VII - papi-plus-là

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j'ai repensé au papi de l'entrée. je me suis demandé s'il allait bien. comme ça m'a angoissé, je me suis vite levé et j'ai marché. j'ai fait trois fois le tour du train et je suis passé trois fois devant le papi sans le voir. au quatrième tour, je l'ai vu recroquevillé près la porte. il n'avait pas bougé, je crois que ça faisait plusieurs heures.
il m'a fait de la peine alors je me suis assis devant lui et j'ai attendu. au bout d'un moment, j'ai dit : "bonjour". il ne m'a pas répondu alors j'ai dit : "bonjour". il ne m'a pas répondu, encore une fois. je me suis senti mal à l'aise alors je n'ai pas bougé. quand j'en ai eu marre, j'ai voulu partir mais je suis resté debout devant lui quelques secondes pour aucune bonne raison. il a levé sa tête dégarni de cheveux blancs et j'ai dit : "bonjour". il m'a enfin répondu : "bonjour". on s'est regardé longuement. il avait l'air de celui qui analyse son ennemi avant d'entamer un combat à mort avec lui. il m'a dit : "vous aimez les trains ?", j'ai chuchoté : "non", "pourquoi cela ?", je n'ai pas répondu parce que je n'avais rien à répondre. il m'a rappelé mon grand-père et ça m'a énervé. j'ai voulu mettre le feu à sa chemise délavée pour me venger de la fois où il m'a offert ce foutu train. "vous avez le regard d'un homme fatigué", je me suis senti bête et j'ai eu l'impression de tomber. ce n'était qu'un vertige. il a rajouté : "fatigué ou brisé, peut-être les deux" avec une voix grinçante qui m'a rappelé le bruit des freins dans les gares. j'ai voulu partir très loin. j'ai pensé que le colosse était de meilleure compagnie. son regard tout aussi vitreux que celui de mathilde m'a fait peur alors j'ai dit : "tu es mort, papi, mort et enterré avec ton train et ta fille, maintenant arrête de vouloir me forcer". il n'a rien dit, je suis parti.

juste, pour un trainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant