La fille d'Hersilie

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-Tout a commencé dans la cité de Rome, en 715, alors qu'elle était gouvernée par Romulus. Je m'appelle Licia, et je suis la fille d'Hersilie et de Romulus. Moitié sabine et l'autre romaine. J'avais dix-huit ans, et je n'étais pas encore mariée, ce qui était plutôt étonnant. Peut-être était-ce grâce à ma mère, qui m'avait donnée son incroyable indépendance et sa détermination, et aussi à mon père, qui avait toujours respecté cela.

J'ai dévalé les escaliers en courant et suis sortie de la maison, en redevenant à l'instant où je franchissais le seuil la fille parfaite, la fille du roi. Je ne montrais jamais mon vrai visage en public, sauf avec Marcus, mon meilleur ami, chez qui j'allais à cet instant. Je ressortis quelques heures après et me dirigeais vers le Sénat, où mon père discutait actuellement avec les sénateurs, et entrai dans le bâtiment, jusqu'à arriver devant la porte de la salle du conseil. Elle était ouverte, et je trouvai ça étrange. Je m'apprêtai à entrer, mais entendre mon père parler me stoppa. Je regardai seulement, à travers la porte entrebâillée :

«Tu ne t'en tireras pas ainsi, Julius. Les Romains ne sont pas stupides, ils découvriront la vérité.

-Je ne crois pas, Romulus, je ne crois pas. Ils croiront ce qu'ils veulent entendre.

-Tu ne dirigera jamais Rome. Tu ne me succédera pas. Je ne t'ai pas nommé pour cela... »

Un cri de rage échappa à Julius, et il planta un couteau dans la poitrine de mon père. Je m'enfuis, en silence, luttant contre les larmes et la rage qui menaçaient de m'engloutir. Je rentrai chez moi. Une tempête était en train de se déclencher, à l'extérieur. Quand elle se termina, on entendit une voix venant de sous les fenêtres de la maison, de la rue, et dont les paroles s'adressaient à tout le village. Julius. Quelle hypocrisie...

«Romulus s'est évanoui dans la tempête, il a été accueilli parmi les dieux et doit maintenant être honorée en tant que Quirinus, comme un dieu. Il est apparu et Numa Pompilius lui succédera.»

Des cris se firent entendent, de tristesse et aussi de joie, pour fêter le nouveau roi. Ma mère entra dans ma chambre et s'assit à côté de moi, me serrant seulement dans ses bras, pendant que je me mettais à pleurer, et elle se laissa aussi aller. Sauf que, et elle ne pouvait pas le savoir, je pleurais aussi de rage.

Lorsque nous avons dîné, ce fut en silence, un silence lourd de l'absence de mon père. Les jours, suivants, je restais dans ma chambre, le cœur lourd du secret que je portais. Je ressentais une rage si puissante envers le sénateur Julius qu'elle me faisait peur. Oui, j'avais peur de ce que je pouvais faire. Alors je contenais ma colère et ne faisait rien. Je risquais d'exploser au moindre mot qui m'était adressé. Quelques jours s'étaient écoulés ainsi, lorsqu'on frappa à ma porte, en fin de matinée. Je dis, assez agressive; trop, je crois:

«Laisse-moi tranquille!»

On poussa tout de même le battant et ma mère entra, parlant avec douceur:

«Je sais que tu es triste, et je le suis autant que toi, mais je ne suis pas responsable de la mort de ton père.

-Je suis désolée, je ne sais pas ce qu'il m'arrive...»

En prononçant ces mots, je venais de comprendre que ma colère me consumait peu à peu. Ma mère, restée sur le seuil, ne me laissa pas le temps d'étendre ma pensée sur ce sujet:

«Il faut que tu prenne l'air, tu ne peux pas rester là indéfiniment.

-Je ne veux pas sortir.

-Marcus est en bas. Il t'attend, il voulais te voir, prendre tes nouvelles.»

Je me crispais à l'énonciation du nom de Marcus, et ma mère le remarqua. Elle ressortit sans rien dire. Il ne monta pas, j'en conclus qu'il était reparti. Je ne descendis qu'au dîner, sortant enfin de ma chambre. Je me couchai juste ensuite, espérant trouver un sommeil calme. Ce ne fut pas le cas. Mais peu importe. Les rêves qui me tourmentèrent cette nuit là me firent comprendre une chose: je ne pouvais pas laisser ce secret me détruire. Le matin, je sortis, marchant au pied du mont Palatin, au bord du Tibre, où j'avais l'habitude de venir avec Marcus. Un moment plus tard, j'entendis un bruit et me retournai vivement, me figeant immédiatement.

Eclairs [ Recueil de nouvelles ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant