La malchance était un concept, une idée vague d'infortune ponctuelle ou plus durable selon les cas, d'après laquelle une certaine entité surnaturelle, magique ou omnipotente - ou toutefois surpuissante - s'amuserait à mettre des bâtons dans les roues des calèches qu'étaient nos vies. Chacun suivait son chemin - destiné ou bien prédestiné par une multitude de déterminations qui n'avaient rien à voir les unes avec les autres - et espérait que cette entité ne jette pas son dévolu sur lui. En plus d'être subjective, la malchance revêtait différent degré de pénibilité et d'agacement, ou même d'affliction - dans les cas les plus extrêmes, et, le plus souvent, les événements malheureux qu'elle créait s'enchaîner, comme pour remuer le couteau dans une plaie aussi béante que saignante.
Bien sûr, il existait ces gens "pragmatiques", qui pensaient que la malchance n'existait pas, qu'elle n'était qu'une imagination de l'esprit collectif, mais dans un monde où tout semble déterminé au centimètre, à la note et à la seconde près, ne pas croire en quelque chose d'aussi intangible relevait de l'impensable. Car, en effet, dans un monde où le concept d'âme-sœur était monnaie courante, ne pas croire en la malchance paraissait absurde et insensé.
D'après Platon, les être humains auraient été pourvu à l'origine du monde de quatre bras, quatre jambes, d'une tête à deux visages. Craignant leur pouvoir, on les aurait séparés en deux parties distinctes, les condamnant à chercher durant leur reste de leur vie leur partie manquante, sans quoi ils ne seraient jamais complets.
Ces deux parties distinctes, pour se reconnaître, auraient évolué en trois espèces différentes : les alphas, les omégas, et les bêtas. Ces derniers complétaient la plupart du temps d'autres bêtas, bien qu'on est déjà vu des bêtas se marier avec l'une ou l'autre classe restante - même si ils ne s'agissaient pas d'âme-sœur. Les omégas, qui étaient plus faibles physiquement et plus émotifs, avaient été créé pour compléter les alphas, qui quant à eux étaient considérés comme les plus forts des trois classes, à l'image d'une balance de justice où doit régner l'équilibre des forces.
Jules était un oméga de dix-sept ans, avec des poignées d'amour, de belles joues rondes et de petites pommettes saillantes. Il ne ressemblait pas aux omégas scolarisés dans son lycée, ses kilos en trop faisaient qu'il ne semblait pas fragile, chétif ou il ne savait quoi encore ! On l'avait d'ailleurs souvent pris pour un bêta à cause de son apparence. Pourtant, il suffisait d'accorder un peu d'attention à son attitude ou même à son odeur pour comprendre quel était son sexe secondaire.
Honnêtement, Jules n'avait pas été surpris lorsqu'il s'était déclaré. Il avait toujours été d'un naturel calme et obéissant, et même si il était doué avec les mots couchés sur du papier, l'art de l'éloquence ne faisait pas parti de ses nombreux dons. Jules aimait bien sa vie, elle était simple à son image, et bien que certaines personnes l'embêtaient et lui attiraient quelques ennuis de temps en temps, il aimait se rendre au lycée tous les jours.
L'une de ses principales qualités était sa volonté et sa détermination à faire de son mieux dans tous les domaines. C'est ainsi qu'en ce frais lundi de novembre, celui juste après les vacances, Jules était déterminé à faire de son mieux et à passer une super journée. C'était - bien évidemment - sans compter l'intervention de la malchance dans ses plans journaliers.
Le vent soufflait dans les arbres, faisant se décrocher les dernières feuilles orangées qui venaient finir leur course devant le portail du lycée. Le soleil venait tout juste de se lever, créant de belles teintes rosées dans le ciel, tâché de nuages blancs et gris. Jules en était persuadé, il allait passer une super journée, parce qu'il l'avait décidé. C'est à cet instant que le premier obstacle arriva.
Muni de son sac de sport - car il avait sport en fin de journée, il passa les grilles du lycée et se rendit à son premier cours de la journée. Leur professeur leur annonça un bilan de tout le chapitre pour la semaine d'après. Mais ce n'était pas si grave, Jules ne délaissait pas son sourire et sa bonne humeur.
Le second accident arriva lorsque ses amis et lui se trouvaient dans le self. Jules adorait ses amis, bien que dans le groupe, il devait avouer qu'il n'était pas à l'aise avec tout le monde. Bien sûr, il y avait ses deux meilleures amies, Shelly et Bella, deux omégas, mais elles étaient tellement proches que parfois, il se sentait exclu. Puis, il y avait Edouard, son ami d'enfance, un bêta. Ils s'entendaient très bien tous les deux, et Jules adorait passé du temps avec lui, mais depuis qu'il avait trouvé Ophélie, son d'âme-sœur, ils ne passaient plus autant de temps ensemble. Et pour finir, il y avait Robin, un alpha, et Nina, une oméga.
Au début du lycée, Jules avait complétement craqué pour l'alpha, même si il savait que ce n'était pas son d'âme-sœur. Jules étant un introverti confirmé, ils avaient commencé à se rapprocher tout doucement, jusqu'à ce que Nina s'en mêle. Et soudainement, Jules s'était complétement fait éjecté et dès qu'il essayait de se rapprocher de Robin, Nina devenait méchante et agressive. Longtemps, lui comme beaucoup d'autres avaient pensé qu'ils étaient des âme-sœurs, mais les années avaient passé et rien ne s'était concrétisé. Jules avait fini par prendre ses distances en fin de première année, puisqu'il ne supportait plus le comportement de Nina.
Alors que le groupe d'amis allaient débarrasser leur tableau et que Jules et Robin étaient en pleine discussion à propos de leur cours de l'après-midi, Jules trébucha et son plateau finit sa course sur le sol de la cantine.
_ Tu vas bien Jules ? l'interrogea Robin, à côté de lui.
_ Je crois, répondit-il un peu sonné, les joues rouges de honte.
Il avait l'impression que tous les yeux du self étaient rivés sur lui.
_ Je vais chercher un balais, lui dit Robin en lui tendant son plateau, le sourire aux lèvres. Ne le fais pas tomber celui-là !
_ Ah ah très drôle, grommela-t-il.
_ Tu devrais faire attention à où est-ce que tu mets les pieds, commenta Nina derrière lui. Le passage pour déposer les plateaux est très étroit, ce n'est pas étonnant que tu aies renversé le tiens.
Surpris, Jules demeura muet et la regarda passer devant lui sans un mot. Il ne savait pas si ce qu'elle venait de lui dire était une pique à peine dissimulée sur son poids ou simplement une remarque blessante faite inconsciemment.
Ce fut quand Robin revint avec le balais que Jules se rendit compte que la journée n'allait vraiment pas être de tout repos.
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Comme si le monde nous tombait sur la tête
Teen FictionIl y a des jours comme cela, où on se rend très vite compte que la chance n'est pas de notre côté. Jules, un oméga enrobé de dix-sept, s'était pourtant levé avec beaucoup d'espoir pour cette merveilleuse journée de lundi. C'était sans compter l'alli...