IV - paulin sans cheveux

64 20 22
                                    

"regardez, le ciel se couvre", parce que je ne voulais pas parler de la couleur de la mer.
des personnes que je n'ai pas su distinguer sont passées nous donner à boire, j'ai encore pris un café sans me poser de question et je me suis rendu compte que je n'aimais toujours pas ça. je l'ai fini. le colosse dont je ne connaissais toujours pas le nom m'a regardé et m'a dit que j'avais l'air pâle. j'ai dit : "oui".
papi me disait souvent que j'avais l'air pâle avant qu'il meure. quand je l'ai vu dans son cercueil en bois tout noir je lui ai dit que c'était lui qui avait l'air pâle maintenant. il ne m'a pas répondu. un jour, pour noël, il m'a offert un petit train. je n'ai pas su pourquoi, parce que je ne l'avais pas demandé. il m'a dit que c'était parce qu'il voulait que je découvre le monde, il a rajouté que c'était plus simple en train. j'ai dit « d'accord ». ensuite j'ai oublié parce que j'étais petit. j'ai sûrement jeté le train à la mort de papi.
je me suis demandé depuis combien de temps on roulait. on avait passé la mer maintenant, et la forêt était revenue. j'ai commencé à m'ennuyer. j'ai repensé au petit garçon chauve des toilettes et je me suis demandé où étaient ses parents. il m'a rappelé un enfant à l'école primaire. il avait une leucémie et c'était le seul qui avait le droit de porter un chapeau en classe. je crois qu'on était amis, parce qu'un jour il m'a dit : "tu t'appelles comment ?". lui s'appellait paulin. c'était un bon garçon mais je pense qu'il est mort maintenant.

le train s'est arrêté pour ce qui m'a semblé être la millième fois et j'ai encore vu des ombres monter. je n'ai reconnu personne dans la foule, juste des tâches.
comme je m'ennuyais toujours, j'ai encore pensé au passé même si je n'aime pas ça. l'odeur de la forêt et celle de la terre m'ont rappelé mon adolescence au lycée saint-exupéry où je fumais en tenant ma cigarette entre mon pouce et mon index. ça ne me rendait pas plus cool, c'est juste que je savais pas comment la tenir. à l'époque, on mettait le feu à des poubelles avec les copains. j'aimais bien, mais je préférais fumer. l'odeur des flammes était trop forte et me faisait tourner la tête. un jour, j'ai trouvé une pie morte sur le balcon de la cuisine, je l'ai regardé, et j'ai essayé de la découper avec le couteau préféré de maman. j'ai vu ses entrailles et ses petits tout petits poumons couler sur la table en bois. je me suis retourné parce que je sentais un regard sur moi. il n'y avait personne. j'ai jeté l'oiseau à la poubelle mais j'ai gardé une de ses plumes en souvenir. elle est toujours dans une petite boîte de mon buffet avec d'autres de mes trésors.

juste, pour un trainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant