CONCOURS : Le rassemblement des Cinq Corbeaux [TERMINE]

Le long discours de Mestre Thomdrill

Ventru comme un sanglier, le crâne nu, mais le sourire franc, Thomdrill fit son entrée. Alors que son physique ne semblait pas se prêter à l'exercice, il se livra à une majestueuse révérence puis, d'un geste gracieux, sauta en arrière et atterrit souplement sur le comptoir, ses pieds évitant habilement tasses et autres récipients.

Ravi par applaudissements qui ponctuèrent sa pirouette, il rit grassement et salua l'auditoire. Il s'assura ensuite d'un silence total et parla d'une voix lente et profonde :

— Mes bons amis, quelle joie de vous recevoir dans ce bel établissement, fit-il en s'inclinant vers la Grosse Jeanne.

« Mon héritier se verra la lourde tâche de satisfaire le Roi, gloire à son nom. Mais comprenez que Son premier labeur – comme il devrait l'être pour chaque homme digne – est de combler sa Femme, la Reine. Gloire à son nez ! – certes long, mais fort jolie !

« Et ce ne sera pas une affaire aisée, car jongler et faire des cabrioles ne suffit plus. D'un âge certes avancé, mais d'une beauté toujours pure, les années n'ont guère altéré son esprit, au contraire. Elle est aujourd'hui d'une finesse qui dépasse l'entendement. Malheureusement pour moi, le temps à une tout autre prise sur mon génie.

« Vous devrez l'enchanter grâce à vos verbes, la transporter vers des lieux merveilleux et inconnus et la faire sangloter puis rire rien que par la magie de vos mots.

« Mais halte-là, vous n'avez certainement pas fait cent ou mille lieus pour m'entendre caqueter. Je vais donc vous annoncer ce que j'attends exactement de vous. Dès lors, je vous prie d'excuser mon langage... mmmmh... mécanique. »

« Les trente-deux premiers à venir participeront à la joute.

« Je me pencherai préalablement sur vos peintures, sur la succincte description de votre fable et sur le premier chapitre. Pour n'en garder que seize.

« Puis, je formerai des duels et lirai les trois parties suivantes, pour que finalement il n'en reste que deux.

« Je lirai alors l'ensemble des deux œuvres pour ne consacrer qu'un champion. Un seul. Un ultime. Un chanceux qui aura l'honneur de côtoyer la reine est son indescriptible chevelure... soyeuse, au parfum de miel et de lavande, de ...

« Bref ! Je m'égare ! ... Si vous connaissez quelque peu l'arithmétique, vous comprenez dès lors qu'il vous faudra avoir un minimum de treize chapitres, faute de quoi je ne pourrai accepter votre participation. Et vous n'aurez plus qu'à retourner à votre misérable existence, loin de la Reine et de ses gracieuses épaules, si parfaitement dessinées qu'elles sont semblables à des ...

« Assez ! reprends-toi Thom !

« Afin d'éviter d'avoir maille à partir avec le grand, invisible et indivisible dieu Ciber Netik, qui nous guette à chaque instant, on m'a demandé de transmettre les avertissements usuels concernant les dérapages de propos, mais comme nous sommes en compagnie honorable, nous n'avons aucun souci à nous faire.

« Et pour finir, comme je ne puis souffrir les différends, je serai l'unique et suprême juge de vos œuvres ! Avec tout de même l'aide modeste de mon assistant-lézard Krrkippaal. Si par le plus grand des hasards vous aviez des protestations à formuler, gardez-les pour vous.

« J'attends que votre plume soit assez aiguisée pour combler l'esprit affûté de la Reine. Moi, de mon côté, je me satisferai de contempler son nez... de loin...

« Pour résumer mes paroles et bien comprendre ce qu'il vous attend, mon Krrkippaal vous a concocté un règlement que vous trouverez dans le salon des Flagorneurs, au premier étage. C'est dans cette même pièce que vous aurez l'immense privilège d'apposer votre sceau d'auteur en guise d'inscription. Krrkppaal étant particulièrement méticuleux, il ne tolérera aucun manquement à ladite reine... que dis-je ! À la règle !

Quelque peu mélancolique, Thomdrill quitta la salle. Puis revint rapidement.

« J'allais oublier, nobles aventuriers, la Reine, gloire à ses jambes, estime particulièrement les histoires surnaturelles, emprunte de magie. Donc, je vous prierais de vous en tenir à son style.

« Merci