Ne tirez pas sur le héros ailé

Chapitre 19 : Aptère

Le bruit régulier des vagues agitées qui heurtent la digue n'était plus qu'un lointain souvenir maintenant. Le déchaînement de la mer, le sifflement aigu du vent, l'odeur iodée de l'air, tout était resté derrière. Si Elisabeth avait su dans quel pétrin Shigaraki l'emmènerait, elle aurait tenté de s'enfuir bien plus tôt, lorsqu'il ne l'avait pas encore trouvée parmi la foule des détenus. Mais il l'avait aperçue là-bas, aux côtés de Lady Nagant, debout à le scruter avec appréhension. Il avait invité les prisonniers fraîchement libérés à le suivre et, afin de pouvoir s'échapper de l'île de la justice isolée au milieu de l'océan, Elisabeth n'avait eu d'autres choix que de le suivre.

« Tiens, salut Hansen », avait-il lancé de sa voix rocailleuse.

Il avait eu une apparence décharnée, l'air épuisé, et pourtant, il s'était tenu devant elle, le dos voûté, donnant l'impression qu'il ne ressentait pas la fatigue.

« Dabi va être content de te revoir. »

Un frisson de terreur avait parcouru l'échine de la jeune femme. Shigaraki ne s'était jamais directement adressé à elle, passant toujours par Dabi pour récupérer les informations qu'elle récoltait. Mais il l'avait reconnue, entre tous les uniformes gris présents sur place, il avait eu le malheur de poser ses yeux sur elle. Et à présent, elle courrait après la cohorte dont le seul objectif était d'absoudre toutes les prisons du pays. Hinata et Magic Wind s'étaient enfuies un peu après qu'ils aient rejoint la terre ferme, souhaitant joyeusement à Elisabeth une vie longue et un mariage fructueux avec le numéro 2. Hawks... Où était-il ? Que faisait-il ? Savait-il déjà pour la chute du Tartare ? Chercherait-il à la retrouver, et si oui, l'enverrait-il de nouveau là-bas ? Non, il ne fallait pas y penser tout de suite. D'abord, elle devait trouver un moyen de rejoindre Musutafu et de retourner auprès des héros, là où elle se sentirait en sécurité. Après tout, si elle se rendait directement devant les autorités, peut-être seraient-ils cléments avec elle.

Après plusieurs longues heures de marche, le groupe de vilain arriva devant une nouvelle prison, moins sécurisée que le Tartare, et Elisabeth n'eut pas le temps de savoir où ils se trouvaient qu'une explosion retentit. All For One, Shigaraki, les Nomus ainsi que les autres vilains échappés avaient déjà lancé l'assaut contre le pénitencier. Lady Nagant, étrangement, ne participait pas à la bataille. Elle restait en retrait, se contentant de viser à une distance hors du commun les quelques gardes qui accouraient au-devant de l'entrée principale.

« Où sommes-nous ? » Demanda fébrilement Kugisaki en détournant ses yeux du spectacle horrifique.

« A la prison de Sian. C'est à 2 heures de Musutafu », répondit Lady Nagant sans cesser de tirer.

Si Elisabeth voulait s'enfuir, c'était le moment. Shigaraki et les autres étaient trop occupés à combattre pour appréhender une fugitive.

« Je te déconseille de faire une bêtise pareille », dit alors l'ancienne héroïne comme si elle avait lu dans ses pensées.

« De quoi tu parles ? »

« Je parle du fait que tu veux t'échapper des mains de Shigaraki », clarifia-t-elle sans toutefois cesser d'observer l'attaque. « Où que tu sois, ils te retrouveront. Si t'étais bien aux ordres de Dabi, il n'abandonnera pas si facilement. D'après ce que je sais, c'est un obsessionnel. »

« Les gens parlent de lui-même derrière les barreaux ? » Interrogea Elisabeth.

« Ouais. Parfois, les gardiens laissaient trainer leurs journaux. L'annonce de ta venue a fait pas mal de bruit. Les autres détenus te jugeaient indigne de rentrer dans une prison d'une telle envergure. »

Quelque part dans un coin de la tête de Kugisaki, un sentiment de soulagement naquit. Des criminels ne reconnaissant pas les crimes d'une de leur compère, cela ne signifiait qu'une chose : l'envergure de ses méfaits n'était pas suffisamment importante pour qu'elle soit considérée comme une coupable.