Douée (abandonné)

~Chapitre 6~

  À force de s'enfoncer dans la forêt, Iris commençait à douter. Plus elle avançait moins elle se sentait en sécurité bien qu'elle ne trouvait pas son compagnon de route menaçant, la jeune fille se demandait où il l'emmenait.

  Depuis leur départ les nuages s'étaient levés et une légère pluie s'abattait à présent sur la forêt accompagnée d'une agréable odeur de mousson. L'adolescente s'émerveillait devant ce spectacle, elle avait rarement ressentit un tel sentiment de plénitude. Elle tendait l'oreille pour écouter le ciel pleurer et savourait chaque instant passé dans la forêt.

Le temps s'était rafraîchi et l'atmosphère semblait humide et pesante. La jeune fille ne se sentait pas à son aise, ses vêtements avaient à peine séché tout comme ses long cheveux qui restaient chargés d'eau. Et la pluie n'arrangeait rien.

L'adolescente avait toujours voulu les couper plus court car il était difficile de les entretenir et ils paraissaient toujours emmêlés, de plus ils lui procuraient un mal de dos terrible dû à leur poids. Malheureusement, elle ne pouvait pas leur donner une taille plus convenable car elle ne possédait aucun ustensile tranchant, Pa ne lui permettait pas d'utiliser ne serait-ce qu'un objet pointu de peur qu'elle ne décide de lui faire du mal par vengeance ou rébellion. La jeune fille devait donc se résoudre à les laisser tel quel.

Iris se demandait comment Yrurem pouvait se repérer avec si peu d'indice sur là où ils se trouvaient car tous les arbres se ressemblaient, toutes les plantes semblaient similaires et il n'y avait pas de sentier.

- Où alons-nous? L'interrogea-t-elle soucieuse.

- Où veux-tu aller? Lui demanda-t-il en retour.

- Je n'en sais rien, à vrai dire la seule chose que je voulais était d'être libre.

Et ils ne dirent plus un mot avant d'arriver dans une grande clairière et c'est là que la jeune fille aperçut entre les hautes épines et feuilles des sapins et arbres le toit d'un énorme bâtiment. Sa toiture semblait être composée de tuiles d'argile noir, de se qu'elle pouvait distinguer, l'imposante demeure se tenait proche des deux adolescents. Iris supposa qu'il s'agissait de leurs destination finale, peut-être était-ce là qu'Yrurem demeurait?

Depuis qu'il marchait dans les hautes herbes, le jeune homme jetait des coups d'œil furtifs aux alentours comme s'il s'inquiétait d'être suivi. Il accéléra aussi la vitesse de sa marche et Iris avait du mal à suivre, elle se prenait les pieds dans divers plantes, la plupart du temps il s'agissait de fougère mais elle arrivait à se frayer un passage avec la grande canne en bois d'Yrurem.

L'adolescent s'arrêta soudain, au grand soulagement d'Iris, et se retourna vers la jeune fille.

- Il faut que tu mettes le bandeau sur tes yeux car plus nous avançons vers le village plus nous prenons le risque d'être vus.

- Je veux d'abord savoir où l'on va. Si ça se trouve...

- Tu t'inquiètes trop, la coupa-t-il dans un soupir, nous nous rendons dans une taverne tenue par un de mes amis, il est bientôt l'heure de manger et j'ai faim. Je me languis déjà de leur délicieuse frittata aux pommes de terre accompagnée de leur succulente soupe cressonnière.

- Qu'est-ce que c'est?

- Quoi? La frittata aux pommes de terre et la soupe cressonnière?

Iris hocha la tête positivement.

- Ce sont toutes les meilleures saveurs que la nature nous a offertes, rassemblées en deux magnifiques plats. Mais plus sérieusement, les frittatas de pommes de terre sont en quelque sorte des omelettes de pommes de terre et la soupe cressonnière est une soupe de cresson, expliqua t-il en faisant de grands gestes un énorme sourire plaqué sur son visage.

La jeune fille lui attrapa les mains ce qui fit tomber la canne qu'elle serrait entre ses doigts et se rapprocha de lui. Un rouge écarlate rongeait à présent les joues de celui-ci. Surpris, il fixait les mains de l'adolescente sans oser les séparer des siennes. Elle semblait si heureuse, si épanouie, ses yeux noirs, soudain éclairés par une lumière toute nouvelle.

- J'ai hâte de partager un repas avec toi! Et puis cela signifie que nous sommes amis maintenant! Je me sens tellement heureuse!

Iris se détacha de l'emprise qu'elle avait sur lui et s'élança dans les hautes herbes, afin d'atteindre la taverne le plus vite possible. Cela ne se voyait pas mais elle mourait de faim. Quand elle fût arrivée au bout de la prairie, la jeune fille se retourna vers Yrurem et tout en le fixant du regard, elle plaça le bandeau sur ses yeux, traître s'abattant sur l'éclatant soleil ne laissant que l'obscurité pour entrevoir les contours de la vérité. Mais le jeune homme ignorait que sous le masque les yeux ne demeureraient pas aveugle éternellement et que les sourires s'effaceront avec le temps.

Amusé, l'adolescent marcha tranquillement vers Iris laissant derrière lui la canne en bois.