourire sadique. L'éclat de la lune ricoche sur l'une de ses canines. Bienvenue dans mon donjon.
— Cet endroit me plaît, dis-je d'une voix faible.
L'homme semble quelque peu surpris par ma réponse. S'attendait-il à ce que je pleure, à ce que je le supplie de me détacher, peut-être.
— Ces sangles sont solides, reprend mon ravisseur, et tu auras beau hurler, là où nous sommes personne ne t'entendra et j'ai beaucoup de joujoux à essayer avec toi. La nuit risque d'être longue.
— Tant mieux. Pourrais-tu resserrer les sangles s'il te plaît ? Ce n'est pas que je pourrais me détacher facilement, mais ça me procurerait une meilleure immersion.
— Tu crois que c'est un jeu, crache-t-il en criant presque, le regard enflammé, que je ne pourrais pas de faire mal ? Tu vas payer pour ce que ton connard de mari m'a fait, tu peux le remercier !
Oh merci George, merci de m'avoir mis sur le chemin de cet adorable persécuteur. Grâce à toi ce soir est le grand soir que j'attends depuis des années. Quelqu'un va enfin me faire ressentir quelque chose, me faire crier, et ce ne sera pas toi. À présent mon kidnappeur s'avance vers moi et je voudrais qu'il mette ses menaces à exécution dans la seconde, qu'il ne me fasse pas languir surtout. Plus de menace, rien que des actes, cher inconnu, je sais que tu en es capable.
Vous pourriez penser que je suis folle, que je n'ai plus toute ma tête, puisque dans la situation où je suis je devrais avoir peur, crier à l'aide et me débattre. Mais à quoi bon gaspiller mon énergie, mon geôlier me l'a dit, là où nous sommes, personne ne pourrait nous entendre. Autant profiter de ce lieu, de ces objets à notre disposition et de ces sangles plutôt confortables, un peu trop même. Je me mets à regarder la lame que serre mon inconnu de sa main droite, son éclat me brûle la pupille et imaginer la sensation qu'elle pourrait me procurer me brûle le ventre. L'impatience me démange. Qu'attends-tu ? Tu ne vas pas te dégonfler j'espère. Approche encore, montre-moi tes crocs, embrase-moi de tes yeux de braises.
Ça y est, mon inconnu pose délicatement la lame sur ma gorge avant de la faire glisser jusqu'à mon nombril, puis jusqu'au milieu de ma cuisse. « À nous deux, murmure-t-il ». Ce sont exactement ces mots-là que je voulais entendre. Il se met en action et fait passer la lame d'environ trente centimètres sous le tissu de ma robe et d'un coup sec, tranche tous les boutons qui se répandent sur le sol rocheux en émettant un petit bruit de coquillage. Les pans de ma robe s'écartent de chaque côté, dévoilant mon corps presque nu à mon tortionnaire. Il a l'air surpris de constater que je ne porte pas de soutien gorge et son air m'amuse.
Il lève les yeux vers moi, fronce les sourcils, s'approche encore un peu et place la pointe du couteau entre mes seins en y appliquant une légère pression. Une petite goutte de sang perle sur la peau. Une goutte qui libère un peu de mon angoisse, qui vient adoucir mon néant. J'avance la cage thoracique, de manière à sentir davantage la lame, d'autres gouttes viennent me chatouiller le ventre. Mon bourreau ouvre de grands yeux et de sa main gauche il me repousse vivement sur mon support. D'accord, tu veux faire durer les choses, je comprends, tu m'intrigues et c'est rare que je pense ça de quelqu'un. C'est pour cela que j'ose te demander :
— C'est quoi ton nom ?
— Pourquoi ça t'intéresse ? me demandes-tu avec un air presque confus.
— Tu n'as pas envie que je crie ton nom ce soir, dis-je en te faisant mon plus beau regard de biche.
Tu sembles déconcerté et tu bredouilles un prénom « Dan » et tu me lances que je suis complètement barge. Je prends ça pour un compliment, la folie mesurée est une qualité de plus en plus rare et j'en ai besoin Dan. Mais avant tout, j'ai besoin de toi ce soir, de tes aptitudes de bourreau. J'aimerais que tu prononces ma sentence, que tu me prouves que j'existe, que je suis bien face à toi, attachée, à ta merci. Coupe-moi, blesse-moi, fais-moi prendre conscience de ma chair et de mon sang, regarde, je suis à toi, ne le vois-tu pas. Mon attitude te déstabilise, c'est évident, mais je ne vois pas comment faire autrement. Je ne simulerai aucune peur, ni rien d'autre d'ailleurs, je ne pourrai qu'afficher ce que je ressens au plus profond de moi ; de la curiosité pour toi.
Je sens que tu as besoin d'encouragements.
— Et si tu commençais par ouvrir un peu les veines de mes bras et de mes jambes avec ta lame avant d'utiliser le reste de ta panoplie de l'exécuteur en herbe sur moi ?
Tu grimaces légèrement à ma proposition. Ne suis-je pas assez audacieuse à ton goût ? Le suis-je un peu trop ? Dis-moi à quoi tu penses, j'aimerais savoir ce qui se passe dans ce beau crâne en ébullition. J'insiste, tu ne réponds pas. Tu me fixes et j'essaie de me rappeler ce que George disait sur toi. Maintenant ça me revient, Dan.
Mon mari m'a raconté la fois où tu avais dépecé un homme qui t'avait manqué de respect en public. George à failli se faire dessus ce jour-là. Il ne me parlait pas souvent de toi, mais tu étais comme le héros d'une histoire d'horreur qu'un enfant connaît et qu'il admire en secret. Je suis cet enfant, Dan. Torture, enlèvement, sadisme, tu as tout cela pour toi et étrangement tu ne m'en fais pas profiter. Pourquoi ? Certes, ce n'est pas moi qui ai volé ton argent, mais tu pourrais m'utiliser pour faire payer le fautif comme tu me l'as suggéré et me rendre méconnaissable à ses yeux. À ton air, tu sembles prêt à me détacher et à me ramener chez moi, ce qui, à mon avis, serait le pire scénario possible pour ce soir. D'ailleurs tu te rapproches de moi, pose une main sur la sangle de ma main droite. Je t'arrête du regard.
Je n'irais nulle part, Dan, c'est toi qui m'as emmenée ici, j'y suis, j'y reste et je te le fais bien savoir.
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Cher Tortionnaire
RomansaGloria, dépressive, est malheureuse dans son mariage. Elle ne ressent plus rien, et bien qu'elle ait tout ce qu'il lui faut, il manque cruellement une chose à sa vie. Elle est loin de se douter que cette même chose va débarquer chez elle comme un ou...