Chapitre 10

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La lumière froide du jour me réveille et je peine à ouvrir les yeux. Des rêves étranges ont envahi ma nuit et mon esprit est encore embrumé. Je ne parviens pas tout à fait à distinguer dans quelle temporalité je me trouve, donc je me contente de me retourner et fourrer la tête dans mon oreiller pour cacher la lumière.

Je frissonne, complètement nu sous la couette épaisse.

Mes pieds s'activent à la recherche des jambes chaudes contre lesquelles ils se sont collés toute la nuit. Mais alors que je les étale dans tous les sens sur le lit, je ne rencontre que le vide et les draps glacés.

Je redresse alors la tête.

J'aurais juré qu'un Min-jun était censé se trouver de l'autre côté du matelas. Pourtant, il n'y a absolument personne.

— Min-jun ? appelé-je.

Mais seul le silence enveloppant de mon appartement me répond.

Je grommelle puis sors du lit en frissonnant à nouveau. Je déteste ce moment où le froid s'engouffre dans ma chair dès que je quitte la couette. Je récupère le jogging et le pull qui gisent au pied du canapé et les enfile rapidement pour remonter à une chaleur corporelle décente. C'est à ce moment-là que je remarque que quelque chose cloche. Les vêtements de Min-jun ne gisent pas au sol, eux. En fait, je ne les vois ni dans le salon ni dans la chambre. Ce qui commence à m'inquiéter. Pas de chaussures autres que les miennes dans l'entrée. Pas de grosse valise noire en plastique.

Est-ce que j'ai rêvé tout ça ?

Mais les décorations de Noël qui ont envahi mon appartement témoignent de son passage. C'est d'ailleurs la seule trace de lui qu'il subsiste.

Je reste hébété quelques minutes, sans comprendre ce qu'il se passe. Où a-t-il disparu et pourquoi a-t-il récupéré toutes ses affaires ? S'est-il senti mal après ce qu'il s'est passé entre nous cette nuit ?

À mesure que les diapositives de notre partage charnel s'affichent sur ma rétine, je réalise que c'était un acte tout à fait stupide. Il y avait de base une trajectoire toute tracée. Une trajectoire simple et sans virages, sans détour, sans circonvolutions. Qui m'assurait de rester dans les clous, de m'occuper uniquement de ce que j'avais à faire. C'est d'ailleurs pour ça que ce job me convient bien, je répète un discours que je connais par cœur, dans un environnement que je connais par cœur, en suivant un planning bien encadré. Je ne prends aucun risque, et je n'ai donc pas à me soucier des imprévus. Mais depuis le début de ce séjour spécial, j'ai l'impression de n'affronter que ça. Gérer des imprévus, devoir prendre des détours, me perdre en route. Et m'inquiéter pour les gens.

Enfin pour un en particulier.

Et je n'ai pas envie de ça. Je n'ai pas la force de m'inquiéter pour quelqu'un d'autre quand ça me prend déjà tant d'énergie de m'inquiéter pour moi-même.

Je me suis rendu vulnérable, et maintenant je n'ai aucun moyen d'arrêter mon cerveau qui balise totalement. Un vrai radar, un drapeau rouge hissé un jour de tempête, une sirène incendie qui ne s'éteint jamais. Et je ne peux qu'assister au naufrage depuis l'autre côté de la berge, paralysé dans un étau de glace...

...

C'est bien parce que je ne suis pas du tout drama queen quand je m'inquiète.

— Ah ! Tu es levé !

La voix qui provient de l'entrée me fait sursauter. Mon cerveau était si bruyant que je n'ai pas entendu tourner la clé dans la porte. Debout dans le couloir se tient un Min-jun aux joues rosies par le froid, en train d'ôter son manteau, une valise noire en plastique à ses pieds et un sachet en papier kraft dans une des mains.

Lyon sous la NeigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant